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Les Républicains ont-ils vraiment gagné la moitié des plus grandes villes, comme ils l'affirment ?

Plusieurs visuels partagés par le parti de droite mettent en avant son succès aux municipales. Sauf que LR s'attribue, entre autres, le succès de listes que le mouvement a simplement soutenues.
Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, appartient au parti Les Républicains, mais est enregistré comme "divers droites" dans les tablettes du ministère. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
publié le 7 juillet 2020 à 7h11

Question posée le 30/06/2020

Bonjour,

Voici votre question : «Ce tract Les Républicains (LR) fait du bruit et certains dénoncent une fake news. Pouvez-vous confirmer ? 120 villes LR, mais il y a aussi des divers droites (DVD), non ?»

Vous renvoyez vers un tweet, posté par le parti de droite à la suite du second tour des municipales, où il se félicite d'avoir remporté «120 villes sur les 236 de plus de 30 000 habitants».

Un message également décliné par LR pour les villes de plus de 20 000 habitants. Le parti assure en avoir raflé plus de la moitié : «261 sur les 454.»

On passera sur l’évidente disproportion des colonnes entre elles (la colonne comportant le chiffre 261 étant plus de 3 fois plus grande que la colonne comportant le chiffre 149).

Le visuel indique comme source : «Ministère de l'Intérieur». Contacté la semaine dernière, celui-ci répondait que «ces données par formation politique seront disponibles dans quelques jours». Nous n'avons pas obtenu de réponse sur ce point malgré notre relance.

72 listes «LLR» gagnent dans près de 500 communes

Comment, dès lors, savoir si Les Républicains ont raison de se targuer d'avoir gagné la moitié des plus grandes villes françaises ? Une première méthode repose uniquement sur les nuances définies par le ministère de l'Intérieur. Les listes menées par Les Républicains sont étiquetées «LLR». Elles coexistent par exemple avec des listes «union de la droite» (LUD) et «divers droites» (LDVD).

Ce sont ces acronymes que l'on retrouve dans les résultats des municipales par commune sur le site de données ouvertes du gouvernement, data.gouv. Les nuances des listes sont systématiquement renseignées dans les communes de plus de 3 500 habitants.

En l'occurrence, on s'intéresse aux villes de plus de 20 000 et 30 000 habitants. Selon les données de l'Insee sur la population française par commune, elles sont respectivement au nombre de 474 et 274 – si l'on exclut Paris, Lyon et Marseille (et leurs arrondissements), villes où l'élection municipale ne fonctionne pas comme dans les autres communes.

D'après nos calculs, les listes «LLR» sont arrivées en tête dans 72 des 474 communes de plus de 20 000 habitants, et dans 43 des 274 villes de plus de 30 000 habitants. Difficile, à cet égard, de dire que les listes Les Républicains ont gagné la moitié des plus grandes villes françaises.

Soutiens et investitures

Face à ce constat, LR objecte, auprès de CheckNews, que sa méthode de calcul – qui lui permet d'afficher un bon score – ne s'appuie pas sur les nuances du ministère, mais prend en compte les candidats «investis et soutenus» par Les Républicains. Comprendre : un candidat enregistré «divers droites» par Beauvau peut être en fait soutenu par Les Républicains, voire encarté chez eux. Dans ce cas, la formation politique compte sa victoire dans une ville comme une victoire LR.

Malgré nos relances, le parti a refusé de nous donner la liste des candidats qui ont été investis ou soutenus dans les plus grandes villes de France.

Pour s'approcher de la méthode qui permettrait d'arriver au résultat d'un maire LR sur deux dans les grandes villes, CheckNews a donc procédé de la manière suivante (pour les seules villes de 20 000 habitants, hors Paris, Lyon et Marseille) : d'abord, considérer toutes les listes siglées «LLR» par le ministère comme effectivement menées par Les Républicains. Cela représente donc un total de 72 listes victorieuses.

Ensuite, sur le site du mouvement, on trouve une dizaine de communiqués de la commission nationale d'investiture (CNI), qui nous permettent de connaître, pour une grosse centaine de villes (majoritairement peuplées de plus de 20 000 habitants), le nom de la tête de liste soutenue (ou investie) par LR. Parmi ces listes soutenues par le parti de droite, 43 d'entre elles qui ont remporté les municipales ne sont pas siglées LLR par le ministère.

LR mais pas LLR

A ce stade, restent les villes où les municipales ont été remportées par une liste qui n’est pas siglée «LLR» par le ministère, et dont la tête de liste n’a pas été soutenue par voie de communiqué sur le site national du mouvement. Si on enlève les villes gagnées par des listes nuancées à gauche ou à l’extrême droite, il reste plus de 200 communes de plus de 20 000 habitants : elles ont été remportées par des listes divers centre, divers droite, union des centres, union des droites, UDI, etc.

Pour chacune d'elles, nous avons observé dans la presse locale si, d'une part, la liste victorieuse avait obtenu le soutien de la fédération locale des Républicains ou avait au moins été présentée comme «soutenue» par LR ; et si, d'autre part, la tête de liste victorieuse était considérée comme LR. Plus de 130 communes répondaient positivement à l'un ou l'autre de ces critères.

A ce stade, il y a donc 72 listes «LLR» victorieuses selon Beauvau, 43 autres gagnantes qui ont obtenu le soutien de la CNI du parti, et ces quelque 130 dernières listes. Les Républicains ont donc remporté, ou soutenu ceux qui ont remporté, près de 250 villes de plus de 20 000 habitants (hors Paris, Lyon et Marseille). Soit environ la moitié des plus grandes communes. Mais pas à eux seuls, comme le laisse penser leur communication.

«Les gens s’en fichent des partis»

Cette arithmétique, par ailleurs, a ces limites, notamment concernant les quelque 130 communes que nous évoquons en fin de démonstration.

Certes, des listes menées par un candidat présenté comme «LR» dans la presse n'étaient pas enregistrées sous la nuance «LLR» par le ministère. Illustration parmi d'autres : Lisieux (Calvados) a été remportée par Sébastien Leclerc. Sa liste est nuancée «divers droite» par les autorités, alors que l'homme est… député Les Républicains. Le parti semblerait donc fondé à revendiquer la victoire dans cette ville.

Mais parmi ces quelque 130 communes gagnées par LR ou leurs alliés que nous avons recensées, on trouve également, à l'inverse, une trentaine de municipalités où la tête de liste appartient à un autre parti, mais est soutenu par Les Républicains, comme François Bayrou à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Il semble moins évident pour le parti de droite d'y revendiquer la victoire.

Aussi, certaines de ces 130 communes ont vu gagner des candidats Les Républicains qui avaient auparavant (dans la presse en tout cas) mis un point d'honneur à ne pas demander l'investiture LR ou à se revendiquer sans étiquette, au motif qu'ils souhaitaient incarner des mouvements transpartisans. Pêle-mêle, citons à Beaune (Côte d'Or) «Alain Suguenot, investi par Les Républicains mais qui se revendique désormais sans étiquette», selon France 3, ou Renaud Beretti, premier édile d'Aix-les-Bains (Savoie), qui déclarait à France Bleu pendant la campagne : «Je n'ai pas sollicité d'investiture, je m'estime libre donc si ma liste doit avoir un parti, ce sera celui des Aixois.»

Ou encore Yannick Boëdec à Cormeilles-en-Parisis (Val d'Oise), un membre de LR qui assure au Parisien n'avoir demandé le soutien de personne, car «de toute façon, les gens s'en fichent des partis. Surtout sur une élection municipale».