Question posée par Bastien le 12 avril,
Bonjour,
Vous nous interrogez au sujet de la promotion par France Télévisions de la course cycliste Amstel Gold Race diffusée sur les chaînes du service publique. Amstel, premier sponsor du circuit, est une marque de bière néerlandaise appartenant au groupe Heineken. Ecrit noir sur blanc sur les écrans de télévision, le nom de la course a fait tiquer certains internautes qui s’interrogent sur sa légalité avec la loi Evin.
La loi Evin du 10 janvier 1991 dispose en effet que toute opération de parrainage ayant pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcoolisées est prohibée. Egalement, «toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques». Autrement dit, en France, il est interdit qu’un événement sportif soit sponsorisé par une marque d’alcool ou de tabac. Impossible donc d’en porter le nom.
Une loi spécifique à la France
Cependant, la loi Evin ne s’applique qu’en France. Elle ne vaut donc pas pour les compétitions en dehors du pays. A part quelques hectomètres parcourus en Belgique cette année, l’Amstel Gold Race se déroule aux Pays-Bas, où la législation n’interdit pas un parrainage d’une marque d’alcool.
Amstel Gold Race, Guinness Six Nations, Heineken Champions Cup… Leur point commun : ces compétitions européennes ou internationales ne se jouent pas, ou pas exclusivement, en France. La législation sur le sponsoring lié à l’alcool étant différente d’un pays à l’autre, les médias français sont contraints d’adapter leur retransmission.
L’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a rédigé un code de bonne conduite pour la retransmission d’événements sportifs comportant des panneaux publicitaires pour les boissons alcoolisées. «Les manifestations multinationales, dont les images ont vocation à être diffusées dans un grand nombre de pays, ne peuvent pas être considérées comme visant principalement le public français et peuvent par conséquent être librement retransmises par les chaînes de télévision françaises quand bien même des publicités en faveur de boissons alcoolisées viendraient à apparaître à l’écran, précise le code. Les diffuseurs français, lorsqu’ils diffusent des images dont ils ne maîtrisent pas les conditions de prise de vue, ne sauraient être suspectés de complaisance à l’égard des publicités litigieuses.»
En revanche, il n’existe pas de règle précise pour l’audiovisuel concernant la diffusion d’une compétition dont le nom contient une référence à une marque d’alcool. «Il est compliqué de changer le nom d’un événement qui se passe à l’étranger, car il n’y a pas d’harmonisation européenne sur la publicité liée à l’alcool, précise Franck Lecas, responsable juridique de l’association France Addictions, spécialiste de la loi Evin. Mais la manière dont on l’évoque en France, c’est autre chose.»
Des adaptations françaises
Contacté par CheckNews, l’Arcom souligne que, pour la course cycliste Amstel Gold Race, c’est le titre-même de la compétition qui «pose question» (le naming). Cette diffusion fera l’objet d’une «vérification» a postériori, comme tous les programmes diffusés sur les antennes. Dans ce cas précis, le contrôle portera plus largement sur la conformité de la retransmission à la loi Evin.
La réglementation française a déjà donné lieu à des adaptations pour certaines compétitions sportives. C’est le cas du tournoi Guinness des Six Nations, qui se joue dans différents pays d’Europe. Lorsque les matches sont organisés en France, la mention «Guinness», du nom de la marque de bière, disparaît. En mars dernier, lorsque la France remporte le tournoi, le long du stade et sur les podiums, le message affiché est «Six Nations greatness», avec la même typographie que la marque de bière.
Guinness très contents d'avoir payé un sponsor naming, pour que ça soit le pays avec la Loi Evin qui gagne. https://t.co/aniWLi9GJR
— Bastien (@azerty774) March 19, 2022
«Une marque qui sponsorise un tournoi international est obligée de s’adapter lorsqu’une partie de la compétition se déroule en France. Elle doit trouver un «alibi». C’est une stratégie de contournement», détaille Franck Lecas. A ce jour, seuls trois pays en Europe interdisent les parrainages des événements sportifs par des marques vendant de l’alcool : la France, le Portugal et Malte.