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Existe-t-il une allocation handicapé pour les personnes victimes de viols multiples ?

Ancienne sans-abri, Anne Lorient affirme qu’elle bénéficie d’une allocation car elle a été victime de plus de 70 viols. La MDPH et la CNAF assurent que l’allocation adulte handicapé ne répond pas à ces conditions.
«Il n’y a pas de lien entre les agressions sexuelles ou le viol et l’allocation adulte handicapé», nous écrit la mairie de Paris, dont dépend la MDPH parisienne. (GARO/Phanie. AFP)
publié le 27 octobre 2023 à 2h54
Question posée par Louis, le 25 octobre

Vous nous demandez s’il est vrai que «l’allocation adulte handicapé peut être donné aux victimes de viols à partir de 70 viols», comme l’a affirmé «Anne Lorient, l’autrice de nos Années Barbares, dans un podcast récent». Et si oui, «d’où vient ce chiffre et qui l’a décidé ?»

Invitée du podcast Bliss du 23 octobre, l’ancienne SDF Anne Lorient, qui vient désormais en aide aux femmes sans abri en région parisienne, est revenue sur son parcours. Dans le cadre de cet entretien, cette femme qui a vécu dix-sept ans à la rue est interrogée sur ses sources actuelles de revenus.

A partir d’une heure et vingt-deux minutes dans le podcast, elle répond effectivement qu’elle bénéficie «depuis deux ans [de] l’allocation handicapé parce que j’ai été violée». Et d’expliquer : «Un jour, quelqu’un s’est réveillé dans le gouvernement et a dit : A partir de 70 viols, vous avez droit à l’allocation handicapé. Donc j’entends ça, je vais à la police, au commissariat. Je leur ai dit : Prouvez-moi que j’ai été violée 70 fois au minimum. J’ai besoin de preuves là. Donc ils me sortent mon dossier. J’avais 108 viols.» Anne Lorient explique alors que ce nombre correspond à des plaintes qu’elle a déposées ou qui ont été déposées pour elle par les hôpitaux qui la récupéraient inconsciente.

L’autrice de Mes Années barbares (La Martinière, 2016) avait déjà raconté avoir bénéficié de cette aide dans d’autres entretiens. En juillet 2022, pour le site Oh My Mag, elle témoignait qu’ «il y a une allocation handicapé psy et physique qui est donnée à toutes les femmes victimes de viols, de plus de 70 viols par l’Etat. Alors qui est-ce qui s’est réveillé un matin pour dire, 70 et pas 71 et pas 69 ? Ça, on ne sait pas.»

Interrogée par CheckNews sur cette allocation et ces conditions d’attribution, Anne Lorient reconnaît qu’elle «ne pense pas que c’est une loi qui est passée» et que c’est «du blabla», «il n’y a rien d’écrit quoi». Elle raconte que ce nombre lui a été indiqué par un commissaire de police qui l’a aidée à être mise en relation avec la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Selon son récit, la police, qui savait qu’elle avait déposé plainte 108 fois pour viol, s’est chargée d’envoyer son dossier à la MDPH pour l’aider à obtenir l’allocation handicapé. Anne Lorient nous recommande de nous tourner vers la MDPH pour comprendre cette allocation.

Sollicitées, la MDPH de Paris, dont elle dépend, et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) démentent pourtant l’existence d’une allocation handicapé pour les victimes de viols et donc l’existence d’un nombre de 70 viols nécessaires pour y avoir droit. «Il n’y a pas de lien entre les agressions sexuelles ou le viol et l’allocation adulte handicapé» (AAH), nous écrit la mairie de Paris, dont dépend la MDPH parisienne.

De la même manière, la CNAF confirme qu’«il n’y a pas de critères spécifiques d’évaluation du taux d’incapacité liés aux situations de viols». Elle explique que l’évaluation par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) «va plus porter sur les conséquences liées à une dégradation de la santé physique ou mentale, qui peut entraîner l’attribution d’un taux d’incapacité reconnue par la CDAPH, qui ouvre ensuite des droits à l’Allocation adulte handicapé».

En effet, le formulaire nécessaire pour demander l’AAH ne fait aucunement mention des violences sexuelles. Dans ce document, la personne qui souhaite bénéficier de l’allocation adulte handicapé indique les difficultés de la vie quotidienne qui sont liées à son handicap et ses problèmes de santé. Le dossier doit également contenir un certificat médical d’un médecin, qui détaille les problèmes rencontrés par le demandeur.

Selon Anne Lorient, sa dernière demande d’allocation AAH «renforcée par la police» a été renouvelée pour une période de cinq ans au lieu de deux ans pour les précédentes requêtes.