Question posée par François le 6 décembre

Vous avez saisi CheckNews sur une vidéo qui circule beaucoup sur le réseau social X (anciennement Twitter). Publiée dans la soirée du mercredi 6 décembre sur le compte Réalité Actuelle, elle montre une action en cours dans un supermarché. On y voit au moins un homme pousser un chariot rempli à ras bord, notamment de produits surgelés, devant les caisses. Plusieurs personnes crient : «Boycottez Carrefour !» Après une coupe, la vidéo montre une dame jeter au sol un paquet de couches et tirer un tract de sa poche. S’adressant à un responsable de la sécurité, puis aux clients, elle crie : «Vous savez ce que fait Carrefour monsieur ? Ils envoient des colis gratuits aux soldats israéliens qui tuent les bébés et les femmes à Gaza. Voilà ce que fait Carrefour.»

En légende du post, on peut lire : «Paris : ce soir, des militants pro-Palestine ont mené une action dans un Carrefour appelant au boycott de l’enseigne suite à l’envoi de colis à l’armée de Tsahal. Ils en ont également profité pour piller le magasin. Mais c’est pour la bonne cause diront les gauchistes.» Cette publication a été partagée près d’un millier de fois et cumule plus de 80 000 vues.

A l’origine de ces images ? Le compte la Luciole, qui se présente comme média indépendant. Enzo Rabouy, reporter pour la Luciole, était présent dans ce magasin Carrefour du Boulevard Barbès, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, prévenu en amont par des militants qu’une action allait se tenir ce mercredi 6 décembre, vers 18 heures. Interrogé par CheckNews, il affirme «qu’il n’a assisté à aucun pillage». Il explique en quoi consistait alors le happening : «Des militants – entre 10 et 15 – étaient dispersés dans le magasin, ils faisaient semblant de faire leurs courses et avaient rempli des chariots. Arrivés aux caisses, ils ont scanné les articles et ont dit qu’ils ne paieraient pas.» C’est à cet instant que les slogans sont scandés et les tracts distribués. «Mais ils ne sont pas repartis avec les courses», reprend Enzo Rabouy. «Les employés ont rangé le contenu des chariots en rayons et mis les surgelés en chambres froides.»

A la fin, indique-t-il, «quelques militants sont restés devant le magasin pour distribuer des tracts. La police est arrivée, a effectué un contrôle d’identité et laissé repartir tout le monde».

Auprès de CheckNews, la préfecture de police confirme avoir mené un contrôle d’identité à l’issue de l’action avant «d’inviter les manifestants à quitter les lieux». Sur les faits, elle décrit que «dix personnes se sont rassemblées devant le magasin Carrefour afin de manifester contre le génocide à Gaza. Elles ont pénétré dans le commerce avant de remplir plusieurs chariots de denrées alimentaires, qu’elles ont ensuite abandonnés dans les rayons». Il n’est donc pas question de «pillage» d’après la préfecture, qui affirme toutefois qu’il y a eu «des menaces et insultes envers les employés». Elle poursuit : «Il n’y a pas eu de blessés ni de dégradations matérielles dans le commerce. Pour l’heure, le responsable du magasin déplore des pertes de denrées alimentaires [abîmées durant l’action et non volées, nldr] et se réserve le droit de déposer plainte.»

CheckNews s’est entretenu avec la militante que l’on peut voir dans la vidéo en train de s’adresser au personnel. Présidente du collectif Euro-Palestine, à l’initiative de l’action, Olivia Zemor confirme elle aussi qu’il n’y a pas eu de pillage. «Ce n’est pas dans nos habitudes, dit-elle. Si on est sur du boycott, il faut justement être impeccable sur son comportement.» Elle réfute également toute menace ou insulte, précisant que «le personnel a été correct aussi, même si une caissière avait peur, à un moment, d’apparaître sur les vidéos». Et assure qu’aucun produit n’a été abîmé, évoquant des consignes de remplir le chariot avec des produits de première nécessité et non périssables. Sur ce point, les images la contredisent puisqu’elles montrent quelques paquets de glaces sortis des congélateurs. Le site Euro-Palestine a également publié une vidéo, plus longue, de l’action. Elle ne donne à entendre aucune insulte et ne montre pas de vol.

Depuis que la société Electra Consumer Products, branche israélienne de Carrefour, a annoncé qu’elle fournirait des rations alimentaires aux soldats israéliens, dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, le groupe fait l’objet d’appels massifs au boycott de ses magasins, comme le rapportait CheckNews. Sollicité, le groupe Carrefour n’a pas encore apporté d’éléments.