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Est-il vrai qu'une mairie du Var a distribué aux habitants des masques non homologués ?

Des habitants du Beausset se sont plaints de la qualité des masques distribués par la municipalité. Ils ne sont constitués que d'une couche fine de tissu et disposent d'une couture sur le nez, contrairement aux spécifications de l'Afnor.
Des habitants mécontents ont publié des photos des masques : une simple feuille de tissu qui semble fine, coupée en triangle et cousue avec un élastique noir. (Capture d'écran Facebook. Christine L.)
publié le 18 mai 2020 à 6h38

Question posée par Gérard le 15/05/2020

Bonjour,

Votre question a été raccourcie, la voici en intégralité : «La municipalité du Beausset dans le Var a distribué (gratuitement) un masque à tous les habitants. Ce sont les mêmes masques qu'à Montpellier. Une polémique politicienne oppose maintenant les habitants au maire qui ne veut pas revenir sur le choix de ce masque en traitant les réactionnaires d'idiots. Ne pensez-vous pas que cela mériterait de passer dans votre journal ?»

Votre question renvoie à la polémique autour de la distribution de masques ne répondant à aucune spécification, ni norme dans deux communes du sud de la France depuis le début du mois de mai. Vous faites notamment référence à la municipalité du Beausset (Var) qui a distribué gratuitement du 7 au 10 mai des masques à ses quelque 10 000 habitants, comme le rapporte Var Matin.

Très vite, des habitants se sont plaints de la qualité des masques sur les réseaux sociaux, en postant des images du produit en question : une simple feuille de tissu qui semble fine (légèrement translucide), coupée en triangle et cousue avec un élastique noir. Le blog Le Beausset info a également largement relayé les critiques concernant ces masques. Comme on peut le voir sur le site officiel de la mairie, c'est bien ce modèle qui a été distribué aux habitants.

Un masque qui de toute évidence ne répond pas aux spécifications de l'Afnor (association française de normalisation), qui fixe depuis le 27 mars un cahier des charges pour des «masques barrières» destinés à la population générale. D'ailleurs, si la municipalité assurait dans un premier temps que ces masques étaient «aux normes Afnor grand public», cette mention a depuis disparu du site de la ville.

A fortiori, les masques distribués ne sont pas non plus conformes aux normes permettant de revendiquer l'appellation «masques grand public». Comme l'expliquait CheckNews, l'homologation est réservée aux masques à pli ou en forme de bec de canard, qui n'ont pas de couture au niveau du nez, susceptible de laisser passer des projections, et qui ont été testés et validés par la direction générale de l'armement (DGA).

A l'exception de la couleur de l'élastique, les masques distribués aux habitants du Beausset semblent en tout point identiques à ceux commercialisés dans certains supermarchés et bureaux de tabac de la ville de Montpellier, et qui avaient fait polémique avant d'être retirés de la vente. Comme ceux distribués par la municipalité du Beausset, ces masques n'étaient d'ailleurs lavables qu'à 40°C (alors que l'ANSM préconise un lavage de trente minutes en machine à 60°C pour les masques en tissu).

«Pas lieu de polémiquer»

Le maire de la ville, Georges Ferrero, a finalement répondu dans un communiqué aux critiques, qu'il juge infondées : «Si d'aucuns veulent utiliser cette crise sanitaire sans précédent à des fins politiciennes, j'estime, compte tenu des circonstances, qu'il n'y a pas lieu de polémiquer. Seuls les masques chirurgicaux et FFP2 réservés aux professionnels peuvent réellement protéger de l'inhalation ou de l'ingestion du virus Covid-19. Pour autant, comme l'indique l'Afnor, tout masque, même artisanal, permet de lutter contre la contamination en limitant les projections de postillons. N'en déplaise à certains, c'était bien notre objectif !» Il estime au passage que «l'Etat a failli» en ne permettant pas «à chaque Français de se procurer un masque».

Si la référence du maire à l'Afnor peut sembler trompeuse (puisque les masques distribués ne respectent pas le cahier des charges fixé par l'Afnor), l'organisation rappelle toutefois effectivement sur son site que «tous les masques en tissus contribuent à améliorer la protection des personnes qui respectent les gestes barrières». Le maire oublie toutefois de préciser que dans la phrase suivante, l'Afnor met en garde spécifiquement contre le type de masques distribué par sa ville : «Il convient néanmoins d'être vigilant aux modèles comportant une ou plusieurs coutures verticales, le long du nez, de la bouche et du menton. Cette solution n'a pas été retenue par les experts lors de la rédaction de l'Afnor Spec (risque de fuite par la couture).»

Le maire explique par ailleurs que des «masques chirurgicaux ont été distribués (ou sont en cours de distribution) en fonction des dates de livraison aux personnels de santé, aux employés municipaux qui œuvrent sur le terrain et aussi, à compter de jeudi, aux commerçants et artisans du Beausset».

Qualité douteuse

A quelques kilomètres plus au sud, la qualité des masques distribués à Six-Fours-les-Plages a également été pointée du doigt, notamment par les élus d'opposition. S'ils ne disposent pas de couture au nez, ces masques semblent n'être faits que d'une seule fine couche de tissu et n'entreraient donc pas non plus dans le cahier des charges déterminé par l'Afnor ou celui de l'homologation.

Comme le relève le blog Le Beausset info, ces deux communes font plutôt figure d'exception. Les villes voisines comme Bandol ou Evenos par exemple assurent de leur côté qu'elles distribuent des masques conformes aux spécifications de l'Afnor. De son côté, la ville de Toulon met en avant les propriétés filtrantes du masque distribué, fabriqué avec plusieurs couches de tissu et lavable à 60°C, ainsi que le logo qui atteste du fait qu'il s'agit de masques grand public homologués.

A noter que si les polémiques se multiplient en ce moment à propos des masques en tissu, parfois de qualité douteuse, il demeure légal de commercialiser ou distribuer en France des masques qui ne sont pas homologués, ou ne répondent pas aux spécifications de l'Afnor, comme le relevait CheckNews.

Cordialement

Ecoutez le podcast hebdo des coulisses de CheckNews.

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