Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

Des soldats israéliens ont-ils été condamnés pour avoir eu recours à des boucliers humains, comme l’affirme le député LFI David Guiraud?

En 2010, deux soldats israéliens ont écopé de trois mois de prison avec sursis pour avoir forcé un garçon palestinien de 9 ans à vérifier la présence d’explosifs.
Dans le kibboutz de Beeri, transformé en base militaire pour les troupes israéliennes, le 22 octobre. (Victorine Alisse/Hors Format pour Libération)
publié le 24 octobre 2023 à 16h29

Invité lundi 23 octobre sur BFMTV, le député insoumis David Guiraud a défendu la position de son groupe sur la guerre entre Israël et le Hamas. Durant le débat, il a accusé Tugdual Denis, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, de «reprendre tous les éléments de langage de la diplomatie israélienne». Et de citer «la fameuse théorie des boucliers humains…» Avant de poursuivre : «Le problème, monsieur, c’est qu’il n’y a aucun membre du Hamas qui a été condamné. […] Israël, par contre, a été condamné pour cela. En Israël, il y a des soldats israéliens qui ont été condamnés pour avoir utilisé des boucliers humains. En 2008, 2009, […] des soldats qui ont demandé à un gamin palestinien de 9 ans d’ouvrir un colis piégé, avec un risque qu’il se fasse exploser à la bombe, avec les guns braqués sur lui. Donc vous voyez, les fameux boucliers humains, c’est pas les Palestiniens, c’est pas le Hamas, c’est Israël qui les a utilisés pour l’instant.»

Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont réagi, en dénonçant une «calomnie dangereuse» et interpellant du même coup l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel. Interrogé par CheckNews, David Guiraud renvoie vers «des publications sur le sujet émises notamment par MSF ou par l’organisation israélienne B’Tselem», une ONG répertoriant les cas de violations des droits humains dans les territoires occupés par Israël.

Un procès militaire à huis clos

Un article sur le site de B’Tselem (en date de 2017) fait en effet état de l’usage de boucliers humains par les forces israéliennes. En 2002, l’ONG a elle-même pris part, parmi d’autres d’organisations de défense des droits humains, à une requête auprès de la Haute Cour de justice d’Israël, contre cette pratique, notamment dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, dont elle assure qu’elle est «le résultat de décisions prises par de hauts responsables militaires». B’Tselem explique : «Deux jours après le dépôt de la requête, l’Etat a informé le tribunal que l’armée israélienne a décidé d’émettre immédiatement un ordre sans équivoque à toutes les forces sur le terrain, leur interdisant absolument d’utiliser des civils comme bouclier vivant contre les tirs ou des attaques côté palestinien.» Une décision confirmée par la Cour suprême en 2005. Malgré tout, l’ONG note que la situation s’est reproduite depuis. Et de citer le cas, relayé par David Guiraud, d’un enfant de 9 ans utilisé comme bouclier humain des années plus tard, en 2009.

A l’époque, le Guardian s’était fait l’écho de cette affaire. On apprend ainsi que pendant l’offensive israélienne «Plomb durci» menée à Gaza en janvier 2009, le jeune Majeh Rabah avait dû vérifier la présence d’explosifs dans des sacs, sous la menace d’une arme, alors qu’il s’abritait dans un sous-sol avec sa famille dans le quartier de Tel al-Hawa, à Gaza-City. En 2010, les deux soldats à l’origine de cet acte ont été condamnés, raconte le média britannique, à des peines de trois mois de prison avec sursis et rétrogradés de sergent-chef à sergent. Ils ont été reconnus coupables de «conduite inappropriée» dans le cadre d’un procès militaire, qui s’est tenu à huis clos. Pour la mère du garçon, le fait que les militaires échappent à la prison relevait d’un «scandale», mais les juges ont estimé, d’après le Guardian, que «le tribunal ne pouvait ignorer les conditions difficiles dans lesquelles devaient opérer les combattants envoyés par l’Etat d’Israël».

Une cache d’armes dans deux écoles

Depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, Israël accuse l’organisation islamiste d’utiliser à la fois les otages et le peuple gazaoui comme boucliers humains, face aux bombardements israéliens, soit en plaçant des arsenaux militaires dans les zones civiles, soit en empêchant la population de quitter les zones attaquées.

Ces accusations ne sont pas nouvelles. En 2014, l’UNWRA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, avait découvert une cache d’armes dans deux écoles et fermement condamné ce procédé. A cette époque, la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Navi Pillay avait alors accusé les groupes armés palestiniens de violations du droit humanitaire international, «en plaçant des roquettes dans des écoles et des hôpitaux et même en tirant des roquettes de zones densément peuplées». L’ancien dirigeant du Hamas avait démenti ces accusations d’utilisation de bouclier humain. Les journalistes spécialistes (ici, ou encore ici) du conflit décrivaient une situation «complexe», dans laquelle il n’était pas évident que le Hamas «force les civils à rester dans les zones attaquées». Mais notant toutefois : «Il est incontestable que les militants de Gaza opèrent dans des zones civiles, attirant en retour des attaques contre des structures civiles.»