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Enquête sur le massacre du Kibboutz de Nir Oz

Guerre au Proche-Orientdossier
Sept civils ont été exécutés, aux premières heures de l’attaque du Hamas, samedi 7 octobre. A partir d’une vidéo des exactions, «CheckNews» a pu géolocaliser le lieu de la tuerie.
Un soldat israélien devant les corps de victimes de l'attaque du Hamas, dans le village de Sderot, le 7 octobre (Tsafrir Abayov/AP)
publié le 10 octobre 2023 à 6h58

La vidéo montre sept corps d’hommes entassés dans une salle, entre un lit et une télévision. Tous portent des vêtements civils, pas d’armes, pas d’uniformes. Les murs turquoise et carrelages sont inondés de sang. Le manche d’un couteau dépasse de la main d’un des hommes qui assiste à la scène. Seule une des victimes bouge encore, elle est achevée de quatre balles par un homme armé d’un fusil d’assaut, sous l’incitation d’un autre qui hurle en arabe. Ces images font parties de nombreuses vidéos de massacres qui ont essaimé les réseaux sociaux depuis l’attaque du Hamas du samedi 7 octobre.

A partir d’éléments rassemblés en sources ouvertes, CheckNews a été en mesure d’authentifier cette séquence et de déterminer le contexte de ce massacre. Cet article ne contient pas l’ensemble de la vidéo en question, mais les captures d’écrans, même floutées, sont choquantes et peuvent heurter.

«Œil pour œil, dent pour dent»

Il est un peu plus de 7h30 (heure française) quand différents canaux Telegram propalestiniens ou affiliés à la branche armée du Hamas diffusent une vidéo d’une quinzaine de secondes montrant la scène décrite ci-dessus. La plupart du temps, ces images sont accueillies avec joie : «Œil pour œil et dent pour dent», lancent plusieurs utilisateurs arabophones de la plateforme, quand d’autres s’inquiètent de l’identité des victimes.

CheckNews a découvert que cette courte séquence était extraite d’une vidéo d’environ 30 minutes diffusée en direct sur Facebook par Kefah A., l’auteur des images. Il apparaît, sans qu’on puisse en être certain, que l’objectif de cet actif soutien de l’action du Hamas sur les réseaux sociaux était de filmer l’attaque des assaillants.

La vidéo de Kefah A était toujours en ligne ce 9 octobre (elle totalise plus d’un million de vues), avant d’être supprimé en fin de journée après 61h de diffusion sur la plateforme. Elle se déroule dans le kibboutz de Nir Oz, dans le sud d’Israël, à moins de 3 kilomètres de la frontière avec Gaza.

Au début du live Facebook, Kefah A est près de la grille barbelée qui enserre le territoire palestinien. Celle-ci est trouée. Comme celui qui filme, de nombreux hommes sont passés du côté d’Israël. Un char israélien, à l’arrêt et manifestement hors d’usage (un impact est visible sur sa tourelle), est pillé et incendié. De très nombreuses photos et vidéos de ce blindé publiées en ligne permettent de situer précisément l’action, à partir de la comparaison entre les éléments du décor et les images satellites disponibles sur Google Maps (voir la capture d’écran ci-dessous) : la grande antenne au sud, l’espacement des arbres d’une haie à l’est, et surtout un bâtiment blanc, de forme carré.

Crime de guerre

Le vidéaste monte ensuite sur un deux-roues, qui prend la direction de l’est, puis tourne à gauche, atteignant le kibboutz de Nir Oz par le sud. Il arrive à proximité d’un bâtiment. On entend alors au moins un coup de feu à l’intérieur. Au son du tir, Kefah A. crie des encouragements à l’attention du tireur, qu’il ne voit alors pas. Puis il entre dans le premier bâtiment, et tombe sur la scène d’horreur évoquée plus haut. Il n’est pas encore 7h30. Le direct Facebook s’arrête dans la foulée, quelques secondes après les coups de feu ôtant la vie à la dernière victime.

L’homme tenant le fusil d’assaut et celui qui l’incitait verbalement ont, a minima, participé à achever au moins une des victimes. Ce qui constitue un crime de guerre.

Il n’est pas possible d’établir précisément ce qui s’est passé avant l’arrivée de Kefah A. Différentes vidéos, dont l’une diffusée par le Jihad palestinien et localisée par l’analyste Joshua Koontz, montrent des combattants entrer, armés, dans la localité. D’autres séquences montrent des combattants palestiniens attaquer un camp militaire israélien, au nord de Nir Oz. La presse israélienne s’est faite l’écho des exactions commises dans cette zone.

Sur son compte Facebook, Kefah A. raconte avoir été blessé moins d’une heure après la fin du live, sans préciser dans quelles circonstances. Dans des posts publics, il déclarait aller mieux ce lundi, sans revenir sur les images filmées samedi.

Correction, le 10 octobre à 9h50 : remplacement de «territoires occupés par Israël» par «Israël»

Mise à jour le 10 octobre à 11h30 : le live Facebook a été retiré par la plateforme après 61h de diffusion