Nouvelle polémique pour CNews, ce lundi 26 février. Sur les réseaux sociaux, la capture d’écran d’une séquence de la chaîne, propriété du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, a massivement fait réagir. On y voit une infographie détaillant «les causes de la mortalité dans le monde». En première place arrive «l’avortement : 73 millions par an dans le monde», avant «le cancer : 10 millions de décès» et «le tabac : 6,2 millions de décès».
«Voilà comment on menace l’IVG en France et dans le monde»
Une séquence qualifiée de «propagande anti-IVG» par de nombreux internautes, la chaîne assimilant l’ensemble des avortements pratiqués chaque année dans le monde à des décès. Et qui a fait réagir dans la journée plusieurs personnalités. Le député Renaissance Sacha Houlié a ainsi dénoncé une «honte» et appuyé le projet, porté par la majorité, d’inscription dans la Constitution du droit à l’avortement.
Pour toutes celles et ceux qui se demandent pourquoi il faut constitutionnaliser pour définitivement protéger l'IVG. Voilà pourquoi !
— Sacha Houlié (@SachaHoulie) February 26, 2024
Quelle honte @CNEWS ! pic.twitter.com/WWxQuzrYqB
De son côté, le sénateur communiste Ian Brossat constate : «Voilà comment on menace l’IVG en France et dans le monde.» La ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, a également réagi en rappelant ce chiffre : «47 000 femmes meurent chaque année dans le monde des suites d’un avortement clandestin.»
Cette infographie est apparue dans le cadre de l’émission En quête d’esprit, sur CNews. L’édition du dimanche 25 février était consacrée à l’avortement, alors que le Sénat examine cette semaine l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution. Ce bandeau accompagne les débats : «Avortement : pourquoi libérer la parole des femmes». En plateau figurent Cécylia Rançon, réalisatrice du documentaire le Deuil caché, et Sylvie Lepetit, autrice du Deuil défendu. Egalement présente, Lucie Pacherie, chargée de plaidoyer pour la fondation Jérôme-Lejeune, opposée à l’avortement.
Une assimilation au mépris total des textes législatifs et du consensus scientifique
Le présentateur poursuit par «quelques chiffres», alors que s’affiche à l’écran la fameuse infographie. Et déclare : «C’est aussi la première cause de mortalité dans le monde. Selon l’institut Worldometer, 73 millions en 2022, soit 52 % des décès.»
L’infographie cite en source la plateforme «Worldometer» qui recense des statistiques mondiales. Et qui renvoie lui-même à une donnée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), estimant à environ «73 millions d’avortements provoqués chaque année dans le monde». Ce chiffre, présenté comme une «intervention sanitaire simple» par l’OMS, CNews l’assimile donc à des décès, au mépris total des textes législatifs et consensus scientifique sur le sujet. Par ailleurs, à aucun moment la proportion de «52 % des décès dans le monde» n’est affichée sur les sites de l’OMS ou sur Worldometer. En revanche, c’est un chiffre qu’on retrouve sur le blog d’extrême droite «le Salon beige», dans un article de janvier 2024 intitulé : «L’avortement, première cause de décès dans le monde.»
La chaîne présente ses excuses
Dans un second tweet ce lundi après-midi, Ian Brossat a indiqué qu’il effectuait «immédiatement un signalement à l’Arcom». Sollicité par CheckNews, le gendarme de l’audiovisuel a confirmé la réception de saisines sur ce sujet et précisé qu’il allait donc «instruire la séquence». En janvier, l’Arcom a infligé à CNews une amende de 50 000 euros pour manquement aux obligations d’honnêteté et de rigueur dans le traitement de l’information suite à une séquence dans l’émission Face à l’info.
En fin d’après-midi ce lundi, la chaîne a finalement présenté ses «excuses» par l’intermédiaire de Laurence Ferrari. Un mea culpa envoyé directement aux journalistes par le service communication de CNews. «Une infographie présentant un comparatif entre les causes de la mortalité générale dans le monde et le nombre d’IVG dans le monde a été diffusée. Ce sont des données incomparables. Il est absolument impossible de comparer ces chiffres et de les mettre en miroir de ceux de la mortalité liée au cancer ou au tabac. L’IVG est autorisée en France depuis la loi du 17 janvier 1975, la loi portée par Simone Veil. Il s’agit donc d’un droit garanti par la loi et il ne s’agit pour quiconque de la remettre en cause. La chaîne CNews présente ses excuses à ses téléspectateurs pour cette erreur qui n’aurait pas dû se produire, CNews présente ses excuses auprès de toutes les femmes avec une pensée particulière pour celles dans le monde qui luttent pour obtenir le droit à disposer de leur corps et à toutes celles qui ont perdu la vie faute de pouvoir avoir accès à l’IVG.» La journaliste précise : «A titre personnel, j’ajoute que cette loi est très importante pour moi et j’espère que ce droit sera inscrit dans la Constitution.»