Avec les nouvelles libérations d’otages intervenues dans la soirée de mardi 28 novembre, le nombre d’otages relâchés depuis vendredi 24 novembre atteint désormais 81, dont 60 Israéliens et binationaux libérés dans le cadre d’un accord entre Israël et le Hamas, ainsi que 21 ressortissants étrangers, en grande majorité thaïlandais. Selon notre décompte, 160 personnes seraient toujours otages, dont 13 ressortissants thaïlandais (selon les chiffres du ministère des Affaires étrangères de ce pays). Sur les 154 otages dont les noms sont connus, on dénombre 5 mineurs et 31 femmes adultes. Israël a fait de la libération des femmes et des enfants sa priorité.
Selon les modalités prévues lors de l’accord entre le Hamas et Israël, la trêve entamée vendredi 24 novembre a été prolongée, en échange de libérations additionnelles. Mais la poursuite des opérations pourrait désormais être compliquée par le fait que certains otages, incluant des femmes et des enfants, sont détenus par d’autres groupes que le Hamas. Ainsi, selon les autorités qataries, qui coordonnent les négociations entre les deux belligérants, le Hamas va devoir localiser un certain nombre d’otages dans l’enclave palestinienne. «S’ils [le Hamas] trouvent d’autres femmes et enfants, la trêve sera prolongée», a ainsi expliqué le Premier ministre qatari, le cheikh Mohammed ben Abderrahmane al-Thani, lors d’une interview accordée au Financial Times, dimanche. «Nous n’avons pas encore d’informations claires sur le nombre d’otages qu’ils peuvent retrouver, car l’un des objectifs [de la trêve] est qu’ils [le Hamas] aient le temps de rechercher le reste des personnes disparues», a-t-il complété.
Coordination du Jihad islamique palestinien et du Hamas
Selon le cheikh, outre les otages déjà libérés, plus de 40 autres femmes et enfants étaient encore retenus en captivité dans la bande de Gaza, dimanche, par d’autres groupes que le Hamas. Un nombre qui a pu baisser depuis. Dimanche toujours, un haut fonctionnaire américain avait évoqué le sujet : «Nous sommes avertis du fait que le Hamas n’est pas le seul à détenir des otages. Le Jihad islamique palestinien, un autre groupe terroriste qui a participé au massacre brutal du 7 octobre, détient des otages. Et d’autres groupes qui ne sont pas directement affiliés mais qui ont des liens étroits avec le Hamas et le Jihad islamique palestinien détiennent également des otages», a expliqué le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan lors d’une émission de la chaîne NBC. Ajoutant : «Une partie de l’effort consiste à s’assurer que tous ces groupes soient, d’une manière ou d’une autre, liés à un accord grâce auquel tous les derniers otages encore en vie à Gaza seront relâchés et retrouveront leurs familles.»
Le Premier ministre qatari a néanmoins assuré que le Jihad islamique palestinien, qui parmi ces autres groupes est celui retenant le plus d’otages, se coordonnait avec le Hamas pour la libération des captifs israéliens. Les combattants du Jihad islamique étaient d’ailleurs mis en avant, aux côtés de ceux du Hamas, sur les images de la remise des otages mardi, manière de souligner qu’une partie des captifs étaient sous leur contrôle.
Il est avéré qu’au moins deux des otages libérés ces derniers jours ont été, au moins un temps, aux mains du Jihad islamique. Le 9 novembre, les brigades Al-Qods, l’aile armée de l’organisation islamiste, avaient diffusé une vidéo montrant deux otages, Hanna Katzir, 77 ans, et Yagil Yaakov, 13 ans. Tous deux figuraient parmi les quelque 70 personnes enlevées au kibboutz Nir Oz. Les brigades se disaient alors prêtes à libérer, «pour des raisons humanitaires», la septuagénaire et l’adolescent. Alors que le Jihad islamique avait entre-temps donné Hanna Katzir pour morte – «nous avons exprimé notre volonté de la libérer pour des raisons humanitaires, mais les atermoiements d’Israël ont mené à son décès», annonçait un communiqué de l’organisation le 22 novembre –, la vieille dame a finalement fait partie de la première vague de libération d’otages. Souffrant d’une allergie potentiellement mortelle, Yagil Yaakov était, avec son frère Or, 16 ans, intégré au quatrième groupe d’otages libérés lundi 27 novembre. Le Jihad islamique a aussi affirmé, dans une récente déclaration, son intention de ne pas libérer de soldats israéliens tant que la totalité des prisonniers du mouvement en Israël ne seront pas libérés, suggérant donc en avoir en captivité.
