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Comment sont calculées les amendes de la SNCF… et pourquoi leur montant a augmenté en dix ans ?

Après un premier durcissement acté en 2015, l’entreprise ferroviaire a modifié en 2019 le mode de calcul des amendes. Une nouvelle grille qui a tiré à la hausse les sommes demandées aux contrevenants.
Un voyage en TGV sans billet valide peut aujourd’hui coûter jusqu’à 380 euros au contrevenant. (Thibaut Durand /Hans Lucas / AFP)
publié le 19 avril 2024 à 17h40

Un voyage en TGV sans billet valide peut aujourd’hui coûter jusqu’à 380 euros au contrevenant. Certes, il s’agit du pire des cas de figure (une amende majorée sur un long trajet en première classe, payée après rédaction d’un procès-verbal). Mais le montant des amendes distribuées par les contrôleurs SNCF participe aujourd’hui largement à la colère des usagers, qui dénoncent sur les réseaux sociaux un «matraquage» de l’entreprise de transport ferroviaire. Un regard rétrospectif sur les dix dernières années démontre une réelle inflation qui découle de révisions successives, notamment dans la méthode de calcul, pas toujours très lisible pour les voyageurs.

Avant 2015, un usager qui voyageait sans titre de transport valide sur un trajet inférieur à 100 km devait simplement s’acquitter d’une amende de 35 euros. Un montant correspondant à ce qu’on appelle l’«indemnité forfaitaire», censée sanctionner l’infraction elle-même (titre non valable, tarif non valable, fraude…). Pour les trajets de plus de 100 km, le montant descendait à 25 euros… mais s’y ajoutait le prix du billet (la SNCF parle de «somme due au titre du transport»). Le montant s’appréciait en fonction de la grille tarifaire spécifiquement applicable au voyage concerné, avec des prix correspondant donc à ceux pratiqués lors des achats au guichet. En cas de situation de fraude manifeste (falsification d’un titre de transport, utilisation du titre par une tierce personne…), le passager était tenu de régler l’indemnité maximale de 135 euros, en plus du prix du billet.

On en restait là lorsque le voyageur en infraction acceptait de payer directement – on parle d’«encaissement». En cas de refus du voyageur de payer immédiatement, le contrôleur devait dresser un procès-verbal et «des frais de constitution du dossier» complétaient alors le montant de l’amende. Ces frais étaient de 50 euros (et n’ont pas bougé depuis). A l’expiration d’un certain délai (deux mois à l’époque), le PV était transmis au Trésor public, obligeant le contrevenant à s’acquitter d’une contravention forfaitaire d’un montant de 375 euros. A noter que les voyageurs sans billet qui se présentaient spontanément au contrôleur devaient payer, en plus de leur billet, un supplément de 4 euros pour les distances inférieures à 100 km, et 10 euros pour les parcours supérieurs à 100 km.

En 2015, la SNCF lance un plan antifraude

Des modifications surviennent en 2015, dans le cadre d’un plan lancé par la SNCF pour renforcer sa politique de lutte antifraude. Ce plan se traduit dans la loi Savary de 2016, et l’entreprise commence à alourdir les amendes.

Le voyageur non muni d’un billet valide doit désormais débourser une amende de 50 euros pour les trajets de moins de 150 km (le montant de 35 euros pour les trajets inférieurs à 100 km disparaît). Pour les voyages de plus de 150 km, l’indemnité de 50 euros se double du prix du billet.

Si l’usager ne paye pas tout de suite, un procès-verbal est dressé, et des frais de dossiers de 50 euros s’ajoutent dans tous les cas. Les voyageurs sans billet qui se présentent spontanément au contrôleur doivent désormais payer, en plus du prix du billet, un supplément de 7 euros pour les distances inférieures à 150 km (au lieu de 4 euros) et 15 euros pour les parcours supérieurs à 150 km (au lieu de 10 euros). En cas de fraude avérée, le passager est tenu de régler une amende maximale réévaluée à 150 euros (contre 135 euros auparavant) d’indemnité forfaitaire, toujours en plus du prix du billet.

