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Assemblée nationale : quels groupes politiques se sont inscrits dans l’opposition ?

A l’exception de l’ex-majorité présidentielle, tous les groupes se sont déclarés dans l’opposition. Ce qui n’est pas sans enjeu.
A l'Assemblée nationale le 18 juillet. (Albert Facelly/Libération)
publié le 20 juillet 2024 à 6h51

C’était l’une des inconnues de la nouvelle législature. Dans la situation inédite d’une Assemblée nationale divisée en trois coalitions de taille équivalente, sans majorité claire, quels groupes politiques déclareraient faire partie de l’opposition ?

Depuis l’ouverture de la législature, le 18 juin, la situation s’est éclaircie. Onze groupes politiques se sont constitués. Chacun d’entre eux a remis une déclaration politique à la présidente de l’Assemblée nationale ; sur celle-ci, il est possible de mentionner ou non son appartenance à l’opposition, comme le définit le règlement de l’Assemblée nationale. Ainsi qu’on peut désormais le constater sur ces déclarations, publiées au Journal officiel, huit groupes sur onze se sont déclarés d’opposition, en inscrivant certaines nuances dans leurs textes respectifs.

A noter que la déclaration d’appartenance d’un groupe à l’opposition ne repose sur aucun critère précis, même si traditionnellement les groupes d’opposition ne soutiennent pas la déclaration de politique générale et votent contre les lois de finance. Elle peut donc être faite, ou retirée, à tout moment. Toutefois, le Règlement précise (article 19) que les droits spécifiques reconnus aux oppositions sont réexaminés chaque année au début de la session ordinaire.

Pourquoi se déclarer dans l’opposition ? Précisément car depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les «droits spécifiques reconnus aux oppositions» comportent de nombreux atouts. D’abord du fait de l’octroi de plusieurs postes clés au Bureau de l’Assemblée nationale, qui organise le fonctionnement interne de l’Assemblée. Mathieu Carpentier, constitutionnaliste, les synthétise pour CheckNews : «L’opposition se voit réserver la première vice-présidence, une questure sur trois, la présidence de la commission des finances.» C’est probablement ce dernier poste qui attire le plus de convoitise, du fait des importants pouvoirs de contrôle et d’évaluation des politiques budgétaires qui lui sont liés.

Selon Mathieu Carpentier, en pratique, le président de la commission des finances demeure en poste toute la législature même si, en droit, les commissions sont renouvelées chaque année. «Tout le monde ou presque est reconduit quasiment automatiquement, comme cela se fait par consensus il n’y a pas d’élection en séance, l’article 25 du règlement prévoyant une simple nomination», précise-t-il. La question de la reconduction du président de la commission des finances pourrait néanmoins se poser si le groupe politique dont il est membre bascule de l’opposition à la majorité en cas de changement de gouvernement. Une situation similaire avait eu lieu en 2022, quand Eric Woerth, alors président de la commission des finances Les Républicains, avait annoncé son soutien à Emmanuel Macron.

Les groupes d’opposition et les groupes minoritaires disposent également de pouvoirs octroyés dans le cadre de la vie parlementaire. «Ils bénéficient d’une niche parlementaire, d’une possibilité de commission d’enquête ou de mission d’information. Ils ont aussi 50 % du temps de parole en réponse à la déclaration de politique générale», synthétise Mélody Mock-Gruet, spécialiste de l’Assemblée nationale et enseignante à Sciences-Po, à nos confrères de la Dépêche. De quoi motiver la décision de se déclarer dans l’opposition, quitte à brouiller le récit d’une victoire aux législatives, comme s’y est essayé le Nouveau Front Populaire après avoir obtenu une majorité relative de 193 députés.

Nouveau Front populaire : dans l’opposition en attendant la nomination d’un Premier ministre de leur camp

Le Nouveau Front populaire est la plus importante coalition de l’Assemblée en nombre de députés : elle en compte 193. La coalition est constituée de quatre groupes politiques à l’Assemblée nationale. Le groupe de La France insoumise - Nouveau Front populaire, le plus nombreux avec 72 députés, le groupe Socialistes et apparentés (66 députés), le groupe Ecologiste et social (38 députés, dont cinq ex-LFI en rupture de ban) et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (17 députés). Tous les groupes de la coalition se déclarent dans l’opposition.

