Ce mardi 23 janvier, Alexandra Sonac, une agricultrice de 37 ans, est morte après avoir été percutée par un véhicule, alors qu’elle bloquait la RN 20 à proximité de Pamiers, en Ariège. Son mari et sa fille de 14 ans ont été gravement blessés par le véhicule qui a foncé de nuit dans un mur de bottes de paille, recouvert d’une grande bâche noire, qui bloquait la route.
Selon le parquet de Foix, «derrière ce mur de paille [était installé] un grand barnum, où des manifestants se restauraient. Le véhicule a alors percuté trois personnes, avant de finir sa course contre la remorque d’un tracteur». Contactée par CheckNews, la préfecture de l’Ariège précise que le blocage sur la RN 20 avait bien été déclaré. La veille, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait indiqué qu’il n’était pas prévu «d’évacuation par les forces de l’ordre» pour déloger les barrages d’agriculteurs, soulignant qu’il avait transmis ces consignes aux préfets et au directeur général de la gendarmerie.
«Le drame de Pamiers nous bouleverse tous»
Après ce décès tragique, l’Elysée, le gouvernement et la classe politique française ont rendu hommage à la victime et ses proches. Dans un message publié sur le réseau social X, Emmanuel Macron a ainsi déclaré que «le drame de Pamiers nous bouleverse tous. Je pense avec émotion aux victimes et à leurs proches endeuillés».
Après avoir posté sur X – «Tous nos agriculteurs sont en deuil. Notre Nation est bouleversée et solidaire» –, le Premier ministre Gabriel Attal a exprimé à l’Assemblée nationale son «soutien» à la famille et aux proches des victimes. Il a été salué par une ovation debout des députés. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a été dépêché sur place.
Après l’accident, les manifestants ont décidé de lever le blocage de la N20 et d’exprimer leur soutien aux proches et à la famille des victimes.
Pour la gilet jaune Chantal Mazet, le gouvernement rejetait la faute sur les organisateurs
La colère de ces agriculteurs, qui retournent les pancartes des villes, déversent du lisier devant les préfectures et les mairies, ou bloquent des routes importantes, fait craindre à l’exécutif et aux commentateurs l’apparition d’un mouvement violent rappelant celui des gilets jaunes. La mort de cette agricultrice protestataire fait d’ailleurs écho à celle de Chantal Mazet, la première gilet jaune tuée par une automobiliste dès le premier week-end d’action du mouvement, dans des circonstances assez proches.
Le 17 novembre 2018, alors que des gilets jaunes s’étaient retrouvés sur des ronds-points à travers la France, cette femme de 63 ans avait été écrasée par une voiture alors qu’elle participait à un barrage au Pont-de-Beauvoisin, dans l’Isère. La conductrice a finalement été reconnue coupable d’homicide involontaire et condamnée à quatre ans de prison avec sursis par la cour d’assises de la Savoie.
Les réactions de l’exécutif avaient alors été très différentes. Le gouvernement s’était défendu de porter la responsabilité du décès de Chantal Mazet, soulignant que ce barrage n’avait pas été déclaré en préfecture. Au lendemain du premier jour de blocage, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, avait déclaré sur Europe 1 qu’il avait ressenti «la violence de l’émotion» en apprenant le décès avant d’insister sur le fait que «ce n’est évidemment pas [la faute de l’Etat]». Le premier flic de France soulignait alors qu’il s’agissait d’une «manifestation qui n’a pas été déclarée, qui n’a pas été organisée en lien avec l’Etat, une manifestation où une maman qui veut emmener son enfant chez le médecin, se trouve bousculée. […] Elle panique et tue une personne».
Le soir, le Premier ministre, Edouard Philippe était revenu sur ce décès au JT de France 2. Evoquant «le décès dramatique de cette manifestante», le chef du gouvernement avait dénoncé le «comportement indécent» de ceux qui instrumentalisaient sa mort. Et de souligner que «cette manifestation où se trouvait cette malheureuse n’était pas déclarée. Nous avions indiqué, non pas du tout pour les contrôler, mais pour faire en sorte qu’elle puisse être sécurisée, qu’il fallait déclarer ces opérations. La sécurité a été une constante de notre attitude».
Ceux qui ont voulu utiliser le décès dramatique de cette manifestante en Savoie ont eu véritablement un comportement indécent. #JT20H pic.twitter.com/NUbGytVTKX
— Edouard Philippe (@EPhilippe_LH) November 18, 2018
Le président de la République n’avait pas communiqué sur ce premier décès chez les gilets jaunes. En janvier 2019, à l’occasion d’un déplacement en Egypte, Emmanuel Macron avait «déploré» la mort de 11 citoyens français dans le contexte de cette crise. Il avait alors souligné «qu’ils ont tous perdu la vie, bien souvent en raison de la bêtise humaine. Mais qu’aucun d’entre eux, aucun, n’a été la victime des forces de l’ordre».
Le mouvement des gilets jaunes avait fait l’objet d’une répression policière importante, résultant en des mutilations chez de nombreux manifestants, souvent causées par des tirs de lanceurs de balles de défense ou de grenades lacrymogènes.