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Consultations de Macron pour Matignon : quel parti censure qui ?

Dans le cadre des consultations en vue d’une nomination d’un Premier ministre, chaque parti y va de ses conditions. Et n’hésite pas à brandir la menace d’une motion de censure.
Xavier Bertrand, Bernard Cazeneuve et Lucie Castets. (Joel Saget /AFP)
publié le 4 septembre 2024 à 16h37

Un casse-tête arithmétique. Dans le contexte d’interminables atermoiements pour installer un nouveau Premier ministre à Matignon, chaque formation politique, impose ses conditions. Et ne manque pas, à chaque hypothétique candidature, de brandir ses menaces de motion de censure.

Pour être jugée recevable, une motion de censure nécessite la signature d’un dixième des députés, soit 58. Elle doit ensuite être adoptée par majorité absolue de l’hémicycle, soit 289 voix sur 577. Au sein d’une Assemblée morcelée depuis les résultats des législatives anticipées, d’épineux calculs entourent toujours les différents noms proposés, de Lucie Castets à Bernard Cazeneuve en passant par Xavier Bertrand.

Tous, sauf le NFP, ont annoncé la censure de Lucie Castets

Proposition officielle du Nouveau Front populaire pendant l’été, le nom de Lucie Castets a finalement été balayé par le Président. Hormis le NFP, cette option a rencontré l’opposition de la plupart des groupes. A commencer par le Rassemblement national qui a assuré qu’une motion de censure serait déposée contre tout gouvernement issu du NFP. Et cette position semblait partagée au centre et à droite : au sortir de consultations avec sa majorité et Les Républicains, Emmanuel Macron a estimé que la haut fonctionnaire serait automatiquement censurée à l’Assemblée. Tous ont fait savoir qu’ils déposeraient une motion de censure contre un gouvernement comportant des ministres de La France insoumise, voire écologistes. La proposition de Jean-Luc Mélenchon d’évincer LFI d’un gouvernement emmené par Lucie Castets n’a pas rencontré davantage de succès.

Le RN annonce censurer Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve

A la rentrée, au-delà de la proposition d’un profil dit «technique» comme le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Thierry Beaudet, qui a fait long feu, deux autres hypothèses davantage politiques ont émergé : les noms de Xavier Bertrand, à droite et de Bernard Cazeneuve, plus à gauche, ont été testés auprès des partis.

Ils n’ont pas été accueillis à bras ouverts par le Rassemblement national, dont la cheffe de file Marine Le Pen a rappelé au Président qu’elle aurait recours, dans les deux cas, à une motion de censure, selon les informations de BFM TV.

De leur côté, plusieurs députés ou cadres du parti ont réaffirmé qu’une motion de censure immédiate viserait Xavier Bertrand s’il venait à être nommé.

Les Verts censurent Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve

Sollicitée par CheckNews, la cheffe du groupe des Verts à l’Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain, nous indique qu’ils censureront à la fois Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve.

LFI censure Bertrand, Cazeneuve et tout «gouvernement hors NFP»

La position de La France insoumise est très claire. Réagissant à l’hypothèse Cazeneuve, Mathilde Panot, présidente du groupe à l’Assemblée, a assuré : «Nous censurerons tout autre gouvernement qui ne serait mené par Lucie Castets, tout simplement par loyauté des électeurs et électrices du NFP.»

LR ne censure pas Xavier Bertrand… mais sous conditions

Sur BFMTV, Bruno Retailleau a indiqué que son groupe avait eu une conversation téléphonique avec le président de la République. «Les choses ont été très claires : nous ne nous opposerons pas, bien entendu, à la nomination de Xavier Bertrand.» Il indique avoir «posé au Président deux points qui nous semblent importants» : une garantie de mener une politique de droite ainsi que la vérification d’une éventuelle «censurabilité», afin que Xavier Bertrand ne se retrouve pas face à une motion de censure aussitôt nommé.

Le PS censure Xavier Bertrand et aussi «toute prolongation» du macronisme

Sur TF1, mercredi 4 septembre, Olivier Faure a fait savoir qu’une motion de censure serait lancée contre Xaver Bertrand : «Ce que j’ai compris c’est que Xavier Bertrand est un homme de droite qui veut appliquer le pacte législatif de Laurent Wauquiez, et donc il n’y a aucun doute sur le fait que nous le censurerions.»

