Lors de la séance de questions au gouvernement du mardi 23 janvier, le député RN Grégoire de Fournas est intervenu au sujet de la mobilisation actuelle des agriculteurs. Surtout connu pour sa sortie «qu’il[s] retourne[nt] en Afrique» en plein hémicycle, le parlementaire interpellait cette fois le ministre Marc Fesneau au sujet d’une «agriculture asphyxiée par les charges». Et de demander, entre autres, si ce dernier compte «mettre fin à l’écologie punitive et à la stratégie “farm to fork”», «dictée par les pires écologistes d’extrême gauche». A la réponse du membre du gouvernement qui lui enjoint de «sortir de la démagogie», Grégoire de Fournas réplique alors : «Monsieur le ministre, vous n’êtes pas agriculteur, moi je suis viticulteur et mon père qui a 62 ans et qui est aussi viticulteur ne se paie plus depuis plus d’un an, alors arrêtez avec vos accusations. Le vide sidéral de votre réponse est l’aveu de votre impuissance. L’agriculture française est au bord du gouffre.»
Cette séquence a suscité quelques réactions sur le réseau social X (anciennement Twitter). Ce message notamment (ci-dessous), a été vu plus de 550 000 fois. On peut y lire : «Le père de ce député d’extrême droite est propriétaire du château de Pouzols, magnifique propriété dans le sud de la France. Depuis plus de 600 ans, la propriété se transmet de père en fils, depuis 1437 exactement. Ils ont un site magnifique, des vins de qualité, des hectares de vigne, un château exceptionnel, probablement énormément de biens, c’est la reine mère qui dirige… Bref des pauvres qui doivent toucher des subventions généreuses.» Et de sommer nos confrères de la rubrique de fact-checking de l’AFP, AFP Factuel, de «vérifier les dire de ce parlementaire qui visiblement ment devant la représentation nationale». Grégoire de Fournas riposte, dans une réponse ironique : «Ce qui est certain, c’est que vous ne risquez pas d’y travailler chez AFP Factuel.»
De fait, on relève une confusion dans le message de l’internaute… qui se trompe de château. Il existe bien un domaine de Pouzols, situé dans le Languedoc, entre Narbonne et Bézier, propriété de la famille de Fournas. Sur son site, on apprend que le domaine, qui produit des vins à partir de cépages chardonnay ou merlot, «compte 85 hectares de vignes», existe depuis «600 ans» et a vu se succéder «22 générations». Mais il ne s’agit pas là du domaine du père du député, qui est établi à 400 kilomètres de là, en Gironde. Les deux familles, qui partagent effectivement le même patronyme, sont cousines éloignées, confirment à CheckNews à la fois Grégoire de Fournas et la gérance du château de Pouzols. «Il n’y a donc aucun lien patrimonial» ajoute le député, quand à Pouzols, on précise : «Ce sont deux entités différentes, on ne se fréquente pas du tout.»
Résultat nettement en déficit
La famille de Grégoire de Fournas possède donc quant à elle le château du Vieux Cassan, situé à Saint-Germain-d’Esteuil dans le Médoc, sur un vignoble de 21 hectares. Le député nous précise que son père, pas encore à la retraite, est le «gérant de l’exploitation», ce que corroborent les documents disponibles sur le site Pappers, en tout cas jusqu’à mars 2023. Le parlementaire RN, titulaire d’un BTS viticulture œnologie, est salarié de l’entreprise depuis 2010. En novembre 2022, il était d’ailleurs épinglé par le déontologue de l’Assemblée pour avoir fait la promotion du vin de l’exploitation familiale, sur le compte Twitter dédié à ses activités politiques.
A propos de la situation financière du gérant de l’exploitation, CheckNews a pu consulter un document issu d’une expertise comptable portant sur les comptes annuels de la société civile du château du Vieux Cassan, et sur la période de janvier à décembre 2022. Cette expertise conclut à un résultat net comptable (ressources nettes) nettement en déficit. A défaut de pouvoir vérifier avec certitude que le père du député ne s’est, comme il le dit «plus payé depuis plus d’un an», il nous est possible de confirmer que la santé financière du domaine n’est pas au beau fixe.
La situation de ce professionnel n’est pas isolée et s’inscrit dans un contexte d’une crise de la viticulture dans le Bordelais. En juin, le Monde rapportait les conclusions d’une enquête de la chambre d’agriculture de Gironde, selon laquelle «1371 exploitants se déclarent en difficulté économique», hors production de grands crus. Des déboires liés à la baisse de la consommation de vin rouge en France, ainsi qu’à la période Covid.