Question posée sur Twitter le 6 septembre,
En juin dernier, il n’avait pas les moyens de se lancer dans la course à la présidentielle. Arnaud Montebourg, ex-ministre du quinquennat Hollande reconverti en entrepreneur dans le bio et le «made in France», confiait au Parisien, avant l’été : «En l’état actuel, je ne suis pas candidat, car je n’ai pas les ressources personnelles et financières pour l’être.» Trois mois plus tard, le vent aurait tourné. Armé d’un slogan remarqué – #LaRemontada – l’ancien candidat malheureux aux primaires du PS, en 2011 puis en 2016, a finalement déclaré sa candidature le 4 septembre depuis Clamecy (Nièvre), sa ville natale. Un revirement qui n’est pas sans soulever une question, posée à CheckNews : avec quels moyens Arnaud Montebourg entend-il financer cette campagne naissante ?
Auprès des journalistes, le candidat se veut rassurant, indiquant que le financement n’est plus un problème. Sur son site de campagne, la remontada.fr, un appel aux dons a été lancé. Aux manettes, Frédéric Massot, président de l’association de financement et responsable financier de la campagne, se réjouit de voir «plus de dons chaque jour», refusant toutefois de préciser à CheckNews l’identité des donneurs ou même le montant recueilli jusqu’ici.
Réseau de chefs d’entreprise
Associé d’Arnaud Montebourg dans son entreprise de culture d’amandiers (la Compagnie des amandes) François Moulias, qui le soutient à titre personnel mais ne fait pas partie de l’équipe de campagne, estime aussi que l’argent n’est pas un problème prioritaire. «S’il crée une dynamique, les financements arriveront», croit-il. Selon l’homme d’affaires, par ailleurs ex-président du directoire de Libération, le candidat de la «Remontada» peut compter sur un réseau de chefs d’entreprise prêts à le soutenir, souvent des personnes rencontrées au cours des cinq dernières années passées dans les cercles économiques. «Ces chefs d’entreprise reconnaissent et apprécient qu’Arnaud soit dans le concret. Pour moi, le fait qu’il ait une expérience du monde de l’entreprise est une énorme différence par rapport aux autres politiques qui ne font qu’en parler», explique François Moulias, qui fera un don à la campagne de son «ami».
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Depuis 2015, l’ex-ministre du Redressement productif a multiplié les investissements dans des entreprises et des start-up, ce qui lui a permis de garnir son carnet d’adresses. Parmi ses différents associés, on trouve le boulanger Eric Kayser, le patron de fonds Stanislas Bernard, le «business angel» et ex-cadre bancaire Preetam Ramdul ou encore Hervé Vinciguerra, un homme ayant fait fortune dans les logiciels de sécurité, qui a financé l’association de lutte contre la corruption Anticor et le média Blast de Denis Robert. Une implication financière sous forme de dons qui a suscité une polémique (et une enquête de Mediapart) en mars dernier, Hervé Vinciguerra possédant une société au Luxembourg tout en étant résident fiscal en France. Il assure, de son côté, que tout est en règle.
Projet avorté
Le même Hervé Vinciguerra, bon copain de Montebourg, a un temps nourri le projet de lui «apporter un soutien financier dans le cadre d’une possible candidature à l’élection présidentielle» comme l’a confirmé l’ancien ministre à Mediapart. Les discussions, toutefois, n’ont pas abouti au moindre centime et l’homme d’affaires ne figure plus aujourd’hui dans la boucle. «Aucun accord n’avait abouti, et en raison de sérieuses divergences de vues […] Nos divergences de vues étaient politiques, avec des désaccords sur le fond. Ne souhaitant pas discuter de mes orientations politiques avec un prêteur, pas plus que je ne l’aurais admis d’une banque, j’ai mis fin à ce projet avec l’accord de l’intéressé», a précisé Arnaud Montebourg à nos confrères. Une marche arrière que confirme à CheckNews un proche de l’homme d’affaires : «Depuis qu’il y a eu une campagne contre lui par certains médias, Hervé se tient désormais à l’écart du financement politique.»
Le montage financier de ce projet avorté semblait par ailleurs encore un peu fragile. En France, les personnes physiques ne sont pas autorisées à accorder des prêts à des candidats dans le cadre d’une campagne pour une élection présidentielle. Elles peuvent toutefois accorder des prêts à des partis politiques sous certaines conditions. Si Montebourg, dans Mediapart, évoquait la piste d’un prêt de la part de Vinciguerra, il ne précisait pas exactement à qui, de lui-même ou du parti, il aurait pu être accordé. Sollicité, Arnaud Montebourg n’a pas souhaité donner suite personnellement. Quant aux dons effectués dans le cadre d’une campagne électorale, ils sont eux aussi strictement encadrés par la loi. Seule une personne physique peut consentir à donner de l’argent dans la limite de 4 600 euros pour une même élection, tous candidats confondus. Elle peut en parallèle effectuer des dons à un parti politique ou plusieurs partis politiques jusqu’à 7 500 euros maximum par an au total.
Prêt de huit millions
L’option privilégiée par l’équipe de campagne est celle de contracter un prêt «miroir» de 8 millions d’euros auprès d’établissements bancaires. «Le parti l’Engagement contractera un prêt et mettra l’argent à disposition de l’association via peut-être un autre prêt», détaille Frédéric Massot. Pour l’instant, les discussions sont encore en cours, d’après le responsable financier. Quelles garanties les établissements bancaires vont-ils demander ? «Les banques s’appuient beaucoup sur les sondages. Si on fait plus de 5% elles sont sûres d’être remboursées», explique-t-il, avant de concéder : «Il ne faut pas se mentir… c’est un sujet.» En effet, Arnaud Montebourg est crédité entre 2 et 5% des intentions de vote, selon les sondages.
Concrètement donc, le financement de la campagne n’est pas encore assuré au-delà de l’avance versée par l’Etat au moment de la publication de la liste officielle des candidats (ce qui implique d’avoir obtenu les 500 parrainages d’élus). D’autant que, selon Frédéric Massot, le candidat ne puisera pas dans ses fonds personnels pour combler les trous. «Le candidat ne finance pas la campagne. Il prend son risque en se lançant dans la campagne de ne pas avoir le temps de gérer l’entreprise. C’est tout […] On adaptera la campagne aux ressources qu’on aura», indique-t-il.
Concernant l’aspect logistique de la campagne, il reste lui aussi à définir. Arnaud Montebourg dispose bien de bureaux avenue de l’Opéra, mais ceux-ci hébergent uniquement certaines de ses activités d’entrepreneur. Le parti l’Engagement et son association de financement sont domiciliées chez le responsable financier de la campagne, d’après les statuts que CheckNews a pu consulter. Très concrètement, les locaux du candidat Montebourg n’existent pas encore. D’ailleurs, nous explique-t-on, Covid oblige, l’équipe n’a pas encore pu se réunir physiquement au complet une seule fois.
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