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Candidats RN accusés de racisme, homophobie ou antisémitisme : Jordan Bardella en flagrant déni

Confronté par Gabriel Attal aux dérapages des candidats investis par le parti d’extrême droite, le patron du RN lui a rétorqué qu’il s’agissait de mensonges. Tout a pourtant été documenté.
Jordan Bardella et Gabriel Attal, lors du débat de jeudi 27 juin. (Denis Allard/Libération)
publié le 28 juin 2024 à 16h01

Le RN aveugle face à ses dérives. Alors que plusieurs médias, dont Mediapart, le Monde ou Libération, documentent méticuleusement depuis deux semaines les casseroles des candidats RN, Gabriel Attal a mis le sujet sur la table face à Jordan Bardella jeudi 27 juin lors du débat sur France 2. Le Premier ministre a accusé le parti d’extrême droite de présenter «dans cette élection, plus d’une centaine de candidats, c’est-à-dire presque un sur cinq, pour lesquels on a trouvé des propos racistes, antisémites ou homophobes». Et de citer une longue liste d’exemples : «M. Bourdouleix, qui a indiqué que, je cite : “Hitler n’a pas tué assez de Tziganes”, Mme Barèges, qui a expliqué qu’un candidat noir sur sa liste est une tache. M. Sorin, qui explique que toutes les civilisations ne se valent pas. M. Leonardelli, qui a défendu les soupes au cochon dans les soupes populaires, pour éloigner un certain nombre de personnes de la solidarité. M. Martin, qui a écrit sur Twitter que le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah.»

Alors que Jordan Bardella se bornait à répéter «c’est faux, Monsieur Attal», l’actuel locataire de Matignon, après plusieurs autres exemples, a répondu en lui recommandant d’aller «lire l’article de Libération». Et de fait, Libé a raconté par le détail les multiples dérapages des candidats cités par Attal.

Gilles Bourdouleix, candidat LR soutenu par le RN dans le Maine-et-Loire, et ses propos anti-Tziganes

Le maire LR de Cholet, Gilles Bourdouleix a décidé de suivre Eric Ciotti, président des Républicains, dans son alliance avec le Rassemblement national. Pour ce candidat LR soutenu par le RN dans la 5e circonscription de Maine-et-Loire, il a été aisé de retrouver la déclaration en question puisqu’elle a fait l’objet de nombreux articles de presse, ainsi que d’un procès. Les propos anti-Tziganes datent du 21 juillet 2013. Le député-maire UDI de Cholet s’était rendu dans un camp de gens du voyage sur sa commune et s’était disputé avec eux. Lors de cet échange, il déclare : «Comme quoi, Hitler n’en a peut-être pas tué assez.» Ces marmonnements sont d’abord rapportés par le Courrier de l’Ouest. L’élu dément, obligeant donc le journaliste à publier son enregistrement sonore où on entend bien la déclaration.

Gilles Bourdouleix est condamné pour «apologie de crime contre l’humanité» pour ces propos en première instance et en appel par la cour d’appel d’Angers en 2014. L’édile se pourvoit en cassation et obtient l’annulation de sa condamnation en 2015. La cour estime alors que le député-maire ne peut être condamné pour le délit d’apologie de crime contre l’humanité, car les propos n’ont pas vraiment été proférés et donc qu’il les a tenus «dans des circonstances exclusives de toute volonté de les rendre publics». L’enregistrement est toujours disponible sur YouTube.

Brigitte Barèges, candidate LR soutenue par Ciotti dans le Tarn-et-Garonne, et la «tache» dans sa liste

Gabriel Attal a évoqué des propos racistes envers une personne noires comparée «à une tâche» tenus par une certaine «Mme Bargesse». Il s’agit en réalité de Brigitte Barèges, maire LR de Montauban et officiellement candidate aux élections législatives soutenue par Eric Ciotti dans la première circonscription du Tarn-et-Garonne. Lors des municipales de 2014, comme l’a d’abord rapporté la Dépêche du Midi, Brigitte Barèges a présenté Jean Tekpri, l’un de ses colistiers à la peau noire comme étant «la tache de notre liste». L’homme a alors voulu la dédouaner, selon la Dépêche, en déclarant : «Vous voyez, elle n’est pas raciste, je suis toujours là.»

