Question posée par Salvador le 08/04/2020
Bonjour,
Une quarantaine d'essais cliniques autour du nouveau coronavirus impliquent actuellement des établissements de santé français, selon le site gouvernemental américain Clinical Trials.
Le plus important d’entre eux s’appelle Discovery. De dimension européenne, il compte 25 établissements français participants, chapeautés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il compare l’efficacité de quatre traitements sur autant de groupes de patients : le remdésivir ; le lopinavir-ritonavir ; le lopinavir-ritonavir associé à interféron bêta ; et l’hydroxychloroquine. Auxquels s’ajoute un groupe qui ne reçoit pas de traitement mais seulement les soins habituels.
Lors d'une conférence de presse, le 8 avril, la coordinatrice de l'essai, la professeure lyonnaise Florence Ader, déclarait que compte tenu de l'évolution plutôt lente de la maladie chez les patients, il fallait attendre 15 jours après l'inclusion d'une personne dans un des bras de l'essai pour évaluer l'efficacité de ce qui lui est prescrit. Et de poursuivre : «Pour l'analyse globale des 300 premiers patients, et des 300 premiers résultats, il va falloir attendre que chaque patient ait franchi ce cap du quinzième jour. Si on va plus loin, ça veut dire que pour avoir des premiers résultats, et des premières tendances, rien ne sera disponible avant au moins la fin du mois.» Au total, selon nos informations, une centaine de patients français sont déjà arrivés au bout de leur traitement dans le cadre de Discovery, parmi les 800 qu'il est prévu d'inclure dans ce protocole.
Autre essai d'ampleur, qui ne teste lui que l'hydroxychloroquine sur un groupe de patients (en comparaison avec un groupe témoin qui n'en reçoit pas) : le protocole Hycovid du CHU d'Angers, qui réunit une trentaine d'établissements français, et doit concerner 1 300 personnes atteintes du Covid-19. «Une à trois semaines» étaient initialement annoncées début avril pour les recruter.
Aujourd'hui, l'hôpital angevin ne souhaite pas communiquer sur l'avancée de ce recrutement. Son service communication fait par ailleurs savoir qu'il n'y a «pas de date connue» pour une première communication des résultats. Seule certitude, comme pour Discovery (et pour les mêmes raisons), une quinzaine de jours sont nécessaires après l'entrée d'un patient dans le protocole pour mesurer les effets du traitement.
Vous nous avez aussi demandé : Quels hôpitaux prescrivent de l'hydroxychloroquine ?
Coviplasm, Covidoc, Corimuno-19
Une date un peu plus précise est en revanche connue pour Coviplasm, une étude de l'Etablissement français du sang, de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP) et l'Inserm. Cet essai étudie l'efficacité du transfert de plasma de personnes guéries du Covid-19 à des malades. Les prélèvements ont commencé le 7 avril et doivent profiter à 60 patients (dont la moitié recevront du «plasma-convalescent»). La professeur Karine Lacombe, de l'hôpital Saint-Antoine à Paris, qui coordonne le projet, nous fait savoir que les premiers résultats sont attendus «pour fin avril ou début mai».
On peut également citer l'essai Covidoc, que vient d'annoncer le CHU de Montpellier, et qui s'intéresse peu ou prou aux préconisations du Docteur Raoult : de l'hydroxychloroquine sera prescrite à 150 patients malades depuis dix jours, et parmi eux 75 recevront en plus de l'azitromycine. Le docteur Jacques Reynes, professeur de maladies infectieuses à l'hôpital héraultais et coordinateur de Covidoc, détaille : «Nous ferons une première analyse intermédiaire quand la moitié des patients aura reçu le traitement pendant dix jours.» Selon l'infectiologue, les premiers résultats ne seront pas connus avant quatre semaines.
Sans rentrer dans le catalogue, on pourrait également citer les études de l'AP-HP Stroma-Cov2 ou Corimuno-19. «Je n'ai pas d'informations à vous communiquer sur les inclusions de patients», et donc sur des dates de résultat, nous répond à ce sujet le professeur parisien Bruno Riou lors d'une conférence de presse tenue ce vendredi soir. «Tout ce que je peux vous dire c'est que tout, le processus de validation de ces essais, d'autorisation réglementaire, la logistique, les inclusions, s'est fait à une vitesse jamais vue en France en termes de recherches», ajoute le médecin.
«Interruption prématurée de l’étude»
Selon plusieurs professionnels de santé contactés, il existe toutefois des obstacles à l'avancée de ces protocoles. Un premier serait la difficulté à recruter des patients volontaires. «C'est peut-être que le confinement marche et tant mieux, soufflent de concert deux de nos interlocuteurs, mais ça réduit le nombre de personnes que l'on peut recruter.» De même, comme vous le racontait récemment Libération, certains patients refusent d'être inclus le protocole Discovery parce qu'ils ne veulent pas faire l'objet d'un tirage au sort entre les différents bras de l'essai, et ne souhaitent être traités qu'à l'hydroxychloroquine.
Vous nous avez aussi demandé :Est-il vrai que l'essai Discovery ne permet pas de tester le protocole Raoult ?
Il existe un autre frein à la publication des résultats provisoires : à ce stade, selon nos informations, aucun des traitements à l'essai n'a prouvé une efficacité (ou une dangerosité) particulièrement importante par rapport aux autres. Sans quoi, il est vraisemblable que les médecins responsables de l'essai en question l'auraient fait savoir. C'est par exemple ce que promettait le CHU d'Angers dans le communiqué de lancement d'Hycovid : «L'obtention précoce d'un résultat prouvant l'efficacité de la molécule [l'hydroxychloroquine] pourrait conduire à une interruption prématurée de l'étude, afin que le traitement soit immédiatement mis à disposition des patients Covid-19.»
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