«Combien faudra-t-il de blessés pour que certains prennent la mesure de ce que vivent nos collègues ?», lançait à chaud le syndicat policier Alliance, sur le réseau social X. L’organisation réagissait, samedi 22 mars, à la spectaculaire collision survenue le jour même, à l’aube, dans le XVe arrondissement de Paris, après un refus d’obtempérer. Un carambolage au bilan assez conséquent pour les forces de l’ordre : trois voitures de police endommagées et dix policiers légèrement blessés. Lors d’une conférence de presse tenue dans l’après-midi, le préfet de police Laurent Nuñez se voulait rassurant : les dix policiers en question, après avoir «été conduits en milieu hospitalier», étaient tous rapidement sortis.
Les images de l’accident avaient suscité une vive incompréhension sur les réseaux. Après que le véhicule pris en chasse s’est encastré sur un feu de circulation, un premier véhicule de police vient immédiatement et violemment le percuter, imité par deux autres voitures des forces de l’ordre dans les secondes qui suivent. Plusieurs pistes ont été avancées pour expliquer cette triple collision : une chaussée glissante, un manque de visibilité dû à la configuration du carrefour, ou encore un éventuel déficit de formation des agents au volant.
Dans un premier temps, le parquet de Paris a ouvert une enquête à la fois sur la base du refus d’obtempérer et des blessures involontaires. En plus du conducteur, les deux passagers présents à bord de la BMW qui a déclenché la course-poursuite après avoir pris la fuite ont aussi été placés en garde à vue afin d’être entendus.
Jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende
Finalement, seul le conducteur fait l’objet de poursuites, au motif d’un «refus d’obtempérer aggravé par la mise en danger, délit de fuite, défaut de maîtrise et conduite sous l’empire alcoolique au taux contraventionnel». Exit, donc, les blessures involontaires. Quant aux passagers, ils avaient été remis en liberté après seulement quelques heures, aucune infraction n’étant retenue contre eux. Concrètement, ils ne sont tenus pour responsables de rien, puisque aucun n’a faussement prétendu se trouver au volant au moment des faits ou exhorté le conducteur à prendre la fuite.
Déféré en comparution immédiate lundi 24 mars, le conducteur sera jugé le 2 juin, a indiqué mardi le parquet de Paris. D’ici là, Alan M., 30 ans, a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de conduire, obligation de soins alcooliques et psychologiques et interdiction de contact avec ses passagers. Il encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Mais, on l’a dit, il n’aura pas à répondre des blessures infligées aux policiers. Rien d’anormal à cela. Le parquet ne retient pas systématiquement toutes les charges envisagées initialement, car son enquête lui sert justement à évaluer la réalité des infractions, en recherchant les éléments qui permettent de les caractériser.
La question posée en l’occurrence était : qui est responsable de ces blessures ? Suivant les principes du droit pénal, une personne n’est responsable de la commission d’une infraction qu’à condition qu’un lien de causalité soit établi entre ses actes et les dommages qui en résultent. Ici, le parquet a semble-t-il considéré que si les véhicules de police ont fini encastrés dans la BMW poursuivie, ce n’est pas du fait du conducteur – quand bien même il aurait refusé de se soumettre à un contrôle routier – mais parce que les policiers n’ont pas pu ou su freiner à temps.