Dans leurs quatre déclarations politiques, chacun des groupes utilise la même formule pour annoncer leur positionnement : «Nous appelons le président de la République à respecter la volonté du peuple français et à nommer un Premier ministre ou une Première ministre désigné par le Nouveau Front populaire. Tant qu’il ne l’aura pas fait, notre groupe se constituera en tant que groupe d’opposition

On comprend donc que si le président de la République venait à nommer un Premier ministre issu du NFP, les différents groupes retireraient leur déclaration d’appartenance à l’opposition.

Rassemblement national et alliés : dans l’opposition en cas de gouvernement de gauche ou macroniste

Le Rassemblement national et ses alliés du groupe A Droite (LR tendance Ciotti) sont la deuxième coalition d’opposition avec le plus grand nombre de députés. Elle en compte 142. Les deux groupes ont indiqué qu’ils seraient dans l’opposition, que ce soit sous un gouvernement de gauche ou macroniste.

Le Rassemblement national est aussi le premier groupe politique, avec 126 députés. Après l’avoir rappelé dans sa déclaration les députés RN «se constituent en groupe politique d’opposition à Emmanuel Macron et à son gouvernement». «Cette opposition vaut pour le gouvernement démissionnaire en charge des affaires courantes mais aussi pour tout gouvernement qui pourrait émaner d’accords entre les autres groupes politiques de l’Assemblée», est-il ensuite précisé.

Les 16 députés du groupe A Droite indiquent qu’ils «formeront un groupe d’opposition à la coalition des contraires entre le macronisme et la gauche».

La Droite républicaine : une «opposition responsable»

Le groupe La Droite républicaine comprend le gros des troupes de l’ex-groupe Les Républicains de la précédente législature. On y retrouve 47 députés, se définissant comme «une opposition responsable».

«Nous, les députés de la Droite républicaine, portons la voix claire et indépendante de la droite et du centre droit, celle d’un groupe d’opposition responsable, toujours force de propositions et déterminé à voter les lois qui iront dans le sens de l’intérêt de la France», est-il écrit dans leur déclaration. Une phrase à mettre en relief avec leur ralliement à la candidature de Yaël Braun-Pivet pour la présidence de l’Assemblée nationale, qui laisse entendre qu’un travail est possible avec un gouvernement dominé par le camp présidentiel.

Dans le même temps, le groupe souligne néanmoins son opposition ferme à un éventuel gouvernement de gauche, en étant le seul groupe à évoquer à mentionner une motion de censure. Elle serait automatique «dans l’hypothèse d’un gouvernement qui comprendrait des ministres issus de La France insoumise». Il n’est pas mentionné d’opposition similaire à un gouvernement composé de membres du Rassemblement national.

Liot : «libre, indépendant» et d’opposition

Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires rassemble 21 députés hétéroclites, principalement du centre (UDI, Parti radical, Les Centristes…) ou d’une tendant régionaliste. Le groupe, auquel appartient notamment Charles de Courson, a principalement voté dans le sens du camp présidentiel lors de la précédente législature, mais se déclare dans l’opposition.

«A l’Assemblée nationale, les députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires font le choix de s’inscrire dans une vision républicaine libre, indépendante et responsable et se déclarent en tant que groupe d’opposition.», est-il ainsi écrit dans leur déclaration politique.

Ensemble, Horizons, Démocrates : aucune mention d’opposition

Quant aux autres groupes, Ensemble pour la République, Horizons et Indépendants et Les Démocrates, ceux de l’ex-majorité présidentielle, il n’est nulle part fait mention de leur appartenance à l’opposition. En étant la deuxième coalition, avec 166 députés, le camp présidentiel se place ainsi de facto dans la majorité.