Question de la détention d’enfants
Dès le lendemain de l’attaque du 7 octobre, le chef du Jihad islamique, Ziyad al-Nakhalah, avait déclaré que son organisation détenait une trentaine de ces otages. «Le Jihad islamique a fait plus de 30 prisonniers ennemis jusqu’à présent», écrivait-il dans sa déclaration. Lors d’une visite à Moscou fin octobre, un responsable du Hamas avait affirmé que d’autres factions avaient également pris des civils en otage le 7 octobre. En plus des 30 prisonniers du Jihad islamique, une vingtaine d’otages pourraient avoir été capturés par des groupes militants et des civils, au cours de l’opération baptisée «déluge d’Al-Aqsa». Dès le 16 octobre, le Hamas avait en effet chiffré le nombre d’otages à environ 250, dont quelque 200 entre ses mains. En particulier, après que l’armée israélienne a secouru sa soldate Ori Megidish le 30 octobre, le Hamas avait avancé qu’elle aurait plutôt été détenue par des civils ou un groupe autonome à Gaza.
Plus récemment, l’armée israélienne donnait des chiffres tournant plutôt autour des 240 otages. Et le 13 novembre, un haut responsable israélien confiait au Washington Post, sous couvert d’anonymat, que si le Hamas détenait la «grande majorité» d’entre eux, le Jihad islamique retenait pour sa part environ 35 otages et d’autres groupes quelques dizaines d’autres. Le 22 novembre, The Times of Israel tablait encore sur d’autres estimations : «Le Hamas a déclaré détenir 210 des quelque 240 otages enlevés le mois dernier ; une quarantaine d’enfants sont retenus en otage, qui ne sont pas tous détenus par le Hamas. Le groupe terroriste palestinien du Jihad islamique détiendrait une grande partie des otages restants.»
Cette question de la détention des enfants s’est posée ces derniers jours avec le cas de Kfir Bibas, âgé de seulement 10 mois, ce qui en faisait, depuis le début, le plus jeune des quelque 250 otages détenus. Dans la journée de lundi, plusieurs sources israéliennes ont fait savoir que le nom du bébé n’était pas dans la liste des otages dont la libération était prévue pour mardi. En fin d’après-midi lundi, le porte-parole en langue arabe des forces de défense israéliennes, Avichay Adraee, a donné l’explication à Sky News Arabia : les quatre membres de la la famille Bibas – le père Yarden, la mère Shiri, le bébé Kfir âgé de 10 mois et son frère Ariel âgé de 4 ans – auraient été transférés par le Hamas à une autre faction et sont détenus à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza.
«Impossible de savoir»
Une déclaration qu’Adraee a ensuite réitérée dans un tweet. Plusieurs articles de presse ont affirmé, plus ou moins fermement, que le groupe évoqué était le FPLP, le Front populaire de libération de la Palestine, un mouvement marxiste-léniniste. Si l’information a été largement reprise dans la presse internationale, mais aussi par des sources diplomatiques, elle demeure pourtant fragile. Ainsi, un article de Ynet a d’abord évoqué cette hypothèse au conditionnel, avant un second article très affirmatif, carrément titré «les membres de la famille Bibas sont détenus par le Front populaire à Khan Younis». Contactée par CheckNews, Einav Halab, la journaliste de Ynet à l’origine de ces articles indique pourtant : «Il est impossible de savoir de quelle faction il s’agit.»
D’après la journaliste de Ynet, Avichay Adraee n’a en effet jamais mentionné nommément le FPLP lors de son interview, mais a révélé que la famille n’était aux mains ni du Hamas ni du Jihad islamique. Ce qui suggère que le FPLP aurait donc été évoqué par Ynet par simple déduction.
Sur les réseaux sociaux, la première occurrence relayant l’éventualité que les Bibas soient aux mains du FPLP émane de l’analyste en sécurité et géopolitique Michael Horowitz. Joint par CheckNews, il confirme que son tweet se référait à la piste évoquée par Ynet. Mais Horowitz rapporte que, plus tôt, il a «entendu dire qu’ils étaient détenus soit par le Front populaire de libération de la Palestine, soit par les Comités de résistance populaire [CRP, une faction palestinienne plus petite, ndlr]».
Contactée lundi, l’ambassade israélienne à Paris ne nous avait donné aucune information sur le nombre d’otages encore détenus par les différents groupes, estimant que «l’organisation terroriste du Hamas est responsable et doit être tenue responsable de l’ensemble des otages».