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Des policiers victimes d’un canular de Laurent Baffie ont-ils été convoqués dans le cadre d’enquêtes administratives ?

JO Paris 2024dossier
Le syndicat Alliance a affirmé que des agents, piégés par l’humoriste dans une caméra cachée devenue virale, allaient être entendus par leur hiérarchie. Ce qui est faux, comme le confirme le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez.
Capture du compte Instagram de l’humoriste Laurent Baffie, qui réussit à ce que trois policiers lui obéissent et lui montre leurs cartes professionnelles dans les allées du village olympique à Paris. (DR)
publié le 14 août 2024 à 9h58

«Je peux voir votre carte de police ? On se sort les doigts du cul, on s’active.» Coiffé d’une casquette noire siglée «Police» et avec beaucoup de culot, l’humoriste Laurent Baffie réussit à ce que trois policiers lui obéissent et lui montrent leurs cartes professionnelles dans les allées du village olympique en Seine-Saint-Denis. Les jeunes agents finissent par le reconnaître et comprennent qu’il s’agit d’une énième caméra cachée. Dans une ambiance bon enfant, ils lui tapent dans la main. Le canular est posté sur Instagram et sur X où il dépasse à chaque fois le million de vues.

Célèbre pour son humour grinçant, Laurent Baffie a publié de nombreuses vidéos à l’occasion des Jeux olympiques dans lesquelles il s’amuse à piéger les passants dans la capitale. Dans huit d’entre elles, l’humoriste provoque des policiers, toujours sous couvert d’humour. «I am the big chief of the French police», lance-t-il à des policiers étrangers, sous le regard de leurs homologues français à qui il fait croire qu’il est gradé. Même blague devant des élèves gardiens de la paix, qu’il fait se lever durant leur pause, en se faisant passer pour un gardien de la paix en civil. Ces vidéos avec les policiers sont un carton d’audience pour Baffie puisque la plupart dépassent le million de vues, selon les chiffres d’Instagram. Elles se terminent toujours bien, avec des policiers contents de croiser l’humoriste.

«Les bruissements qui venaient jusqu’à nous»

Or, à en croire, le secrétaire général du syndicat Alliance Police nationale, Fabien Vanhemelryck, les blagues potaches de Baffie ont fait rire jaune dans la hiérarchie de la police nationale. Dans un message publié sur X, adressé à Laurent Baffie, le chef du syndicat lui signale que «nous avons suivi avec intérêt vos caméras cachées durant les JO Paris 2024 piégeant notamment nos collègues. Malheureusement, en coulisse, notre administration n’a pas vraiment le sens de l’humour ! Aussi, si vous voulez bien nous aider à préparer la défense de nos collègues qui vont être convoqués dans le cadre d’enquêtes administratives suite à la diffusion de ces vidéos, nous sommes preneurs.» Contacté par CheckNews, le Service d’information et de communication de la police nationale (Sicop) assure pourtant qu’«aucun policier n’a été et ne sera convoqué suite à la diffusion des vidéos de M. Baffie», démentant ainsi toute sanction contre les policiers piégés.

Pourquoi le syndicat Alliance Police nationale a-t-il lancé l’alerte ? Sollicité, son délégué national Eric Henry nous a confirmé avoir été informé de l’absence de suites. Mais le même affirme que l’organisation syndicale aurait été prévenue après la diffusion d’une des vidéos du fait que «la hiérarchie des concernés» leur aurait demandé «un rapport administratif d’explication». Et de poursuivre : «Les collègues l’ont fait. Ce rapport d’explication a été transmis aux instances supérieures.» Craignant qu’un tel rapport puisse nuire aux policiers filmés, le syndicat, selon son responsable, a donc décidé de prendre les devants : «Au regard des éléments qu’on avait, vu le buzz que c’était en train de faire, et les bruissements qui venaient jusqu’à nous avec l’éventuelle mise en œuvre d’une enquête administrative pouvant déboucher sur une sanction, Alliance Police nationale a décidé d’aller au soutien et de saisir la hiérarchie pour dire qu’il n’y avait aucun manquement de la part des policiers.»

Dans la soirée du mardi 13 août, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, avait confirmé sur X qu’«aucune enquête n’a été engagée et ne sera engagée – sauf à ce qu’un acte ou propos répréhensible n’ait été commis ou prononcé, ce qui à ma connaissance n’est pas le cas à ce stade. Je n’ai aucune raison de m’opposer à ces vidéos qui donnent à voir la réalité du monde policier, réalité que je regarde avec bienveillance comme l’immense majorité de nos concitoyens.»

Laurent Baffie a réagi à la polémique dans un message posté sur X, où il dit «soutenir [les] collègues qui ont eu la gentillesse de déconner avec moi. La police a été exemplaire pendant tous les JO, et il est ridicule de les emmerder pour des conneries qui en plus sont de mon fait».

Sollicité de nouveau, le Sicop assure à CheckNews n’avoir eu «aucune remontée d’enquête, ni même de rapport» concernant ces vidéos. CheckNews a pourtant pu consulter un courrier rédigé le 7 août, adressé à une supérieure de la Brigade des réseaux franciliens, ayant pour objet : «Rapport d’information suite à un enregistrement vidéo». Le document revient sur la caméra cachée filmée par Laurent Baffie la veille. Au vu des déclarations de Laurent Nuñez, l’affaire semble désormais close.

Mise à jour : à 10h40 avec l’ajout de la réaction de Laurent Baffie, puis à 11h45 avec celui du rapport de police consulté par CheckNews.