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Est-il légal d'imposer le port du masque à l'extérieur ?

En avril et mai, plusieurs municipalités ont été empêchées d'imposer le port du masque à l'extérieur. Depuis le 31 juillet, les préfets sont habilités à prendre cette décision.
A Lille, le 30 juillet. (Photo Denis Charlet. AFP)
publié le 4 août 2020 à 8h31

Question posée par Bartsima le 3 août 2020

Vous nous demandez s’il est légal, pour les collectivités, d’imposer le port du masque dans les espaces publics extérieurs. Il se trouve que la position gouvernementale, ainsi que les règles en vigueur sur ce sujet, ont très récemment évolué.

On savait le port du masque obligatoire dans les espaces publics clos à compter du 20 juillet. Sans imposer directement une protection systématique en plein air, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a décidé le 31 juillet de s’en remettre aux préfets. Un décret leur permet en effet dorénavant, s’ils le jugent utile, d’imposer le port du masque à l’extérieur sur leur territoire.

«Pour limiter la circulation du Covid-19, les préfets pourront désormais par arrêté étendre l'obligation de port du masque aux lieux publics ouverts. Cette décision pourra être prise localement, en fonction de l'évolution de l'épidémie dans chaque territoire», a ainsi précisé le ministre vendredi.

Le décret en question énonce par ailleurs que «le préfet de département est habilité à rendre [le masque] obligatoire sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent».

Un texte rapidement suivi de conséquences puisque, à partir de ce lundi, un arrêté du préfet du Nord, Michel Lalande, entre en vigueur et impose le port du masque dans plusieurs zones de la métropole européenne de Lille (MEL). Sont ainsi concernées les «zones caractérisées par une forte fréquentation du public», les zones piétonnes, galeries commerciales, marchés de plein air et autres espaces verts urbains, pour une durée d'un mois renouvelable. Le non-respect de cette nouvelle disposition est passible d'une contravention de quatrième classe (c'est-à-dire 135 euros).

Sur la côte basque, à Biarritz, la maire LR Maïder Arostéguy a également décidé d'imposer, en fin de semaine dernière, le port du masque dans l'hypercentre, en accord avec le Préfet. Aussi, son arrêté municipal va être transformé en arrêté préfectoral, confirme son équipe à CheckNews.

Cette décision marque un tournant majeur dans la politique des masques grand public, par rapport aux mois passés. En avril et mai, peu avant la sortie officielle du confinement, plusieurs maires avaient décidé, par voie d'arrêtés, d'imposer le port du masque à leurs administrés à l'extérieur – ou du moins dans les rues piétonnes et aux abords des établissements scolaires. Il s'agissait par exemple, comme nous l'indiquions dans un précédent article, des villes de Sceaux et de Cannes. A Nice aussi, le maire LR Christian Estrosi avait choisi de rendre le masque obligatoire à toutes les personnes de plus de 11 ans «susceptibles de se déplacer et de circuler sur le domaine public», entre 8 et 20 heures.

Rhétorique différente

A l'époque, la plupart de ces initiatives sont rapidement avortées. A Nice, la mairie abroge d'elle-même son arrêté après que la Ligue des droits de l'Homme (LDH) a saisi le tribunal administratif. Dès le 17 avril, un précédent juridique donnait déjà le ton : le Conseil d'Etat, là encore saisi par la LDH, retoquait l'arrêté du maire de Sceaux. L'argument ? Le juge des référés du Conseil d'Etat a estimé qu'un maire ne pouvait «prendre une telle décision, en l'absence de circonstances locales particulières». Et que l'arrêté en question nuisait «à la cohérence des mesures nationales et des messages de prévention». Pour la LDH, c'était bien là le problème : selon elle, les maires ne disposent pas du pouvoir d'aggraver les dispositions sanitaires décidées par l'exécutif.

Reste qu'entre les mois d'avril et juillet, alors que le cadre juridique ne se prêtait pas aux initiatives municipales, Mandelieu-la-Napoule a réussi à imposer le port du masque dans la majorité de ses rues. Le maire LR Sébastien Leroy se disait prêt à défendre son arrêté, qu'il savait hors-cadre. Il n'en a pas eu besoin. Selon nos informations, cet arrêté a été levé à la fin de l'état d'urgence sanitaire, sans être attaqué par un recours en justice. «Pour l'instant, Mandelieu se conforme aux directives de l'Etat mais l'arrêté sera repris si cela est nécessaire», indique la mairie à CheckNews.

Depuis le mois d'avril, au-delà des textes en vigueur, c'est d'abord et surtout la rhétorique politique qui s'est déplacée. Début mai, lors d'une conférence de presse, le Premier ministre Edouard Philippe indiquait, concernant le port du masque systématique : «Ce n'est pas le choix que nous avons fait. Nous avons considéré qu'il y a des endroits où il est nécessaire de porter un masque, qui n'est jamais qu'un complément aux gestes barrières et à la distanciation physique, mais qu'il n'a pas d'intérêt immédiat quand vous vous promenez tout seul dans la rue ou dans la campagne.» Le 30 avril, sur TF1, le ministre de la Santé expliquait que «rendre obligatoire le masque là où on nous dit que ce n'est pas obligatoire, c'est aller au-delà des recommandations et je considère que c'est excessif». A la fin du mois de juillet, en déplacement dans les Yvelines, Olivier Véran changeait radicalement de discours : «Si vous êtes dans une rue où il y a plusieurs personnes qui vont se balader et vous n'êtes pas de pouvoir garder la distance, je le recommande.»