Alors que les différentes dates de son spectacle sur Barbara sont régulièrement perturbées par l’action de militantes féministes, Gérard Depardieu a riposté dans une lettre ouverte, intitulée «Je veux enfin vous dire ma vérité». Publiée le 1er octobre dans le Figaro, elle permet notamment à l’acteur d’affirmer : «Jamais au grand jamais je n’ai abusé d’une femme. Faire du mal à une femme, ce serait comme donner des coups de pied dans le ventre de ma mère.» Il poursuit : «Je ne suis ni un violeur, ni un prédateur.»
Or, du strict point de vue judiciaire, la déclaration semble a minima prématurée. Si à ce stade de la procédure, Gérard Depardieu est toujours présumé innocent, il n’en demeure pas moins qu’une instruction est en cours suite à une plainte avec constitution de partie civile. Depuis décembre 2020, Gérard Depardieu est mis en examen pour des faits de «viols» et d’«agressions sexuelles» sur la jeune comédienne Charlotte Arnould. Cette dernière, dénonçant plusieurs actes qui se seraient déroulés au domicile de l’acteur, avait déposé plainte une première fois en 2018. Laquelle avait d’abord été classée sans suite pour «infraction insuffisamment caractérisée». En 2021, alors que l’acteur avait demandé la nullité de sa mise en examen, le parquet de Paris avait persisté. Et d’annoncer : «La chambre de l’instruction considère ainsi qu’il existe, à ce stade, des indices graves ou concordants qui justifient que Gérard Depardieu demeure mis en examen.»
Billet
Auprès de France Info, ce 2 octobre, Carine Durrieu-Diebolt, l’avocate de Charlotte Arnould s’est dite «choquée et scandalisée, parce que monsieur Depardieu dit exposer sa vérité, mais ce n’est certainement pas la vérité de Charlotte et ce ne sera certainement pas celle qui sera retenue par la justice».
De nouveaux témoignages en 2023
Au-delà de cette plainte, de nombreux témoignages mettant en cause le comportement de Gérard Depardieu ont été publiés dans la presse – face auxquels les avocats de l’acteur réfutent «toute accusation susceptible de relever de la loi pénale». En avril 2023, une enquête de Mediapart relaie la parole de treize femmes dénonçant des violences sexuelles de la part de l’acteur. L’un de ces témoignages, celui d’une actrice étrangère, a été transmis à la justice française en mars 2023, selon Mediapart. La jeune femme dénonce des faits d’agression sexuelle remontant à 2014, sur le tournage du film Big House, qui se tenait alors à New York. Plusieurs témoins corroborent l’état de détresse dans lequel elle s’est alors retrouvée. Sollicité sur ce point par CheckNews, le parquet de Paris n’a pas indiqué si des suites avaient d’ores et déjà été données à la transmission de ces informations.
En juillet 2023, deux nouveaux témoignages ont été rendus publics, cette fois au micro de France Inter. Celui d’abord d’une troisième assistante mise en scène, âgée de 27 ans à l’époque des faits. Sur un tournage, en 2015, elle demeure seule dans une pièce avec l’acteur. Elle affirme : «Il a baissé son pantalon et m’a montré son sexe. Donc là, j’ai vraiment paniqué. J’ai quitté la pièce comme j’ai pu, mais il m’a rattrapée dans le couloir et bloquée contre le mur. Son ventre bloquait tout, donc il n’a rien pu faire, mais dès que j’ai pu avoir un peu de répit, j’ai couru et je me suis enfermée dans une autre pièce.»
Et puis quelques jours plus tard arrive le témoignage d’une technicienne. Elle aussi raconte une scène qui se serait déroulée en plein tournage, devant témoins : «J’ai tourné le dos à Gérard Depardieu pour dire à l’assistante mise en scène que j’étais prête. J’ai senti sa grande main, sa grosse main dans mon entrejambe, me choper l’entrejambe avec volonté, en laissant échapper un gros rire graveleux. J’étais liquéfiée, pétrifiée. C’est ce moment-là qu’il a choisi pour m’humilier.» Ce qui porte à seize le nombre des accusatrices ayant, pour l’instant, pris la parole contre Gérard Depardieu.
Preuves vidéos de gestes déplacés
En outre, d’autres éléments viennent mettre à mal les récentes déclarations de Gérard Depardieu. Plusieurs documents vidéos publics, encore accessibles aujourd’hui, sont l’illustration de gestes pour le moins déplacés. Une vidéo montre ainsi l’acteur, au cours d’une interview sur une chaîne argentine, embrasser à de nombreuses reprises les épaules et le cou de la journaliste et mannequin Dolores Barreiro.
Comme #ppda, Depardieu dénonce le tribunal médiatique, une femme vengeresse qui ment. la victime, c´est lui. Sur son respect du consentement, comptez combien de fois l’argentine Dolorès Barreiro lui dit non. https://t.co/0UbmULXVCT
— Devynck Hélène (@DevynckH) October 1, 2023
Celle-ci, interrogée bien des années plus tard, en 2019, ne souhaite pas polémiquer. Elle indique ne pas forcément vouloir revenir sur cette scène, vieille de vingt ans, sur laquelle des journalistes français l’ont questionnée. Mediapart a également retrouvé un extrait du making-of du film Les Fugitifs (1986), où l’on voit l’acteur embrasser une maquilleuse venue lui faire un raccord. Visiblement surprise, celle-ci s’exclame «Oh mon Dieu !»