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Que sait-on d’un éventuel prolongement du confinement pour les personnes âgées ?

Emmanuel Macron a indiqué lors de sa dernière allocution que l'exécutif demanderait aux «personnes les plus vulnérables» de rester confinées après le 11 mai.
Une femme parle avec sa mère dans une maison de retraite, le 15 avril 2020. (Photo Jeff Pachoud. AFP)
publié le 17 avril 2020 à 8h09

Question posée le 15/04/2020

Bonjour,

Votre question porte sur d'éventuelles mesures qui viseront à protéger les personnes les plus à risque de faire une forme grave du Covid-19, notamment les personnes âgées, après la sortie progressive du confinement annoncée pour le 11 mai.

«Pour leur protection, nous demanderons aux personnes les plus vulnérables, aux personnes âgées, en situation de handicap sévère, aux personnes atteintes de maladies chroniques, de rester même après le 11 mai confinées, tout au moins dans un premier temps», a ainsi déclaré Emmanuel Macron lors de son allocution de lundi.

Une autre déclaration a alimenté une certaine inquiétude pour les personnes âgées et leurs proches : celle d'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Plusieurs médias français ont rapporté que cette femme politique allemande préconisait «que les personnes âgées restent confinées chez elles jusqu'à la fin de l'année 2020», comme le Figaro par exemple. Le magazine Valeurs Actuelles a même titré «Les personnes âgées vont devoir se confiner jusqu'à la fin de l'année», en s'appuyant sur ses déclarations.

Si l'on prend sa déclaration mot à mot, la présidente de la Commission n'évoque pourtant ni confinement, ni de date précise : «Sans vaccin, les contacts des personnes âgées doivent rester aussi limités que possible. Je sais que c'est dur et que la solitude est déprimante. Mais des vies sont en jeu - pas seulement les nôtres. Nous devons rester disciplinés et être très patients», avançait-elle dimanche dans les colonnes du quotidien Bild, en réponse à une question sur les restrictions de visite des maisons de retraite. A noter qu'une limitation des contacts n'est pas forcément synonyme de confinement général à la française. Surtout du point de vue de l'Allemagne, où les mesures de confinement sont moins strictes et générales qu'en France.

Elle estimait également que ce n'est que lorsqu'un vaccin serait trouvé qu'un retour à la normale sera envisageable : «Ce n'est qu'alors que nous pourrons vaincre le virus. C'est pourquoi les chercheurs du monde entier y travaillent d'arrache-pied. Deux des trois équipes les plus prometteuses sont basées en Europe. Ils prévoient de commencer bientôt des essais cliniques. Ensuite, il reste des étapes à franchir jusqu'à l'approbation et la production de masse. J'espère qu'ils auront mis au point un vaccin d'ici la fin de l'année.»

Feuille de route européenne

Depuis, Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen, Charles Michel, ont rendu public, mercredi, une «feuille de route» de préconisations sur le déconfinement à destination des pays membres, comme le rapporte Libération.

On peut effectivement y lire que les groupes les plus vulnérables identifiés (dont les personnes âgées) pourraient rester confinés plus longtemps, mais uniquement si un Etat le décide. La politique de santé publique est en effet un domaine qui relève de la compétence des Etats et non de l'Union européenne.

Côté français, Olivier Véran est revenu sur les propos d'Emmanuel Macron mardi sur RTL. Sans donner plus de précision : «Nous n'avons pas dit, en France, que le confinement dans les Ehpad durerait jusqu'à Noël. Madame van der Leyen a évoqué cette idée-là. Nous n'avons pas dit en France que les personnes âgées devraient rester confinées jusqu'à la fin de l'année. Nous avons donné une seule date, qui est la date du 11 mai, à partir de laquelle nous voulons procéder à un déconfinement progressif tout en continuant à protéger les plus fragiles.»

