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Grande distribution : la prime de 1 000 euros va-t-elle bien être versée à tous les salariés exposés ?

Le gouvernement a décidé le 1er avril d'autoriser le versement d'une prime de 1 000 euros maximum, défiscalisée et socialisée, aux salariés dont les conditions de travail ont été affectées par la crise du Covid-19. Dans la grande distribution, tous les salariés exposés ne vont pas pouvoir en profiter de façon égale.
Une caissière dans un Franprix à Paris, le 8 avril 2020. (Photo Thomas Samson. AFP)
publié le 30 avril 2020 à 11h19

Question posée le 27 avril 2020

Bonjour,

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, invitait le 20 mars les entreprises, notamment dans la grande distribution, à «verser la prime de 1 000 euros totalement défiscalisée à leurs salariés qui ont le courage de se rendre sur leur lieu de travail». Là-dessus, plusieurs enseignes ont annoncé le versement de cette extension de la «prime Macron» créée par le président de la République en réponse au mouvement des gilets jaunes.

Des annonces en série

«L'ensemble des collaborateurs des magasins, entrepôts, drives, services de livraison à domicile et site d'e-commerce se verront verser, dans les semaines qui viennent, une prime forfaitaire de 1 000 €. […] 65 000 personnes bénéficieront de cette prime», a par exemple annoncé Auchan Retail le 22 mars dans un communiqué. Le groupe a été rejoint par Carrefour, Système U ou encore Les Mousquetaires. Le 23 mars, Pascal Clouzard, le directeur exécutif de Carrefour en France, assurait sur franceinfo que cette «prime totalement exceptionnelle, qui correspond à un effort exceptionnel» concernerait «85 000 personnes à peu près».

Les dispositions prises par le gouvernement permettent – comme c'était le cas avec les primes de 1 000 euros versées à Noël 2018 – une certaine marge de manœuvre pour les entreprises. Le ministère du Travail précise notamment dans un question-réponse publié sur son site le 17 avril que le montant de la prime peut être modulé en fonction de conditions spécifiques de travail, comme les personnes obligées de se déplacer ou en contact avec le public, mais aussi en fonction du temps de présence sur le lieu de travail. Par ailleurs, les salariés intérimaires «bénéficient de la prime exceptionnelle, dans les mêmes conditions que les salariés permanents».

Mais trois semaines plus tard, que reste-t-il de ces annonces ? «C'est illisible. La grande distribution a joué les bons élèves, mais les dès sont pipés», estime Laurent Degousée, co-délégué de la fédération SUD-Commerce.

Prorata chez Auchan, incertitude sur les CDD chez Carrefour

Chez Carrefour, l'enseigne précise à Checknews que la prime ne sera pas proratisée en fonction du temps de travail, «la volonté étant de récompenser l'effort et la mobilisation des équipes indépendamment du régime de travail». Elle confirme qu'il s'agira bien «d'une prime exceptionnelle de 1 000 euros net pour les salariés sur le terrain en magasin, drive et entrepôt. Soit 85 000 salariés Carrefour qui vont toucher cette prime versée fin mai». Sans que l'on sache si les salariés en CDD qui ne seraient plus présents à cette date pourront recevoir cette somme. «La méthode n'est encore définie», indique Amar Lagha, secrétaire général de la CGT-Commerce.

Chez d'autres grands groupes, en revanche, la prime sera versée au prorata de la présence sur le lieu de travail, pénalisant ainsi les personnes en arrêt de travail pour maladie ou garde d'enfant et les temps partiels. Le journal le Monde observait dans un article le 27 avril que «chez certains, l'élan de générosité sera réduit à la portion congrue».

Chez Auchan par exemple, au-dessous de 28 heures, le salarié touchera 714,28 euros nets s’il a travaillé 25 heures du 15 mars au 9 mai, 571,42 euros s’il a travaillé 20 heures et 257,14 euros s’il a été présent 9 heures par semaine, d’après une note des ressources humaines.

«Ce n'est pas vrai que 65 000 salariés vont profiter d'une prime de 1 000 euros, alors qu'il y a entre 20% et 25% de temps partiel et qu'il y avait environ 20% d'absentéisme sur la période. Ça a créé de la déception», résume Guy Laplatine, délégué syndical CFDT Auchan, contacté par Checknews. A noter toutefois que c'est bien le temps de travail effectif qui est pris en compte, et non celui inscrit sur le contrat. Un premier versement est prévu fin avril, puis un autre fin mai.

Les franchisés feront ce qu’ils veulent

De même, dans le groupe Casino (dont Franprix, Monoprix, Casino) le montant de la prime (qui est aussi réservée aux salariés sur le terrain) sera proratisé. «Cette prime sera donc de 1 000 € en cible pour un collaborateur à temps complet et sera modulée en tenant compte au prorata de la présence effective au travail sur les sites concernés. Ce montant cible sera proportionnellement adapté pour les temps partiel», nous indique un porte-parole. Le groupe prévoit aussi une autre restriction : le salarié devra toujours être présent au moment du versement de la prime, «qu'ils soient employés ouvriers, agent de maîtrise ou cadre, CDI ou CDD ou intérimaires». Casino estime à 90% la proportion des salariés qui devraient profiter de cette prime.

Mais d'après un salarié du groupe, cette condition exclut une grande partie du personnel embauché en remplacement ou en renfort pendant la période et dont le renouvellement des contrats après le 11 mai est loin d'être garanti. «Seulement deux personnes sur une équipe de douze vont en profiter», nous indique cette source, qui souhaite rester anonyme. Une curieuse manière de récompenser ces salariés précaires, qui, selon la formule utilisée par Bruno Le Maire : «ont (eu) le courage de se rendre sur leur lieu de travail» pendant l'épidémie.

Interrogé sur cette exclusion de personnes en CDD qui ne seraient plus présentes au moment du versement, le ministère du Travail renvoie au question-réponse. «Il y a plusieurs options précisées : une condition de présence au moment du versement de la prime ou au moment du dépôt de la décision unilatérale ou de l'accord collectif», nous indique-t-il.

Enfin, quelle que soit la décision des groupes, les franchisés sont libres de verser ou non la prime et sous les conditions qu'ils auront décidé. Ainsi, chez Leclerc dont les magasins sont tous indépendants, «chacun gère sa politique sociale avec les organes représentant le personnel», nous explique l'enseigne avant de préciser que «la recommandation à tous les magasins est de distribuer la prime à leurs salariés. Le montant de cette prime sera calculé en fonction du temps passé dans l'entreprise pendant la période de confinement». Mais «pour l'instant, parmi tous les sites Leclerc, aucun d'entre eux n'a prévu de verser la prime, d'après les remontées», observe Amar Lagha de la CGT.

Cordialement

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