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Dati au gouvernement : est-il auparavant arrivé qu’un ministre soit nommé alors qu’il était déjà mis en examen ?

Le gouvernement Attaldossier
Dans le gouvernement Attal, Rachida Dati devient ministre de la Culture malgré une mise en examen prononcée en juillet 2021. Si ce cas de figure reste rare, ce n’est pas une première.
Rachida Dati, à Paris le 30 novembre 2019. La nouvelle ministre de la Culture est mise en examen depuis juillet 2021 dans le cadre d’une enquête sur ses prestations de conseil auprès de l’ex-PDG de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn. (Denis Allard/Libération)
publié le 12 janvier 2024 à 17h33

C’est le coup de poker du dernier remaniement ministériel. L’ex-LR Rachida Dati, tout juste exclue de son ancien parti, prend les rênes du ministère de la Culture, où elle succède à Rima Abdul Malak. Une prise de risque au vu des diverses casseroles judiciaires que traîne l’ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy. L’une est particulièrement gênante : en juillet 2021, Rachida Dati a été mise en examen pour «corruption passive», «trafic d’influence passif» et «recel d’abus de pouvoir» dans le cadre d’une enquête sur ses prestations de conseil auprès de l’ex-PDG de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn.

Rien ne l’interdit. Il n’existe pas vraiment de règles sur les conséquences politiques des ennuis judiciaires des membres du gouvernement. La jurisprudence Bérégovoy-Balladur voudrait qu’un ministre mis en cause dans une affaire judiciaire soit contraint de quitter ses fonctions. Cette règle implicite, qui relève plutôt de la pratique, n’est pas toujours respectée. Ce qu’a illustré récemment le traitement de faveur accordé à l’actuel garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, maintenu à son poste malgré une mise en examen pour «prise illégale d’intérêts» en juillet 2021 (il a finalement été relaxé par la Cour de justice de la République dans cette affaire, en novembre).

Le cas de figure de Rachida Dati diffère légèrement : il ne s’agit pas de maintenir en poste une ministre mise en examen au cours de ses fonctions, mais de faire entrer dans un gouvernement une personne déjà lestée d’une mise en examen. La nouvelle ministre de la Culture n’est pas la première à être ainsi promue en dépit de ses casseroles.

Deux précédents emblématiques

Le cas le plus récent remonte à la présidence Sarkozy et concerne André Santini, l’éternel maire d’Issy-les-Moulineaux (fonction qu’il occupe depuis bientôt quarante-quatre ans). Nommé au gouvernement Fillon II le 19 juin 2007 comme secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique, il avait été mis en examen à peine un an plus tôt. Intervenue le 30 mai 2006, cette mise en examen portait sur des délits de «prise illégale d’intérêt», «faux et usage de faux» et «détournement de fonds publics», et s’inscrivait dans le cadre de l’enquête sur la création avortée en 2004 de la Fondation d’art contemporain Hamon. Par la suite, André Santini a quitté ses habits de ministre à l’occasion du remaniement ministériel du 23 juin 2009, sans que soit établie une relation de cause à effet. Dénouement de l’affaire, il a été condamné en janvier 2013, écopant de deux ans de prison avec sursis et 200 000 euros d’amende.

Un second exemple existe, mais dans un registre un peu différent. Renaud Donnedieu de Vabres est nommé le 7 mai 2002 ministre délégué aux Affaires européennes dans le premier gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin, en dépit de sa mise en examen en 1998 dans une affaire de financement illicite du Parti républicain – depuis fondu dans l’UMP, lui-même devenu LR – pour «blanchiment d’argent» et «infraction à la législation sur le financement des partis politiques». Mais Donnedieu de Vabres était dans l’attente d’une décision à venir de la cour de cassation sur le pourvoi qu’il avait formé en vue de faire annuler sa mise en examen. Une décision prévue pour le 12 juin, entre les deux tours des élections législatives, soit un mois après son entrée au gouvernement. Ce qui faisait écrire à Libé, fin mai, que le ministre était en sursis. De fait, le 12 juin, la cour de cassation a rejeté sa demande en annulation, à la suite de quoi Raffarin ne l’a pas reconduit lors du remaniement du 17 juin 2002. Il ne sera ainsi resté qu’une quarantaine de jours à ce ministère.

Condamné puis nommé à la Culture

Dans cette procédure, Renaud Donnedieu de Vabres a finalement été déclaré coupable de blanchiment et condamné à 15 000 euros d’amende en février 2004, mais relaxé des faits de «complicité d’infraction à la législation sur le financement des partis politiques». Avant d’être, un mois plus tard, nommé à la tête du ministère de la Culture où il restera jusqu’en mai 2007, à l’issue de la présidence de Jacques Chirac. De nouveau mis en examen en 2011 dans le cadre de l’affaire Karachi – autour de commissions occultes versées en échange de contrats d’armements, qui auraient en partie servi à financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995 –, l’ancien ministre de Raffarin et de Villepin a été jugé coupable de complicité et recel d’abus de biens sociaux, condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis et 120 000 euros d’amende.