Ce mercredi, le bureau politique des Républicains (LR) a prononcé l’exclusion d’Eric Ciotti. Conséquence directe de son alliance avec le Rassemblement national (RN) en vue des législatives, dont avait fait part mardi le président du parti. Depuis cette annonce, le mouvement s’est fracturé entre un camp favorable à un tel accord – largement minoritaire, comme le montre le décompte opéré par CheckNews – et un camp qui s’y oppose fermement. Une situation qu’on retrouve chez les Jeunes Républicains, où la position du président Guilhem Carayon, qui a suivi l’initiative de Ciotti, est vivement contestée en interne.
«Bien seul dans cette prise de position»
Promu vice-président et porte-parole des Républicains par Eric Ciotti en 2023, Guilhem Carayon explique, dans un tweet publié en début d’après-midi mardi : «Avec Eric Ciotti et des milliers de militants Les Républicains, nous faisons le choix du courage et du bon sens.» Ce mercredi, France Bleu Occitanie a appris, par l’intermédiaire d’un député RN sortant, que Carayon devrait ainsi être investi par LR et soutenu par le RN dans la troisième circonscription du Tarn.
Carayon n’est pas seul. La ligne du président des Jeunes Républicains est soutenue par plusieurs membres de son bureau. Le secrétaire général des Jeunes Républicains, Alexandre Saradjian, s’est lui-même exprimé sur le réseau social X (anciennement Twitter), mardi : «Fidèle à la France, fidèle à la droite, fidèle à mes valeurs. Je suis naturellement la décision d’Eric Ciotti pour les élections législatives.» Tout comme la secrétaire générale adjointe Mylèna Gourdon, qui a tweeté : «Je veux apporter tout mon soutien à Eric Ciotti. Il a fait le choix d’une alliance de droite longuement attendue.» Autre soutien, Florent Lombardo, ancien collaborateur du patron des Jeunes LR (désormais dans l’équipe du tout juste élu eurodéputé Laurent Castillo), retweete quasiment toutes les publications d’Eric Ciotti et Guilhem Carayon depuis mardi.
Mais en face, d’autres responsables des Jeunes Républicains s’opposent frontalement à leur président. A commencer par la vice-présidente des Jeunes LR et conseillère régionale du Grand Est, Manon Deliot, qui s’est exprimée au même moment sur le même réseau social : «Ma position est claire : aucun rapprochement avec l’extrême droite ! La droite gaulliste et républicaine n’est pas celle de l’extrême droite. […] Eric Ciotti, aucune coalition avec le RN n’est envisageable pour les Jeunes Républicains.» Jointe par CheckNews, Manon Deliot répète son opposition à «cette alliance décidée, et non pas proposée, par Eric Ciotti». «Hier, j’ai proposé aux cadres des Jeunes Républicains d’organiser une [réunion en] visioconférence pour en parler. Elle a duré deux heures, nous étions quasiment 60 sur cette visioconférence, et un bon nombre se sont positionnés contre [l’accord], rapporte la vice-présidente des Jeunes Républicains. Quand je vois ceux qui se sont exprimés, que ce soit sur des groupes WhatsApp ou pendant la visioconférence, Guilhem Carayon semble être bien seul dans cette prise de position au sein de l’exécutif des Jeunes [Républicains].»
«Loyauté et opportunisme»
Le chef des Jeunes Républicains, comme son mentor Eric Ciotti, aurait agi seul dans son coin, déplore Manon Deliot : «Il a engagé la parole des Jeunes sans les solliciter, n’était pas présent à la visioconférence, où il s’est fait représenter par Alexandre [Saradjian, le secrétaire général], et n’a pas adressé ne serait-ce qu’un mot aux Jeunes depuis hier.» Si la vice-présidente admet que «certains se sont ralliés à lui», c’est selon elle uniquement «par loyauté, et sans doute par opportunisme».
Partageant la position de Manon Deliot, plusieurs leaders des Jeunes Républicains ont signé, dans la soirée mardi, une tribune publiée sur le site de Valeurs actuelles. «Nous refusons toute forme de coalition avec le Rassemblement national en solidarité avec la ligne défendue par la majorité de nos parlementaires», commencent par revendiquer les auteurs de la tribune. Plus loin, on lit qu’Eric Ciotti «ne peut engager toute une formation politique sans la moindre consultation des instances du parti», et que par conséquent il «doit quitter, sans délai, la présidence des Républicains pour laisser une nouvelle génération tracer le chemin qui doit être celui d’une droite indépendante». L’un des signataires, Ewan Damongeot, responsable des Jeunes LR de l’Eure, estime auprès de CheckNews que Guilhem Carayon, dans son soutien à Eric Ciotti, «est un cas évidemment isolé».
Parmi les signataires, figurent neuf membres du bureau national des Jeunes Républicains (délégués nationaux ou secrétaires généraux adjoints). La tribune est aussi signée par 24 responsables départementaux des jeunes LR (sur les 96 départements que compte la France métropolitaine, qui ont chacun un responsable départemental). Et enfin, on trouve trois délégués régionaux dans les signataires.
«Ni Macron, ni Le Pen»
Une tribune qui, donc, n’engage pas l’ensemble des Jeunes Républicains, contrairement à ce que pouvait laisser penser le titre rédigé par Valeurs actuelles. D’ailleurs, certains membres du bureau national se sont exprimés sur X afin de lever toute ambiguïté sur ce point. «Cette tribune n’engage que les signataires et non l’ensemble des Jeunes Républicains», souligne le secrétaire général adjoint Dylan Ouaknine. «Elle ne représente absolument pas la pensée des Jeunes Républicains mais bien une minorité», va jusqu’à assurer la déléguée nationale Lola Elis. Rejointe par le délégué national Théo Dutrieu : «Ce n’est que la voix d’une minorité qui n’est absolument pas représentative de celle de l’ensemble des militants.»
Sans être signataires de la tribune, d’autres responsables ont toutefois également affiché leurs divergences avec Guilhem Carayon. «Dans le cadre des fonctions qui sont les miennes, j’ai toujours défendu une droite indépendante fière de ses valeurs. […] Ni Macron Ni Le Pen», écrit dans une publication sur X Valentin Lagarde, délégué national des Jeunes Républicains. «Nous sommes la droite ! Nous sommes Les Républicains ! Nous resterons fidèles à nous-mêmes et à nos valeurs jusqu’au bout !» affirme également Constance Bales, responsable des Jeunes Républicains en Indre-et-Loire. Contactée par CheckNews, elle assure que dans son département, les Jeunes Républicains «sont opposés à cet accord», à l’image plus globalement du refus de «toute alliance avec les extrêmes» clamé dans un communiqué de la Fédération des Républicains d’Indre-et-Loire.
Nadia Idorane, responsable des Jeunes Républicains dans les Hauts-de-Seine, se désolidarise, elle aussi, de Guilhem Carayon. «Je ne soutiens pas du tout sa décision. Il l’a vraiment prise en son nom et non au nom des Jeunes Républicains. On l’a découverte comme tout le monde à 13 heures [mardi]», déplore la responsable départementale. «On n’a plus aucune nouvelle du président de Jeunes depuis cette annonce. On a été plusieurs à essayer de le contacter, et il ne nous répond pas», regrette-t-elle également. Pour Nadia Idorane, «dire que personne ne le suit, ce serait mentir. Mais ils sont 5 ou 6, et la majorité des Jeunes sont contre cette décision».