«C’est pas un scoop, on continuera le confinement»

Interrogé sur un éventuel âge «limite», Olivier Véran a rappelé que «les deux tiers des patients en réa sont âgés de plus de 60 ans. Lorsqu'on monte encore en âge, c'est là que nous avons les plus gros taux de mortalité, et d'hospitalisation en réanimation». Il a toutefois estimé qu'il «serait très difficile de déterminer un âge seuil au-delà duquel ce serait plus risque et en dessous duquel ce le serait moins. Au-delà de la question de l'âge, le président de la République a aussi parlé des fragilités : maladies respiratoires ou cardiaques sévères, qui les rendent plus fragiles par rapport au risque viral. Nous nous appuyons comme depuis le début sur les autorités scientifiques, sanitaires, pour déterminer quelles doivent être les caractéristiques les plus à même de protéger les personnes les plus fragiles. C'est ce que nous ferons dans les semaines à venir. Il n'y a pas eu jusqu'ici d'âge limite établi. Si un âge limite devait être établi ce serait sur recommandations des scientifiques, j'attends ces recommandations».

Ces autorités scientifiques semblent en tout cas convaincues de la nécessité d'un confinement étendu dans le temps pour les personnes à risque. C'est le cas notamment du président du conseil scientifique Covid-19, Jean-François Delfraissy. Ce conseil, a été institué par Olivier Véran sur demande d'Emmanuel Macron «pour éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus». Lors d'une audition par la commission des lois du Sénat, mercredi 15 avril, celui-ci a estimé que les «personnes les plus à risque de développer une forme grave», dont les personnes «au-dessus de 65 ou 70 ans» et toutes celles ayant des affections de longue durée, représentent environ 18 millions de personnes. «[Pour] ces 18 millions de personnes, ce n'est pas un scoop, on continuera le confinement. Dans quelles conditions et pour combien de temps, je ne sais pas», a-t-il déclaré.

Sur la forme que pourraient prendre ces mesures, Jérôme Salomon a (vaguement) esquissé une piste lors de son point quotidien, mardi. A une question portant sur l'âge des personnes et les critères de confinement après le 11 mai, le directeur général de la santé a évoqué le rôle des médecins traitants : «J'ai encouragé ces personnes [fragiles] à appeler les médecins traitants, et les médecins traitant à les appeler volontairement aussi, pour qu'elles discutent ensemble. D'une part du suivi le plus adapté à leur pathologie, et d'autre part aux conditions à respecter pour le confinement. C'est une démarche individuelle et collective, puisque le Président a été très clair : il faut que nous protégions au mieux les personnes les plus vulnérables. C'est une démarche que je souhaite de confiance entre la personne et son médecin traitant.»

Recommandation ou obligation ?

L'ensemble des déclarations du gouvernement vont plutôt dans le sens de mesures non contraignantes. «A ce stade, il s'agit d'une recommandation du chef de l'Etat vis-à-vis des personnes âgées et fragiles, a ainsi précisé la porte-parole de l'exécutif, Sibeth Ndiaye. Le gouvernement n'a pas acté la mise en œuvre d'un déconfinement différencié. Des consultations auront lieu, notamment avec des épidémiologistes.»

Mais peut-on imaginer un changement de cap et que des mesures de confinement obligatoire soient prises uniquement pour certaines classes d'âge ? Et dans un tel cas de figure, de telles mesures seraient-elles constitutionnelles ? «On se pose la question depuis quelques jours, et c'est difficile à dire, estime Didier Maus, président émérite de l'Association internationale de droit constitutionnel. On a toujours le droit de différencier, mais il faut un critère objectif, ce qu'est l'âge, et que ce critère soit cohérent avec l'objectif. Là ça devient plus compliqué. Tout dépendra de ce que compte faire le gouvernement. Est-ce qu'on aura des éléments suffisants pour estimer un âge à partir duquel on a plus de chance d'être contaminé, ou juste un âge à partir duquel on meurt plus ? Ce n'est pas la même chose. Et l'âge n'est pas le seul critère : il y a d'autres populations à risque. Comment va-t-on les définir ? Le problème du risque c'est que c'est une notion difficile à cerner en droit.»

Le constitutionnaliste souligne au passage que «personne n'a contesté» la loi du 23 mars sur l'état d'urgence sanitaire, alors qu'elle posait selon lui «un certain nombre de questions de droit». «Pour des raisons politiques, personne ne voulait retarder les mesures sanitaires. Mais si le confinement se maintient dans la durée pour certains», avance Didier Maus, en mentionnant le fait que des pétitions circulent déjà contre une prolongation «du confinement pour les seniors».

Cordialement