Question posée par Bachanal le 18 avril 2020
S’agissant des éoliennes, le volet «écologie» du programme de Marine Le Pen est clair sur ce point : «Nous prononcerons un moratoire sur l’éolien et le solaire ; pour l’éolien, nous lancerons le démantèlement progressif des sites en commençant par ceux qui arrivent en fin de vie. Toutes les subventions dédiées à promouvoir ces procédés seront suspendues, et l’énergie produite achetée à prix de marché.» Un cap défendu très tôt au cours de la campagne de la candidate RN. Ainsi, le 14 octobre 2021 sur RTL, lorsque sa position était résumée à l’arrêt de la construction de nouveau parcs éoliens, la députée rétorquait : «Ah non. J’arrête toute nouvelle construction de parc éolien, et je lance un grand chantier pour les démonter, même, vous voyez. Voilà. Donc au moins c’est clair, voyez ? Moi je ne suis pas Emmanuel Macron. Moi, j’ai des positions claires. J’ai des convictions. Je n’en change pas. Je dis à l’avance ce que je ferais, parce que j’y crois.»
Fin janvier 2022, lors d’un atelier organisé par l’association Equilibre des Energies, Marine Le Pen avait un peu précisé la temporalité qu’elle souhaitait donner à sa mesure : «Il ne s’agit pas de démanteler immédiatement toutes les éoliennes. Ce serait sans doute un non-sens économique ; mais peut-être démanteler celles qui sont les plus nuisibles…»
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L’idée de démanteler les éoliennes en commençant par les plus anciennes reste donc à l’ordre du jour, même si le discours pour défendre cette idée semble désormais éviter le mot «démantèlement».
Plus de renouvellement et «démontage progressif»
Ainsi, lundi 18 avril, au micro de France Inter, Louis Aliot, vice-président du RN, a déclaré : «Démanteler est un grand mot. Ne pas renouveler, je dirais.» La journaliste Léa Salamé insistant sur l’intention de démantèlement par Marine Le Pen, l’élu de Perpignan persiste : «Non, non. Ne pas les renouveler. C’est-à-dire ne plus donner d’aide pour en installer. Et attendre la fin de vie de celles qui y sont, avant de passer à une autre chose.» Après une seconde relance sur la question du démantèlement, Aliot reste campé sur sa position : «Non ce n’est pas vrai. Alors, je l’ai expliqué hier […], on ne va pas se promener avec nos clefs à molettes à la main, le lendemain de l’élection, pour démonter les pylônes. Faut quand même arrêter ! Vous savez, les éoliennes, c’est des contrats, ces contrats sont passés souvent avec des mairies. Ça permet à de toutes petites mairies de pouvoir vivre, etc. Donc on ne va pas casser tout ça, c’est pas vrai. Ça va prendre dix ans, le démontage progressif…»
La veille sur BFM TV, Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national, parlait encore volontiers de «démantèlement des parcs éoliens», et déclarait : «Nous demanderons aux structures qui ont touché des subventions pendant des années d’entamer la déconstruction des parcs éoliens qui sont dans notre pays. Ce sera à leur charge.» Deux jours plus tard sur Public Sénat, le même Sébastien Chenu précisait le destin des éoliennes existantes : «Lorsqu’elles arrivent à terme – c’est là où l’on change les règles du jeu – nous demandons aux entreprises qui les ont implantées de les démonter, de ne pas laisser [des maires] au bout de dix ans, [devoir] les démonter à leurs propres frais.» Une déclaration qui pose question puisque, selon la loi, ce démontage est à la charge des exploitants d’éoliennes, qui doivent provisionner un montant de 50 000 euros par éolienne de 2 MW (plus 25 000 euros par MW supplémentaire) pour les opérations de démantèlement (le problème se pose si l’exploitant fait faillite et que le coût du démantèlement s’avère dépasser le montant provisionné).
Une mesure incompatible avec l’objectif de neutralité carbone
Actuellement en France, le nombre d’éoliennes terrestres est estimé à environ 8 000 unités, réparties dans près de 1 380 parcs. Selon EDF, trois régions totalisent près de 60 % de la production d’électricité d’origine éolienne nationale : les Hauts-de-France, le Grand Est, et l’Occitanie. Sept parcs éoliens en mer sont en cours de création, pour une mise en service lors des cinq prochaines années. Ils sont localisés à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), Fécamp (Seine-Maritime), Courseulles-sur-Mer (Calvados), Le Tréport (Seine-Maritime), Noirmoutier (Vendée) et Dunkerque (Nord-Pas-de-Calais). Sa puissance maximale totale de ces sept unités doit s’élever à 3,9 GW (la puissance disponible à un instant donné étant nécessairement inférieure, comme pour toutes les unités de production électrique). En février, Emmanuel Macron a annoncé viser la création d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer d’ici 2050, avec un objectif de 40 GW à cette date.
Contacté par CheckNews, le Syndicat des énergies renouvelables rappelle que «les éoliennes terrestres représentent 9 % de l’électricité consommée aujourd’hui. Un démantèlement serait un bond en arrière pour la transition énergétique dans un contexte ou tous les scénarios [qu’ils émanent de RTE ou de l’Ademe] montrent que l’éolien est indispensable pour atteindre la neutralité carbone. Se priver de l’éolien reviendrait à faire plus d’énergie fossile. Même les scénarios les plus ambitieux en matière de nucléaire ne permettraient de couvrir que 50 % des besoins en électricité du pays.»