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Dimanche, la 107e édition du Tour de France, qui s'est conclue comme à son habitude sur l'avenue des Champs-Elysées, a vu le Slovène Tadej Pogacar, qui appartient à l'équipe UAE-Emirates l'emporter au classement général. Le coureur de 22 ans a parcouru les 3 484 km de l'épreuve en 87 heures 20 minutes et 5 secondes, devant son compatriote Primoz Roglic (Jumbo-Visma), à 59 secondes, et l'Australien Richie Porte (Trek-Segafredo), à 3 minutes et 30 secondes.
La performance du jeune vainqueur, ainsi que son entourage sulfureux, a fait naître des soupçons de dopage. Lesquels ont été nourris par l'ouverture d'une enquête. Au lendemain de l'arrivée, lundi, le parquet de Marseille a ainsi annoncé que deux membres de l'équipe Arkéa-Samsic étaient en garde à vue pour des soupçons de dopage. Dans ce contexte, vous nous posez la question suivante : «Est-ce que le Tour 2020 est le plus rapide de ces dernières années ?»
Tadej Pogacar a bouclé les 3 484 km de parcours du Tour en 5 240 minutes. Soit une vitesse moyenne de 39,89 km/h. Une allure qui n'a rien d'inédit, et apparaît même comme la plus lente depuis l'édition 2016 et la victoire de Chris Froome (39,62 km/h de moyenne).
Jusqu'à présent, le record de l'édition la plus rapide a été établi par Lance Armstrong en 2005 avec 41,65 km/h. Il a été déchu en 2012 de ses sept titres pour dopage ainsi que de ses records, par décision de l'Union cycliste internationale (UCI).
Ecarts moins spectaculaires
Sur les dix dernières éditions, à titre indicatif, plusieurs coureurs ont été plus rapides, en moyenne que Tadej Pogacar : Egan Bernal (40,57 km/h en 2019), Geraint Thomas (40,21 km/h en 2018), Vincenzo Nibali (40,68 km/h en 2014) ou encore Christopher Froome (40,54 km/h en 2013 et 40,99 km/h en 2017).
Pour autant, ce comparatif, selon les spécialistes, ne dit pas grand-chose. La vraie rupture en matière de vitesse date du tournant des années 90, où l'on a observé une «explosion de la vitesse moyenne due à l'émergence d'EPO [hormone qui augmente le nombre de globules rouges dans le sang, ndlr]», explique Pierre Carrey, journaliste qui a suivi le Tour de France pour Libération. En 1990, Greg LeMond avait gagné l'épreuve à 35,7 km/h de moyenne, quand l'Américain Lance Armstrong remportait le tour quinze ans plus tard avec une moyenne de 41,65 km/h.
Depuis vingt-cinq ans, les écarts sont moins spectaculaires d'une édition à l'autre, et s'expliquent par de nombreux paramètres extérieurs, comme le sens du vent, le schéma tactique de la course, et surtout le profil du parcours. Comme l'explique Antoine Vayer, ancien entraîneur de l'équipe Festina et créateur de Chronoswatts, un blog spécialisé dans le vélo : «L'an passé, comme cette année, le Tour était très montagneux. Logiquement, ça roule moins vite que sur un parcours plus plat.»
Portions comparables
Un moyen plus pertinent de jauger des performances consiste à regarder la vitesse sur des portions comparables, comme les ascensions. Tadej Pogacar a par exemple monté le col de Peyresourde en 24 minutes et 35 secondes : il a alors battu le record établi à 25 minutes et 22 secondes par Alexandre Vinokourov en 2003. En 2007, le Kazakh a été exclu du Tour de France pour dopage.
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Sur l'impressionnante montée de la planche des Belles-Filles lors du contre-la-montre individuel, où il s'empare du maillot jaune, il égale le record de Fabio Aru en 2017, en 16 minutes et 10 secondes. Mais l'Italien était accompagné de ses coéquipiers, quand Pogacar était seul, et a dû changer de vélo en cours d'ascension. Le col de Marie-Blanque a été avalé en 17 minutes et 36 secondes, soit 23 de moins que Lance Armstrong et Ivan Basso en 2005, tous les deux suspendus pour dopage.
Certaines améliorations techniques et des progrès technologiques, comme le matériel (vélos, maillot), les méthodes licites de préparation et de récupération, ou la nutrition peuvent permettre aux coureurs d'être plus rapides. «Mais pas autant que Pogacar et Roglic lors des records d'ascension de cette année», selon Antoine Vayer, témoin du dopage dans les années 90.
«Ce n’est plus une performance possible humainement»
Autre indicateur de performance scruté (et parfois contesté) depuis des années : la puissance dégagée par les coureurs. Précisément, Antoine Vayer et ses équipes ont estimé, grâce à une analyse des images télévisées et de données sur sept cols du Tour, les watts développés par les cyclistes, en intégrant de nombreuses données comme la force du vent, le type de vélo, le revêtement. Il en ressort une mesure des watts étalon : «Soit ce qu'un coureur type de 70 kilos déploie comme puissance pour monter une pente.» L'édition 2020 du Tour a été, sur ce point, édifiante. Cinq records d'ascension ont été battus (quatre par Pogacar, un par Roglic).
Selon les estimations recueillies par Antoine Vayer, le vainqueur du Tour de France 2020 a développé une moyenne de 422 watts étalon sur les sept cols analysés. C'est davantage que les moyennes des dix précédents vainqueurs lors de leurs ascensions. Et c'est conforme à la moyenne de l'ère Lance Armstrong (qui va jusqu'à Alberto Contador), qui s'établissait précisément à 422 (avec un plus bas de 406 pour Armstrong en 1999 et un plus haut de 440 pour Contador en 2009). «Au-dessus du seuil de 410 watts étalon, selon moi, ce n'est plus une performance possible humainement», explique Antoine Vayer.
Dans le col de Peyresourde, Pogacar est allé jusqu’à 467 watts étalon (son record sur le Tour). Plus grosse performance depuis 2009. A titre de comparaison, le plus gros pic enregistré en montagne pour Armstrong est de 462.
A noter que les analyses de vitesse ou de puissance peuvent constituer des éléments de présomption de dopage, même s'ils n'apportent pas une preuve de culpabilité. Un sportif ne peut être officiellement considéré dopé qu'en cas de contrôle positif, aveu ou enquête judiciaire.