«La canicule, ‘‘vraisemblablement’’ à l’origine de plus de 11 000 décès supplémentaires en France cet été», titrait le Monde en septembre 2022. «La canicule a causé “vraisemblablement“ 11 000 morts en France», affichait également le média en ligne Reporterre. «2 816 décès en excès pendant les périodes de canicule», écrivait de son côté Santé Publique France en novembre. Et le même organisme de publier vendredi une étude sur les 7 000 morts dus à la chaleur en 2022. Que signifient tous ces chiffres ? Sont-ils contradictoires, complémentaires ?
Les articles du Monde et de Reporterre, datant tous deux de septembre 2022, font référence à l’Insee, qui estimait, du 1er juin au 22 août 2022, la surmortalité par rapport à la même période en 2019 (dernière année avant le Covid), et toutes causes confondues, à 11 000 morts. Il ne s’agit donc pas des trois périodes de canicule à proprement parler qui ont eu lieu cet été-là (du 14 au 22 juin, du 9 au 27 juillet et du 29 juillet au 14 août 2022), ni de morts directement imputables à la chaleur, et encore moins aux canicules. L’article du Monde précisait d’ailleurs que «l’Insee se garde bien de donner les causes précises de ces morts, mais avance prudemment que ces chiffres ‘‘s’explique[nt] vraisemblablement par la vague de chaleur survenue à la mi-juillet, après un premier épisode de canicule dès la mi-juin‘’». On parlait donc bien de morts toutes causes confondues, et durant tout l’été, et non pas pendant les pics de canicule, comme le laissaient entendre les titres de ces articles.
Différentes méthodologies
En novembre 2022, Santé publique France a ensuite publié une étude sur les périodes de canicule, et non pas sur l’ensemble de la période estivale. L’organisme considérait alors que «pendant les trois périodes de canicules, l’excès de mortalité toutes causes confondues à l’échelle nationale est estimé à 2 816 décès, soit une surmortalité relative de 16,7 %». Et d’ajouter, là aussi, que la canicule n’est pas forcément responsable de tous ces décès : «Les estimations calculées correspondent à des décès en excès constatés pendant les canicules et dans les départements concernés, mais ne peuvent pas être uniquement attribuables à la chaleur.»
Plus largement, sur l’ensemble de la période dite de surveillance (du 1er juin au 15 septembre), et donc pas uniquement pendant les pics caniculaires, Santé publique France évaluait la surmortalité, toutes causes confondues, à 10 420 décès (+6,1 %). A noter, pour ne rien simplifier, que le calcul de la surmortalité réalisé par Santé publique France fait appel à une autre méthodologie (modèle harmonisé européen EuroMomo) que celui de l’Insee (comparaison avec l’année 2019), ce qui explique que Santé publique France affiche une surmortalité inférieure à celle de l’Insee malgré une période plus longue de trois semaines.
SPF notait également, dans cette étude, qu’«une part de cet excès de mortalité estivale est vraisemblablement due à une exposition de la population à de fortes chaleurs mais pour des températures n’atteignant pas les seuils d’alerte canicule. L’estimation de cette part attribuable doit faire l’objet de travaux plus approfondis, qui sont en cours à Santé publique France».
On arrive alors à l’étude publiée vendredi par SPF, qui évoque 33 000 morts liés à la chaleur en France entre 2014 et 2022, dont 7 000 pour l’été 2022. Il s’agit donc bien de morts de «chaleur» et non pas de «canicule», puisque l’étude porte sur la période de surveillance courant du 1er juin au 15 septembre, mais surtout de décès, cette fois-ci, directement liés à la chaleur.
«On a développé un modèle utilisant des données de 2014 à 2022, où on a étudié pour chaque jour de l’été la température moyenne de référence dans chaque département, ainsi que la mortalité dans ces départements, nous permettant ensuite d’établir une relation pour chaque jour entre température et surmortalité, explique à CheckNews Guillaume Boulanger, de Santé publique France. On a ainsi pu créer un modèle très spécifique et assez rare pour attribuer les décès à la chaleur.»
C’est ainsi que pour l’été 2022, on est passé d’une surmortalité de 10 400 décès «vraisemblablement» liés à «la canicule» à 7 000 morts directement imputable à la «chaleur».