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Qui est derrière le compte Twitter @Conflits_FR, et est-il fiable ?

Le compte Twitter @Conflits_FR, suivi par plus de 450 000 abonnés, est géré par un groupe d'étudiants en journalisme et en communication. Plusieurs fausses informations ont déjà été publiées sur cette page.
Le compte Twitter comptabilise environ 450 000 abonnés. (capture d'écran @Conflits_fr)
publié le 11 août 2020 à 13h14

Question posée par Red le 05/08/2020

Bonjour,

Créé en janvier 2020, le compte Twitter @Conflits_FR totalise à ce jour plus de 450 000 abonnés. Il partage des brèves et des informations sur l'actualité mondiale, comme plusieurs autres comptes d'info «amateurs», sur lesquels CheckNews s'était déjà penché.

Plusieurs dizaines de tweets sont publiés quotidiennement. Ils suscitent la plupart du temps beaucoup d’engagement. Certains sont parfois partagés et aimés par plusieurs milliers d’internautes.

Au départ spécialisé en géopolitique, terrorisme et cybersécurité, le compte Twitter a nettement gagné en visibilité pendant la crise du coronavirus, devenant un important relais d'informations sur le sujet. De 170 000 abonnés recensés par Numerama en mars dernier, le compte est passé à ce jour à plus de 450 000 abonnés.

Des étudiants bénévoles

Le compte Twitter est animé par cinq étudiants, assure l'un d'eux à CheckNews. Celui-ci souhaite rester anonyme, mais se dit en charge de la communication du compte Twitter. D'autres personnes sont également chargées d'alimenter un site internet avec des articles, ou encore de gérer certains aspects administratifs ou techniques.

Au total, l'équipe de Conflits compte une grosse dizaine d'étudiants, notamment en journalisme et en communication. De nouveaux rédacteurs pour le site internet seront recrutés d'ici septembre. «On ne se considère pas comme des journalistes professionnels, mais on considère qu'on a un rôle important dans le sens où les informations qu'on met sont parfois sensibles, et il ne faut pas qu'on fasse d'erreurs. On essaye petit à petit de se professionnaliser», indique le même chargé de communication.

Les étudiants vivent en région parisienne, à Lyon ou Marseille. Ils travaillent chacun de leur côté, à distance, et se coordonnent via des conversations sur les réseaux sociaux.

Au départ, Conflits est un compte Twitter créé par un étudiant en licence de droit, après la mort du général Soleimani en Iran, en janvier. «Le compte a vite pris ce soir-là», témoigne Stanislas Racine, le fondateur du compte, auprès de CheckNews. L'étudiant a aussi créé le compte la Plume libre (dont nous vous parlions ici) dont il affirme ne plus s'occuper aujourd'hui.

Stanislas Racine a été rejoint dans l'équipe de Conflits par quatre personnes entre janvier et fin février. En raison de la popularité croissante du compte Twitter, un site internet est lancé en avril. Conflits devient aussi une association 1901, parue au Journal officiel le 23 mai. Une demande de dépôt de marque verbale a également été enregistrée auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI).

Les étudiants travaillent bénévolement. «On n'a pas assez de revenus, ne serait-ce que pour payer une seule personne», assure le chargé de communication et vice-président de l'association. Une cagnotte a été lancée. Elle leur a permis de récolter «plusieurs centaines d'euros». «Pour l'instant, nous recevons tout juste assez de dons pour financer le serveur qui héberge le site internet, mais, à terme, nous espérons pouvoir acheter du matériel vidéo pour développer de nouveaux formats sur le média», indique notre interlocuteur.

Un relais d’informations rarement vérifiées

Vous nous demandez également si ce compte peut être considéré comme fiable.

«On n'est pas une source d'information, on la relaie juste», prévient le chargé de communication de Conflits. Les informations diffusées sur le compte Twitter sont en effet tirées de médias nationaux ou de journalistes. Cependant, les informations partagées ne sont la plupart du temps pas vérifiées. «On fait attention à ce que toutes les sources qu'on utilise soient des médias nationaux, français ou étrangers. Et pour être honnête, quand ce sont des journaux comme le Monde, le Figaro ou Libération, on va avoir tendance à leur faire confiance, donc à ne pas recouper l'information», indique le vice-président de Conflits, avant d'ajouter : «Quand ce sont des informations étrangères, on recoupe.»

