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Cette vidéo montre-t-elle un garçon palestinien «brûlé vif» par des colons israéliens ?

Des images virales affirment qu’un jeune de 13 ans a été agressé par des colons en riposte aux attaques du Hamas. Selon des sources locales, l’enfant a en fait été blessé de façon accidentelle par un engin explosif dans la région de Naplouse.
Capture d'écran de la vidéo qui montre l'adolescent blessé. (Capture Twitter)
publié le 14 octobre 2023 à 9h40

«N’ai pas peur, je t’emmène à l’hôpital.» La vidéo, insoutenable, dure une vingtaine de secondes. On y voit un jeune garçon, sur le siège passager à l’avant d’une voiture en train de rouler. Son visage, ses vêtements, et une bonne partie de son corps sont noircis, brûlés. Le conducteur, qui filme, essaie de le rassurer. Lui demande son nom, et s’il vient de Hébron. L’enfant donne son identité et répond par l’affirmative à la question.

Sur les réseaux sociaux, le jeune garçon est présenté comme la victime d’un «assaut de colons» israéliens qui auraient tenté, pour se venger de l’attaque du Hamas contre Israël, «de le brûler vif près de la ville» palestinienne de Hébron. Celle-ci, située en Cisjordanie, est partiellement occupée par plusieurs centaines de colons israéliens.

«Engin explosif laissé par l’armée israélienne»

A l’exception de la rapide mention de la ville d’origine du garçon, aucun contexte n’est donné pour cette vidéo : ni date ni lieu, et encore moins de détails sur les circonstances précises ayant conduit à de telles blessures.

Les premières occurrences de la vidéo que CheckNews a pu consulter remontent au 9 octobre en milieu d’après midi. Rapidement, celle-ci est reprise par des comptes influents, des journalistes et des médias arabophones (dont certains comptent plusieurs millions d’abonnés), qui indiquent tous qu’il s’agit d’un «enfant palestinien brûlé par des colons». Ces images totalisent des millions de vues et des dizaines de milliers de partages.

Selon nos informations, la scène ne s’est pourtant pas déroulée dans la région de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, mais dans celle de Naplouse, dans la vallée du Jourdain, plus au nord. Surtout, le jeune garçon aurait en fait été blessé lors de la détonation d’un engin explosif dans la commune de Tubas, au nord de Naplouse, avant d’être emmené dans un hôpital de la ville.

Une source locale confirme ainsi à CheckNews que la vidéo correspond ainsi aux faits décrits dans une dépêche de l’agence palestinienne Wafa. Selon cet article, le mineur de 13 ans aurait été blessé par l’explosion alors qu’il faisait paître les moutons de sa famille. En cause : «Un engin explosif laissé par l’armée israélienne», selon un responsable local, cité par Wafa. Ce que CheckNews n’est en mesure ni d’infirmer ni de confirmer. L’agence précise que Tsahal mène régulièrement «des entraînements en Cisjordanie».

«Entraînements incessants»

On retrouve en effet la trace de plusieurs exercices militaires menés par l’armée israélienne, en 2021 par exemple, et il existe des précédents d’enfants blessés par du matériel laissé par des soldats. Et pour cause : la «zone autour du village de Tubas» est officiellement une «zone d’entraînement militaire» de l’armée israélienne depuis 1977, selon le Comité international de la Croix-Rouge. Il est également documenté que de nombreux engins explosifs sont présents en Cisjordanie, du fait de l’armée jordanienne entre 1948 et 1967, et de l’armée israélienne depuis la guerre de 1967, selon un rapport américain.

En 2017, un jeune de 17 ans est mort dans des circonstances qui ressemblent à celles qui ont conduit à la blessure du garçon originaire de Hébron : alors qu’il faisait paître un troupeau de moutons dans un village proche de Tubas, il a été victime d’un engin explosif, comme l’avaient alors rapporté plusieurs médias palestiniens ainsi que l’ONG israélienne de défense des droits de l’homme dans les territoires occupés B’Tselem. Celle-ci notait que les résidents de la région souffrent des «entraînements incessants» de l’armée israélienne, les mettant directement en danger. Pour les besoins de ces exercices militaires, les populations locales subissent également des «évictions» de leurs maisons, ce qui est «contraire au droit international», rapporte l’ONG israélienne.