Gabriel Attal aurait pu également citer une déclaration homophobe tenue par l’édile en 2011. Selon des propos rapportés par d’autres députés, lors d’une commission à huis clos sur le mariage pour tous, la députée-maire opposée à l’union des couples homosexuels, s’était exclamée : «Et pourquoi pas des unions avec des animaux ? Ou la polygamie ?» Après le tollé qu’avait suscité sa déclaration, Brigitte Barèges avait finalement retiré «des propos maladroits».

Marie-Christine Sorin, candidate RN dans les Hautes-Pyrénées, et les «civilisations» qui «ne se valent pas»

L’exemple suivant concerne Marie-Christine Sorin, investie par le RN dans la 1re circonscription des Hautes-Pyrénées. Comme l’ont relevé nos collègues de Libération, la retraitée de l’Education nationale a publié plusieurs contenus racistes sur ses comptes X et Facebook avant de faire le ménage et supprimer les plus choquants. Elle avait notamment posté le 11 janvier 2024 un message affirmant que «non toutes les civilisations ne se valent pas, celles qui n’ont aucun humanisme et ne respectent pas les femmes au nom d’une religion sont juste restées au-dessous de la bestialité dans la chaîne de l’évolution».

Julien Leonardelli, candidat RN en Haute-Garonne, et les sandwichs aux rillettes de porc pour les sans-abri

Quatrième cas cité par le Premier ministre, un candidat «qui a défendu les soupes au cochon dans les soupes populaires, pour éloigner un certain nombre de personnes de la solidarité». Il fait référence à Julien Leonardelli, récemment élu eurodéputé et qui se présente quand même dans la cinquième circonscription de Haute-Garonne. En 2018, un membre du Front national de sa fédération avait organisé une maraude à Toulouse en distribuant des sandwichs aux rillettes de porc. De quoi exclure les sans-abri qui ne mangent pas de cochon. Interrogé sur cette initiative par la Dépêche du Midi, Julien Leonardelli, patron du FN local, avait défendu la démarche, expliquant : «C’est comme pendant la guerre, les Français qui avaient faim ne réfléchissaient pas si c’était du lapin ou du chat. Et puis allez donc en parler aux éleveurs qui manifestent à Montauban. En France aujourd’hui, il ne faut plus consommer de porc !»

Joseph Martin, candidat RN dans le Morbihan, et son tweet «mal tourné» sur les victimes de la Shoah

Gabriel Attal poursuit avec «M. Martin, qui a écrit sur Twitter que le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah». Ce tweet du 22 octobre 2018, toujours en ligne où l’on peut lire que «le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah» a été révélé le 17 juin par Libération dans son premier article concernant les profils des candidats problématiques du Rassemblement national.

Son interprétation antisémite a été contestée par Pierre Sautarel, administrateur du site d’extrême droite Fdesouche, ainsi que par le magazine d’extrême droite l’Incorrect (qui reprend la démonstration de Sautarel). Selon lui, ce message, ayant été postée suite au décès du négationniste Robert Faurisson, était une manière de se réjouir de la mort du négationniste.

Contacté après la publication de l’article par Libération, Joseph Martin s’est défendu de tout antisémitisme. Tout en reconnaissant «que peut-être la phrase était mal tournée», il a assuré : «Le fond de moi-même était le respect.» Dans un premier temps, Jordan Bardella avait retiré l’investiture à Joseph Martin, avant de le réhabiliter. Auprès de l’AFP, le candidat du Morbihan a annoncé son intention de porter plainte contre Libération – une plainte qui ne nous est pour l’heure pas parvenue.

A ce stade (tous les candidats n’ont pas été examinés, et plusieurs ont fermé leurs comptes sur les réseaux sociaux), Libération, dans une série de quatre articles, a épinglé pas moins de 40 candidats du RN pour propos racistes, homophobes, antisémites ou complotistes. Auxquels on peut ajouter les candidats aux penchants pro-russes débusqués par Mediapart.