Adama Traoré, coupable de viol ? C'est la conclusion à laquelle sont arrivés de nombreux internautes à la faveur d'une information publiée par le magazine le Point le 22 juillet. L'information en question : la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi) a décidé d'octroyer une indemnité d'un montant de 15 000 euros à Steven B., qui accusait Adama Traoré de l'avoir contraint à lui prodiguer des fellations en prison. Les deux hommes avaient en effet partagé la même cellule à la prison d'Osny (Val-d'Oise) entre fin 2015 et début 2016. Malgré un dépôt de plainte en mai 2016, l'affaire ne sera jamais jugée. Et pour cause : Adama Traoré est mort quelques mois plus tard, en juillet 2016, lors de son interpellation par les gendarmes.
Dans sa décision, la Civi, saisie en décembre 2018, indique que «la matérialité des infractions d'agressions sexuelles dénoncées doit être considérée comme établie». Suffisant pour conclure qu'Adama Traoré, qui n'a jamais été entendu dans cette affaire, est coupable ? Stéphane Babonneau, avocat pénaliste, explique à CheckNews : «La seule juridiction qui peut le déclarer coupable, c'est un tribunal judiciaire.» Le Fonds de garantie des victimes (à qui il revient ensuite de verser l'indemnisation) a également précisé à la presse : «Il s'agit d'une procédure à laquelle l'auteur présumé des faits n'est pas partie. Seul le juge pénal est compétent pour le déclarer, le cas échéant, coupable.»
De fait, la Civi, entité autonome présente dans chaque tribunal judiciaire, peut décider d'indemniser sur la seule base des pièces transmises par la victime. Elle peut se prononcer en l'absence d'une décision de justice sur le fond, ou bien lorsque le procès au pénal n'a pas eu lieu car l'auteur présumé des faits est décédé ou n'a pas été identifié. Dans ce cas précis, la Civi a donc estimé, au vu des pièces fournies par la victime (notamment une lettre qu'aurait remise Steven B. aux surveillants au moment des faits présumés), que la «matérialité» des faits était établie. Sans que cela ne vaille condamnation d'un point de vue judiciaire.