Question posée par Thomas le 13 octobre 2021
Bonjour,
«Je soupçonne une chaîne YouTube appartenant au gouvernement de truquer le nombre de vues de ses vidéos», nous avez-vous écrit. La chaîne en question est celle du ministère de la Transition écologique, qui comptabilise près de 26 000 abonnés mais dont les vidéos sont rarement visionnées plus d’un millier de fois. Pourtant, trois vidéos postées le 11 octobre affichent à leurs compteurs plus de 120 000 vues, et ont donc attiré votre attention, d’autant plus «qu’il y a extrêmement peu de réactions (commentaires /like /dislike) comparé aux nombres de vues», soulignez-vous.
Vous n’êtes d’ailleurs pas le seul à vous interroger à ce sujet. Sous l’une des vidéos, un internaute a posté un commentaire suggérant que des bots – logiciels qui exécutent des tâches automatisées, répétitives et prédéfinies, en général afin d’imiter ou de remplacer le comportement d’utilisateurs humains – auraient été utilisés pour gonfler les scores de ces contenus.
Campagne de sensibilisation
En fait, le titre des vidéos fournit déjà un élément d’explication. Intitulées «Réduire, réutiliser, recycler : ensemble, continuons à changer nos habitudes !», «Clip 1», «Clip 2», et «Clip 3», elles font partie d’une campagne plus large de sensibilisation au traitement des déchets. «Le ministère de la Transition écologique, l’Ademe et les quatorze éco-organismes s’associent chaque année pour informer et sensibiliser les Français sur les enjeux de réduction, de réutilisation et de recyclage des déchets», indique ainsi un communiqué publié le 11 octobre, en même temps que la mise en ligne des vidéos, sur le site du ministère dirigé par Barbara Pompili.
Dans le cadre de la campagne, un spot TV titré «Les bonnes habitudes» est relayé via les principales chaînes de télévision jusqu’à la fin du mois d’octobre. Mais cette campagne a aussi fait l’objet d’une déclinaison numérique, «lors de replay d’émissions en ligne» comme précisé par le ministère à CheckNews, ou encore via YouTube – dans ce cas, le spot est découpé en trois clips plus courts, de 30 secondes. Et Google Ads, régie publicitaire du groupe propriétaire de YouTube, est rémunérée pour que ces trois contenus s’affichent dans les «annonces» qui précèdent la lecture de vidéos, si elles sont lancées par des utilisateurs de la version gratuite de la plateforme.
«Ce dispositif d’achat média est mis en place pour toucher le plus grand nombre, ce qui explique le nombre de vues élevé», note le ministère de la Transition écologique, avant de se féliciter du succès de la campagne, qui fait selon lui partie d’«actions de communication prévues par la loi». Mais sur qui repose son financement ? Sur les partenaires du ministère, répond-on à CheckNews : «Les éco-organismes supportent les coûts de la campagne en versant une redevance qui représente au maximum 0,3 % de leur budget.»
Contenu hébergé sur YouTube
«Après vérification, les vidéos en question ont bien été mises en avant sur YouTube via différents formats publicitaires, notamment TrueView InStream», confirme un représentant de Google France, sollicité par CheckNews. Il s’agit d’annonces diffusées, entre autres, «dans des vidéos sur YouTube ou sur un ensemble de sites et d’applications sur le Réseau display de Google», comme l’explique le Gafa dans son centre d’aide. A savoir que la possibilité de créer une annonce vidéo suppose que le contenu soit au préalable hébergé sur YouTube. C’est pourquoi les vues d’une annonce vidéo sont potentiellement comptabilisées comme des vues de la vidéo elle-même, sur sa page de lecture.
Dans le cas des TrueView InStream, «l’utilisateur peut choisir d’ignorer une annonce vidéo de ce type au bout de cinq secondes». En revanche, s’il ne le fait pas, son visionnage sera alors converti en vue «publique» de la vidéo, dans trois situations listées par notre interlocuteur chez Google France : «lorsqu’un utilisateur regarde une annonce complète de onze à trente secondes, lorsqu’il visionne au moins trente secondes d’une annonce [plus longue] ou lorsqu’il interagit avec l’annonce». «Interagir», c’est-à-dire cliquer pour accéder au site internet de l’organisation qui l’a produite ou cliquer sur les bannières associées à la vidéo, par exemple.
Ainsi, le fait qu’une vidéo apparaisse en tant qu’annonce en amont d’une autre vidéo démultiplie son succès, et c’est ce qu’il s’est passé pour celles postées lundi par le ministère de la Transition écologique. Un fonctionnement qui vaut à Google de glisser cette petite astuce à ses annonceurs : «Si le nombre de vues sur YouTube est important pour vous, nous vous conseillons de faire des vidéos d’au moins douze secondes.»
Sur le tri des déchets
Mise à jour : L’article a été mis à jour le 15 octobre pour intégrer la réponse du ministère de la Transition écologique, reçue après publication.