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Elisabeth Borne a-t-elle réussi à «censurer» les passages concernant sa vie privée présents dans sa biographie ?

La Première ministre avait décidé, début mai, d’assigner l’éditeur de l’ouvrage devant le tribunal judiciaire de Nanterre, invoquant des atteintes à sa vie privée. L’audience a eu lieu le 24 mai. Le jugement sera rendu fin juin.

Elisabeth Borne avant un conseil des ministres, le 26 avril, au Palais de l'Elysée. (Albert Facelly/Libération)
Publié le 05/06/2023 à 12h00

Question posée par Alain le 3 juin 2023

Six jours après la sortie. C’est le temps qu’il avait fallu à Elisabeth Borne pour assigner en justice la Secrète, biographie qui lui est consacrée, écrite par la journaliste Bérengère Bonte et parue aux éditions de l’Archipel, devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

La Première ministre demande à l’éditeur de retirer plusieurs passages ayant trait «à sa santé et à son orientation sexuelle» mais aussi «à sa vie familiale» dans «toute nouvelle édition ou réimpression» de l’ouvrage. Son avocate précisant que les ouvrages mis en vente à la sortie du livre ne sont donc pas concernés par la procédure. Ce qui explique sans doute que la Première ministre a choisi de ne pas recourir au référé, qui est une procédure d’urgence. Elisabeth Borne réclame par ailleurs un euro de dommages et intérêts ainsi que 5 000 euros au titre des frais de justice.

L’audience a eu lieu comme prévu le 24 mai. Son avocate Emilie Sudre a notamment mis en avant le fait qu’Elisabeth Borne «ne veut pas se soumettre à la tyrannie de la transparence. C’est cohérent avec ce qu’elle a toujours été, une femme discrète». Et reproche notamment au livre «d’accréditer les rumeurs d’homosexualité et de révéler le nom de la prétendue compagne» de la cheffe du gouvernement. Autre passage pointé du doigt par l’avocate : «l’anorexie» d’Elisabeth Borne que révélerait le livre (ce que conteste la défense).

«Les journalistes n’ont pas à aller sur les terrains souhaités par madame Borne»

L’avocat de la défense a de son côté plaidé en invoquant l’intérêt des éléments avancés pour le débat public et le danger de censurer un tel livre : «A ce degré d’autorité politique et symbolique, tout ce qui vous concerne peut passer dans la sphère publique», a ainsi rétorqué Olivier d’Antin, comme le racontait Libération. «Censurer des passages serait un geste très fort. Si on commence à dire aux journalistes : “Parlez de ça, pas de ça”, c’est dangereux.» Et d’ajouter que Bérengère Bonte «n’avait pas à rentrer dans le rang en allant sur les terrains souhaités par madame Borne».

Les éditions de l’Archipel avaient de leur côté fait valoir par communiqué que ce livre est le «fruit d’un an d’enquête, de dizaines d’interviews dont deux longs entretiens avec Elisabeth Borne, ainsi que d’autres avec des membres éminents de son cabinet, de sa famille et de son cercle amical proche auxquels elle avait donné son accord», rappelant au passage qu’il s’agit de «la première biographie de la Première ministre nommée le 16 mai 2022». Une assignation qui étonne d’autant plus Bérengère Bonte qu’elle indique avoir adressé le livre à Matignon quinze jours avant sa publication.

Il faudra désormais attendre la fin du mois pour être fixé : le tribunal judiciaire de Nanterre a annoncé que le jugement sera rendu le 30 juin.


Mise à jour 06/06 17h30 : Ajout d’une précision sur la position de la défense et sur l’envoi du livre à Matignon.