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Attentat de Moscou : que faisait la police russe ?

Le massacre revendiqué par l’Etat islamique et la fuite des assaillants questionnent sur la réactivité des forces d’intervention russes. Un retard à intervenir que réfute le ministère de l’Intérieur.
Un membre de l'unité spéciale de police OMON devant le Crocus City Hall, le 22 mars. (Tereshchenko Mikhail/Tereshchenko Mikhail/Tass/ABACA)
publié le 25 mars 2024 à 19h21

Trois jours après l’attentat revendiqué par l’Etat islamique du vendredi 22 mars ayant couté la vie à au moins 137 personnes à Moscou, l’heure n’est pas au deuil à la tête de l’Etat russe. Propagandistes et officiels russes agitent (sans preuve) le spectre d’une implication ukrainienne tout en relayant ouvertement des images qui montrent des forces de sécurité du pays torturer les quatre suspects arrêtés. Mais une question demeure : où étaient les policiers russes pendant le massacre ?

D’après le média d’investigation russe The Insider et la télévision d’Etat Russie 1, la tuerie a duré dix-huit minutes, de l’arrivée des quatre terroristes sur le parking du Crocus City Hall à 19h55 à leur fuite à 20h13. Les assaillants n’ont été arrêtés que plusieurs heures plus tard dans une autre région, à près de 350 kilomètres de là.

Loin de reconnaître une défaillance, la porte-parole du ministère de l’Intérieur russe a répondu à différentes critiques des forces de l’ordre sur son compte Telegram : «Nous déclarons officiellement qu’après que l’information sur la fusillade a été reçue par l’unité de service du département du ministère des affaires intérieures de Russie à Krasnogorsk, la police est arrivée sur place en 5 minutes.» Comme le note le média russe indépendant Meduza, cela impliquerait une arrivée des policiers à 20h06, quand le massacre était encore en cours.

CheckNews n’a trouvé aucune image de policiers russes sur le site à 20h06. L’agence de presse russe (contrôlée par l’Etat) TASS ne mentionne l’arrivée des forces d’intervention (en citant son correspondant sur place) qu’à 21h06 heure locale, soit plus d’une heure après le début de la tuerie (après avoir annoncé leur départ vers le lieu d’intervention à 20h33). Treize minutes plus tard, à 21h19, des images diffusées sur différents canaux Telegram russes montrent en effet une colonne d’intervention juste à côté de l’entrée du bâtiment. Peu après, l’agence de presse (également contrôlée par le Kremlin) RIA montre elle aussi une vidéo des forces d’intervention (équipés d’un bouclier d’assaut) devant le site.

Des vidéos diffusées plus tôt (20h25 et 20h41) montrent des gyrophares devant le bâtiment en proie aux flammes, sans qu’il soit possible d’identifier s’il s’agit de voitures de police. La plupart des véhicules visibles semblent néanmoins être des ambulances.

Ces interrogations sur l’intervention de la police russe s’ajoutent à des questionnements plus larges sur la lutte contre le terrorisme de l’écosystème sécuritaire de Moscou. Le 7 mars, l’ambassade américaine en Russie avait diffusé une alerte recommandant d’éviter les rassemblements à Moscou, y compris pendant les concerts, arguant que des extrémistes s’apprêtaient à cibler de tels rassemblements.

Différents médias américains, comme le New York Times, expliquent (sources internes au renseignement étasunien à l’appui) que cet avertissement se fondait sur des éléments suggérant un passage à l’acte de l’Etat islamique au Khorasan (EI-K), filiale afghane de l’organisation terroriste. La même branche qui serait impliquée dans l’attentat du 22 mars. Le New York Times rapporte également que les Etats-Unis auraient averti leurs homologues russes en privé.