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De quels bords politiques sont les 32 élus français qui ont rendu visite à Bachar al-Assad ?

Le collectif Syrie Factuel dénombre 32 élus français qui se sont rendus en Syrie entre 2014 et 2021. Lors de dix voyages, ces parlementaires, majoritairement issus du parti Les Républicains, ont pu rencontrer le dictateur syrien.
Bachar al-Assad et Thierry Mariani (au centre, à droite), lors d'une visite de la délégation française à Damas, en Syrie, le 27 mars 2016. (Photo/SANA. AFP)
publié le 11 décembre 2024 à 17h25

La chute du dictateur syrien Bachar al-Assad, désormais réfugié en Russie, a entraîné en France des interrogations sur la complaisance voire le soutien de certains partis ou hommes politiques français à l’égard de l’ancien tyran. Plusieurs articles de presse ont notamment souligné les positions favorables du Rassemblement national mais aussi de La France insoumise à l’égard du régime syrien, désormais chassé du pouvoir.

Pourtant, des élus des partis de centre gauche et de centre droit ont également œuvré à la normalisation du régime de Bachar al-Assad, appelant souvent à rétablir les relations diplomatiques, rompues par la France en mars 2012, et à mettre fin aux sanctions économiques qui touchaient la Syrie.

L’association Syrie Factuel, qui se présente comme un «collectif citoyen francophone contre la désinformation sur la Syrie» a effectué un travail sourcé, compilant les visites d’élus français en Syrie, les personnalités syriennes rencontrées et le cadre de ces voyages. Initialement publié en avril 2020 et mis à jour en octobre 2021, il répertorie les visites de 32 élus français dans le pays du Moyen-Orient.

Une majorité d’élus LR

Selon les informations collectées par Syrie Factuel, 32 élus ont participé à au moins un des 18 voyages de délégations françaises en Syrie depuis 2014. Il s’agit de personnalités qui ont occupé des postes de députés (20), sénateurs (4), eurodéputés (3 selon Syrie Factuel, 4 après vérification de CheckNews), conseillers régionaux ou maire. Au cours de dix de ces voyages, des élus français ont directement rencontré Bachar al-Assad.

La grande majorité est issue de LR : selon le décompte de Syrie Factuel, 21 de ces personnalités ayant voyagé en Syrie ont été membres ou affiliées au parti de droite. Il s’agit de Véronique Besse, Valérie Boyer, Sandra Böelle, Xavier Breton, Guillaume Chevrollier, Nicolas Dhuicq, Bernard Fournier, Yves Fromion, Denis Jacquat, Patrick Karam, Thierry Mariani, Yannick Moreau, Jacques Myard, Aurélie Pirillo, Jean-Frédéric Poisson, Didier Quentin, Raphaël Schellenberger, Jean-Marie Tétart, Jean-Pierre Vial, Michel Voisin et François Zocchetto. Parmi eux, quinze sont membres ou proches du groupe d’étude sur les chrétiens d’Orient de l’Assemblée nationale, et deux participaient au groupe d’amitié France-Syrie de l’Assemblée nationale. Souvent, leurs visites sont justifiées par leurs inquiétudes à l’égard des populations chrétiennes de Syrie. Lors du dernier voyage comptabilisé, fin septembre 2021, l’ancien député LR Didier Quentin appelait à «la levée des sanctions et la fin de l’embargo», indiquait la Croix.

Sept de ces personnalités politiques sont passées par ou ont été proches du Rassemblement national : Thierry Mariani, Andréa Kotarac, Nicolas Bay, Gonzague Malherbe, Virginie Joron, Hervé Juvin et Robert Ménard.

Quatre ont été membres ou proches du Parti socialiste : Gérard Bapt (membre du groupe d’étude sur les chrétiens d’Orient de l’Assemblée nationale et alors président du groupe d’amitié France-Syrie), Bernard Cazeau, Christian Hutin et Jérôme Lambert. La participation de Gérard Bapt à ces voyages lui avait valu en 2015 des remontrances de son parti, du gouvernement socialiste et du président de la République François Hollande.

Un visiteur a été affilié au Modem : il s’agit de Jean Lassalle (membre du groupe d’étude sur les chrétiens d’Orient), qui avait rencontré Bachar al-Assad en janvier 2017.

Le décompte dénombre également un politique passé par La France insoumise : Andréa Kotarac. Cet ancien conseiller régional LFI s’était rendu en compagnie de Thierry Mariani à Damas en décembre 2018, entre autres. Quelques mois plus tard, en mai 2019, il rejoint le RN. Le coordinateur de LFI, Manuel Bompard assure auprès de CheckNews que la direction du mouvement n’était pas avertie d’un tel déplacement.

«Tour-operators en Syrie»

Parmi ces visiteurs de la Syrie de Bachar al-Assad, celui qui s’y est le plus rendu est Thierry Mariani (LR devenu RN) avec un total de sept voyages, suivi par le socialiste Gérard Bapt et ses six voyages (dont deux fois quand il n’était plus député). Tous deux sont qualifiés de «tour-operators en Syrie» par Syrie Factuel, puisqu’ils ont initié plusieurs de ces visites pour les élus français. Ils sont suivis par Andréa Kotarac, l’ancien LFI devenu conseiller de Marine Le Pen, et l’ex-député LR Nicolas Dhuicq, qui cumulent chacun trois voyages. Deux autres élus, Jean-Frédéric Poisson (ancien président du Parti chrétien-démocrate, un temps proche de l’UMP mais qui a depuis soutenu Eric Zemmour) et l’ancien député LR Michel Voisin ont participé à deux voyages. Les autres noms cités dans cet article ont participé à un seul voyage en Syrie, selon les données du collectif.

Celui-ci note également la présence d’autres personnalités politiques, notamment lors d’un déplacement de mars 2016, auquel participaient Julien Rochedy (ancien directeur national du Front national de la jeunesse qui a quitté le parti lepéniste en 2014) et Pierre Gentillet, avocat coqueluche de CNews et candidat du RN aux législatives de 2024.

Le répertoire de Syrie Factuel, que CheckNews a vérifié, ne prend pas en compte une tentative des députés Cécile Duflot (EE-LV), Patrick Mennucci (PS) et Hervé Mariton (LR), qui s’étaient fait refouler à la frontière turco-syrienne en décembre 2016, alors qu’ils espéraient rejoindre la ville d’Alep, assiégée par Bachar al-Assad et l’armée russe, afin d’y exiger un cessez-le-feu. En toute logique, il ne compte pas non plus la visite, en novembre 2023, d’une délégation française mandatée par Emmanuel Macron dans le nord de la Syrie, où l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer avait rencontré des représentants de l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie. Cette visite avait été condamnée par le régime de Bachar al-Assad.