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Guerre Hamas-Israël : pourquoi le groupe Carrefour est-il visé par des appels au boycott ?

La société Electra Consumer Products, qui détient les magasins franchisés du groupe français en Israël, a communiqué sur les distributions de denrées alimentaires qu’elle mène en soutien aux soldats israéliens, déclenchant une campagne de boycott.
L'hypermarché Carrefour de Ra'anana, au nord de Tel-Aviv, en mai 2023. (Jack Guez/AFP)
publié le 30 octobre 2023 à 13h07

Depuis que la branche israélienne de Carrefour a annoncé qu’elle fournirait des rations alimentaires aux soldats israéliens, le groupe fait l’objet d’appels massifs au boycott de ses magasins. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes accusent le groupe français de «complicité» avec Israël : par son soutien logistique, il contribuerait aux opérations menées par l’Etat hébreu dans la bande de Gaza, en représailles à l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre, et qui ont déjà tué de très nombreux civils.

Dans un tweet posté le 21 octobre, le compte de BDS France (du nom de la campagne «Boycott, désinvestissement et sanctions contre le régime d’apartheid israélien», active depuis 2005, et depuis 2009 en France) «appelle au boycott des entreprises israéliennes et internationales complices» d’Israël. Et parmi les sociétés citées, le nom de Carrefour figure en bonne position. BDS France reproche notamment au groupe d’avoir «envoyé des colis personnels aux soldats israéliens», mais aussi, en 2022, d’avoir «conclu un partenariat avec la société israélienne Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan, toutes deux impliquées dans de graves violations à l’encontre du peuple palestinien».

Un post Instagram modifié

Dans cette publication, il est donc en premier lieu fait référence à l’aide alimentaire assurée par Carrefour auprès des soldats de Tsahal. La branche israélienne du groupe a notamment communiqué à ce sujet dans un post Instagram du 10 octobre, où elle explique que «la chaîne Carrefour a fait don de milliers de livraisons personnelles aux soldats, et ce n’est qu’un début… Fiers de participer à l’effort national aux côtés des salariés de Carrefour et des bons citoyens qui se portent volontaires pour préparer les colis personnels des militaires de Tsahal». Une annonce très commentée en France, après avoir été relayée le 16 octobre dans ce tweet du compte Arab Intelligence consulté près d’un million de fois, ou dans cette vidéo TikTok vue par plus de 200 000 utilisateurs. A noter que ce message a été modifié depuis, la mention des soldats a été retirée, et il est désormais indiqué : «La chaîne Carrefour Network a fait don de milliers de livraisons personnelles aux habitants d’Israël et ce n’est que le début… Fier de prendre part à l’effort national avec les employés de Carrefour et les bons citoyens qui se portent volontaires pour préparer des colis personnels.»

Sur la page Facebook «Life at Carrefour Israel», qui n’est plus accessible désormais, des images de soldats récupérant des sacs remplis de nourriture avaient également été publiées le 11 octobre. Celles-ci restent encore visibles lorsqu’on cherche le nom de la page dans Google Images ou via les captures d’écran qui ont été partagées (par exemple ici).

Enfin, des internautes français ont diffusé une vidéo censée illustrer le fait que «Carrefour fournit des tonnes de nourritures et divers matériels à l’armée israélienne, pendant que les civils à Gaza meurent de faim au sens propre», comme l’explique ce tweet du 25 octobre, accompagné d’une vidéo montrant des dizaines de sachets Carrefour entreposés sur des étagères. Impossible de savoir précisément à qui sont adressés ces colis. Tout au plus peut-on lire en haut des feuilles collées sur les sachets : «A nos chers enfants du Sud.»

Carrefour déjà pointé du doigt en mars 2022

Quoi qu’il en soit, toutes ces publications se sont accompagnées de pics de viralité du hashtag #BoycottCarrefour, particulièrement sur les journées des 16 et 29 octobre, d’après les tendances observées par CheckNews à l’aide de l’outil Keyhole. De plus, elles ont été suivies d’autres vidéos publiées sur différentes plateformes, qui montrent des rayons de supermarchés Carrefour quasi désertés et sont censées apporter la preuve du succès de la campagne de boycott. «J’ai voulu vérifier à Carrefour, un samedi après-midi, pendant les vacances scolaires, l’affluence. […] Le magasin est vide, il n’y a personne. […] Le boycottage est vraiment en marche en France», peut-on entendre raconter une voix féminine sur l’une de ces vidéos. Des internautes estiment que c’est pour éviter de connaître le même sort que Carrefour Tunisie, qui a exprimé sur Facebook sa solidarité «avec le peuple palestinien».

Interrogé par CheckNews sur les conséquences concrètes de ces appels au boycott, le groupe Carrefour botte en touche. Pour le reste, elle nous renvoie vers la société Electra Consumer Products, qui détient les magasins franchisés Carrefour en Israël et est donc à l’origine des distributions de denrées alimentaires aux soldats. Contactée, la responsable médias de celle-ci ne nous a pas pour l’instant répondu.

Il y a un an, le partenariat de Carrefour avec cette entreprise avait valu au groupe français d’être taxé de «complice» de la colonisation en Palestine par sept ONG et syndicats à l’origine d’un rapport sur «les liaisons dangereuses du groupe Carrefour avec la colonisation israélienne». Cette accusation faisait suite à l’annonce, en mars 2022, de l’ouverture de magasins franchisés Carrefour en Israël, en partenariat avec Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan. Dans leur rapport, les ONG et syndicats soulignaient que les magasins de Yenot Bitan étaient présents dans au moins trois colonies israéliennes, qu’une branche du groupe Electra (Electra Ltd) est en charge de la construction et de l’entretien d’infrastructures coloniales et figure sur la liste des 112 entreprises participant à la colonisation établie par l’ONU en 2020.

Le groupe McDonald’s également concerné

Dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas, Carrefour n’est pas la seule multinationale à être pointée du doigt. Pour des raisons similaires, le groupe McDonald’s fait également l’objet de campagnes de boycott. En cause : des repas offerts aux forces israéliennes. «Dès le premier jour de la guerre, McDonald’s Israël a fait don de 100 000 repas à l’armée israélienne, aux forces de sécurité, aux hôpitaux et aux habitants des environs, soit une valeur de 5 millions de NIS [shekels, soit 1,17 million d’euros, ndlr]. De plus, nous offrons une réduction de 50 % dans toutes les succursales à toutes les forces de sécurité et de secours en uniforme», explique elle-même la branche israélienne de McDonald’s sur X (anciennement Twitter). McDonald’s Israël avait également mis en avant ces actions de soutien via son compte Instagram, entre-temps passé en privé en Israël et restreint d’accès depuis l’étranger.

Là encore, il faut souligner que ces initiatives émanent non pas du groupe McDonald’s, mais de la société en charge des franchises dans l’Etat hébreu, Alonyal Ltd. D’autres franchises McDonald’s basées au Moyen-Orient s’en sont désolidarisées, comme le détaille un article d’Al-Jazeera, et certaines ont même fait part de leur intention d’apporter une aide financière à la population de Gaza.