Par ailleurs, et plus largement, un risque de motion de censure venant du PS pourrait viser, plus largement, toute figure macroniste. Une résolution du bureau national du Parti socialiste en date du 3 septembre indique : «Nous ne serons pas non plus les supplétifs d’un macronisme finissant et nous censurerons toute forme de prolongation de cette politique.» Et pose dix conditions à respecter.

Quant à l’option Cazeneuve, le PS a fait savoir qu’il écartait une proposition de non-censure d’un gouvernement mené par l’ancien Premier ministre de François hollande. Olivier Faure a même précisé qu’il s’agirait d’une «anomalie» de choisir de Cazeneuve, qui s’est positionné contre le Nouveau front populaire. Mais n’a pas annoncé une censure une censure a priori.

Le groupe de Ciotti censure Xavier Bertrand… et «s’oppose de toutes ses forces» à Cazeneuve

Le groupe de Eric Ciotti, allié au RN, a fait savoir qu’il censurerait lui aussi Xavier Bertrand. Sur Twitter, le patron du groupe UDR (Union des droites pour la République) précise : «Il a été jusqu’à appeler à voter communiste pour faire barrage à l’Union des droites, insultant au passage 11 millions d’électeurs. Impossible d’accorder notre confiance à ces années d’ambiguïtés et de trahisons.»

Face à l’hypothèse Cazeneuve, Eric Ciotti a indiqué qu’il s’y «opposait de toutes [s] es forces», sans toutefois employer le mot «censure».

Le PCF ne censure pas «a priori» et attend une déclaration de politique générale

Enfin, également sollicité par CheckNews, le groupe des communistes, emmené par André Chassaigne à l’Assemblée, indique renvoyer à plus tard sa décision de censure. Et de préciser : «Nous redemanderons, quel que soit le PM nommé, une session extraordinaire du Parlement pour que le nouveau PM fasse une déclaration de politique générale. Nous avons des lignes rouges qui détermineront notre vote ou pas de la censure. Nous pensons que le seul refus de nommer Lucie Castets ne peut pas être la seule justification pour voter la censure.»

Conclusion : en l’état des déclarations, non pour Bertrand, compliqué pour Cazeneuve

En considérant que Macron, comme il l’a exprimé, se refuse à nommer Castets, seules restent sur la table, pour l’instant, les hypothèses Bertrand et Cazeneuve.

Mathématiquement, si l’on se fie aux déclarations ci-dessus évoquées (qui peuvent évidemment changer), Xavier Bertrand semble – a priori – hors jeu : avec une promesse de censure de LFI (72 députés), du PS (66 députés), du groupe «Ecologiste et social» (38 députés), du RN (126 députés) et de ses alliés ciottistes (16 députés), le président de la région Hauts-de-France recueille contre lui 318 voix. Soit 29 voix de plus que la majorité requise (289).

Pour Cazeneuve, l’issue est un peu plus incertaine. Pour l’heure, les partis qui se sont exprimés clairement contre (LFI, RN, écolos) rassemblent 236 voix. On peut éventuellement rajouter les 16 voix des Ciottistes, dont le chef a dit sa volonté de s’y opposer «de toutes ses forces». Soit, au total, 252 voix en faveur de la censure, et donc une marge de 37 voix pour l’ancien ministre de l’Intérieur de Hollande.

Sauf que la non-censure du PS est conditionnée à un Premier ministre qui ne soit sur la ligne d’un «macronisme finissant». Difficile, par ailleurs, d’imaginer Cazeneuve reprendre à son compte les dix points listés dans le communiqué du PS (hausse du smic, abrogation de la réforme des retraites, rétablissement de l’ISF…). Car Cazeneuve perdrait alors le «soutien» de LR, et risquerait donc la censure, les 47 députés de droite permettant d’emporter la majorité. Dans un cas comme dans l’autre, Cazeneuve apparaît donc coincé, et susceptible d’être censuré, une fois son programme politique décliné.