Changement du mode de calcul en 2019

En 2019, la SNCF opte pour un nouveau mode de calcul des amendes. Fini le montant fixe de 50 euros. Le montant de l’amende varie selon la distance du voyage («jusqu’à 100 km», «de 101 km à 200 km», «de 201 km à 300 km», et ainsi de suite jusqu’à «plus de 800 km»).

Le montant de l’amende varie d’une tranche à l’autre : de 70 euros à 80 euros en seconde classe, et de 80 euros à 100 euros en première classe. A noter que, de manière un peu contre-intuitive, le montant des amendes n’est pas forcément plus élevé selon la distance du voyage (ainsi, le contrevenant doit payer 80 euros pour la tranche 101 km à 200 km, mais 70 euros pour les trois tranches les plus hautes). Dans les cas de fraude avérée, l’indemnité forfaitaire majorée à 150 euros prime toujours.

Le principal changement se trouve ailleurs. En plus de l’amende, le voyageur doit évidemment toujours payer le prix du trajet (sauf pour les voyages de 100 km ou moins). Mais plutôt que de se référer au prix du billet achetable au guichet comme c’était jusque-là le cas, SNCF Voyageurs applique désormais des tarifs prédéfinis dans sa grille, selon la distance du voyage. Le montant correspond au «prix maximum pour le voyage arrondi aux 10 euros supérieurs», explique SNCF Voyageurs à CheckNews. Il varie également en fonction de la classe où se trouve le voyageur. «Les barèmes de régularisation sont fixés de manière à être plus élevés que les prix de vente, dans un principe évident d’équité vis-à-vis des clients qui ont acheté leur billet à l’avance.»

Pour un voyage de 101 km à 200 km en TGV, le montant atteint 20 euros en seconde classe, et 30 euros en première classe. Pour un voyage de plus de 800 km en TGV, le montant atteint 130 euros en seconde classe, et 180 euros en première classe. En y ajoutant l’indemnité forfaitaire, le montant de la régularisation s’établissait, pour un trajet de plus de 800 km en TGV, à 200 euros en seconde classe, 260 euros en première.

Et, dans le cas d’une amende majorée pour cause de fraude avérée, l’indemnité de 150 euros s’ajoute toujours au prix du trajet. Le prix maximum à payer pour le contrevenant est donc de 280 euros pour un voyage en seconde classe (130 euros plus 150 euros), et de 330 euros en première (180 euros plus 150 euros). Si on y ajoute les frais de dossier inhérents à un PV, ce montant est même porté à respectivement 330 euros et 380 euros.

Les frais de dossier pour les procès-verbaux restent à 50 euros, de même que l’amende forfaitaire majorée à 375 euros (quand dépassement du délai de paiement). En revanche, les voyageurs disposent désormais de trois mois (au lieu de deux) pour régler leurs PV.

Pour les voyageurs signalant eux-mêmes leur irrégularité auprès du contrôleur, lors de l’accès au train ou dans les minutes qui suivent le départ, la SNCF supprime le dispositif existant (prix du billet + majoration) et le remplace par un nouveau barème, allant (en seconde classe) de 30 euros pour un trajet entre 0 et 100 km à 160 euros pour les trajets de plus de 800 km, et de 40 euros à 220 euros en première classe.

Hausse des barèmes en 2023

En 2023, uniquement pour les trajets de la tranche «plus de 800 km», l’indemnité forfaitaire a augmenté de 10 euros. Depuis, le total à payer pour le contrevenant a donc été rehaussé, sur les trajets les plus longs, à 210 euros en seconde classe et 270 euros en première (au lieu de 200 et 260 auparavant).

Enfin, la même année, les barèmes appliqués aux voyageurs se présentant d’eux-mêmes aux contrôleurs ont été revus à la hausse, à hauteur de 5 euros dans chacune des tranches de la grille des régularisations. Pour un voyage de plus de 800 km en seconde classe d’un TGV, le montant dû atteint 165 euros, contre 160 euros auparavant. Une hausse assumée par SNCF Voyageurs : «Le “barème bord” a été relevé en mars 2023 uniquement en proportion de l’augmentation tarifaire générale de janvier 2023, qui correspondait à la première augmentation tarifaire générale depuis de nombreuses années.»