Par exemple, sur la journée du 9 août, Conflits a cité des médias français comme le Monde, TF1, 20 Minutes, BFM TV ou Franceinfo. Il a également repris des informations d'institutions comme l'OMS et l'Université Johns Hopkins ou Météo France. Concernant les informations étrangères, il cite le site web d'informations indépendant biélorusse TUT.BY, un doctorant à la School of Slavonic and East European Studies de l'University College de Londres, Amnesty International, la chaîne Africa 24, l'ONG Netblocks, l'agence centrale de presse nord-coréenne (KCNA), le Wall Street Journal, la Croix-Rouge allemande, et le quotidien francophone libanais l'Orient-le Jour.

Le site internet de Conflits détaille sa ligne éditoriale : «être neutre, efficace et rapide». Le chargé de communication de l'association confirme : «Dès qu'on a une information qui tombe, on essaye de la rédiger au plus vite. Etre rapide, ça fait partie du jeu sur Twitter.»

Une rapidité qui se fait parfois au détriment de la qualité de l'information. Par exemple, le 15 mars, Conflits partage une information d'un journaliste des Echos annonçant la mort du chef du service de réanimation des Hôpitaux civils de Colmar. Après un démenti de Franceinfo, le tweet est supprimé, et une rectification publiée.

Plus récemment, c’est un tweet mentionnant la présence de drones avant la seconde explosion à Beyrouth, au Liban, qui a été supprimé.

En raison de ces erreurs, le compte est régulièrement accusé de véhiculer des fausses informations. Il existe même un compte twitter (Conflicts) dédié à la critique des publications de @Conflits_FR. Ce dernier serait, à en croire le chargé de communication de Conflits, l'œuvre vengeresse d'un ancien community manager ayant quitté l'équipe à cause de dissensions internes. Checknews n'a pas eu confirmation de cette information auprès de l'animateur du compte Conflitcs, qui n'a pas répondu à nos demandes.

Un «piège à clics»

Récemment, le site Arrêt sur images, spécialisé dans la critique des médias, s'est également penché sur la qualité des informations relayées par le compte dans un article intitulé «Conflits_FR, le compte Twitter qui se croyait fiable». ASI recense plusieurs informations fausses ou déformées qui ont été partagées et dénonce aussi la logique de «clickbait» (ou «piège à clics»), qui consiste à publier du contenu destiné à attirer un maximum d'internautes et de réactions, au détriment de la qualité.

L'article d'Arrêt sur images cite aussi l'ancien journaliste Nicolas Henin. Engagé contre la désinformation, ce dernier cible notamment le compte Conflits.

Interrogé par CheckNews, le vice-président de Conflits se défend : «On peut faire des erreurs, mais la plupart de celles qu'on fait sont soit des erreurs d'interprétation, que l'on corrige rapidement, soit des erreurs faites par la source, directement. Et au vu du nombre d'informations que l'on fait chaque jour, ça peut arriver parfois.»

Après ces critiques sur la diffusion d'informations erronées, un compte secondaire, Conflits Presse, a été créé en juin. L'idée est de publier le lien de l'article de presse d'où est tirée l'information sous chaque tweet de Conflits. La démarche n'est cependant pas réalisée systématiquement pour le moment.

Une revue du même nom

A noter que le compte Twitter a également été signalé par une revue bimestrielle du même nom, spécialisée dans l’histoire, la géopolitique et les relations internationales.

La revue Conflits accuse cette fois le compte Twitter de plagiat quant à l'utilisation du nom, et également d'avoir acheté des faux comptes pour faire gonfler artificiellement le nombre d'abonnés. Ce que dément Stanislas Racine, le fondateur du compte : «Je suis étudiant donc je n'ai clairement pas les moyens de perdre de l'argent à acheter des abonnés. C'est uniquement du bon timing, des tweets qui ont plu et la dose de chance nécessaire pour être bien placé sur les hashtags que j'utilisais», assure-t-il.

Cordialement