«Je vous fais un petit message : Rima Hassan, arrête avec moi. Panot, arrête avec moi […] je vais vous faire décoller (sic) l’avion devant vous», peut-on entendre dans une vidéo massivement diffusée sur les réseaux sociaux. Marqueur noir à la main, tout en sifflotant la Marseillaise, l’homme qui les menace inscrit leurs noms, ainsi que ceux d’autres députés ayant ouvertement montré leur soutien au peuple gazaoui – Louis Boyard, Danièle Obono ou encore Aymeric Caron – sur un missile israélien. Positionné ensuite à proximité de la piste, il filme les avions de chasse peu avant leur décollage, avec ces commentaires : «Panot, regarde ta bombe elle est là […], Rima Hassan dans ta gueule ça va partir direct.»
La honte a un nom : Tsahal. pic.twitter.com/8DBF9x22PH
— Rima Hassan (@RimaHas) May 16, 2024
Autoproclamé «Capitaine Looping», cet homme, Benjamin S., plombier franco-israélien, a d’abord été identifié par la Fédération internationale pour les droits humains ou certains médias tels que Middle East Monitor, comme un soldat de Tsahal. Plusieurs des contenus qu’il partageait depuis quelques mois – notamment sur son compte TikTok baptisé «Agence tous risques» et désormais supprimé – laissaient en effet penser qu’il faisait partie de l’armée israélienne. Comme cette vidéo datant du mois de janvier, où il apparaît aux manettes d’un tank, l’uniforme décoré d’écussons. «On va vous emmener à Gaza, s’époumone-t-il au micro de son casque militaire. Ça va chier, on va les massacrer.»
«Tout le monde connaît Benjamin, tout le monde veut Benjamin»
Sollicité par BFMTV, le porte-parole francophone de Tsahal, Olivier Rafowicz, a assuré, le 17 mai, que l’homme était en réalité un civil. D’après nos recherches, il se présente effectivement comme un volontaire franco-israélien ayant pour mission d’«aider» les soldats. Dans un reportage publié par le média israélien A + en novembre, il confirme ce statut : «Je suis un civil, je vais aider dans toutes les bases.» On voit ensuite le quadragénaire distribuer un gilet pare-balles, des gants tactiques et des tephillin (objets de culte propres au judaïsme) à un soldat israélien, qui le flatte face à la caméra : «Tout le monde connaît Benjamin, et tout le monde veut Benjamin.» Deux mois plus tard, en janvier, il reçoit un «certificat d’honneur» de la part d’un soldat. «Tu apportes un soutien aux combattants et tu les fournis en nourriture et en équipements», le félicite celui-ci.
Volontaire «indépendant»
Benjamin S. a fait plusieurs apparitions dans le média A +. En plus du court reportage sur son activité, on le voit témoigner dans une émission de radio le 3 décembre, au cours de laquelle un nouveau soldat raconte l’importance de son rôle et le «remercie de tout [son] cœur». Ce même soldat participera, en compagnie de Benjamin S., à un programme intitulé Bienvenue à bord sur la chaîne A +, diffusé le 2 janvier sur YouTube. Dans cette émission animée par Stéphane Calvo – qui a notamment accueilli des personnalités comme Gérard Darmon, Bernard-Henri Lévy ou encore Philippe Lellouche –, Benjamin est présenté comme un civil qui «organise des barbecues» pour les troupes.
Comme lui, de nombreux Franco-Israéliens ont afflué vers l’Etat hébreu au lendemain du 7 octobre. Ils opèrent des missions de logistique dans «des programmes externes en coopération avec Tsahal […] comme le programme Sar-El par exemple», explique le bureau de presse de Tsahal à CheckNews.
Concernant la vidéo du 14 mai, une source au sein de Tsahal explique que l’homme se serait porté volontaire pour organiser un barbecue dans une base militaire, à l’occasion de l’anniversaire de la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël. C’est à ce moment qu’il aurait inscrit les noms des députés sur le missile. Cette même source confirme qu’il serait venu en tant que volontaire indépendant et non lié à une organisation (ou un programme). «Il s’est fait un réseau de chefs militaires formidable», soulignait Stéphane Calvo dans son émission.
Des circonstances encore floues
Selon BFM TV, Olivier Rafowicz aurait affirmé que «la venue sur la base, ainsi que la prise de photos et de vidéos se serait faite sans «permission aucune»». Et «ce qu’il s’est passé est un incident grave qui n’aurait pas dû avoir lieu», affirme le bureau de presse de Tsahal.
Si une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances de cet incident, Tsahal ne nous a pas répondu quant à la présence de Benjamin S. sur une autre base en avril, où il avait également marqué un missile, cette fois-ci du nom de Jean-Luc Mélenchon.
L’association pro-palestinienne «Mouvement du 30 mars» a annoncé sur X avoir entamé une procédure judiciaire en France contre Benjamin S. Selon l’avocate pénaliste Laura Rousseau, son action peut être considérée d’une «intimidation violente», notamment pour «obtenir de la personne visée qu’elle s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction ou de son mandat». Un délit puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.