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François Bayrou est-il revenu sur une promesse faite aux socialistes en baissant l’indemnisation des agents publics malades ?

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Alors que le PS s’est targué d’obtenir le maintien des jours de carences pour les fonctionnaires, il est accusé par LFI d’avoir été dupé en raison du maintien de la baisse du taux d’indemnisation des agents en congés maladie.
Le Premier ministre, François Bayrou, à l'Assemblée nationale, le 16 janvier. (Benoit Tessier/REUTERS)
publié le 20 janvier 2025 à 10h06

Jeudi 16 janvier, la majorité des députés socialistes a décidé de ne pas soutenir la motion de censure déposée par La France insoumise contre le gouvernement de François Bayrou. Avec seulement 131 votes favorables, dont 8 socialistes sur 66, le texte est resté loin des 289 voix nécessaires pour renverser l’exécutif. Alors que le PS a mis en avant les concessions obtenues, la décision du parti a suscité de vives tensions à gauche, où des accusations de trahison ont fusé depuis les rangs des insoumis. «Le PS fracture le NFP, mais il capitule seul», a dénoncé le même jour Jean-Luc Mélenchon sur le réseau social X.

Les anathèmes contre le PS ont redoublé samedi et dimanche, lorsque des militants ont découvert une information du média Acteurs publics. Sur X, le journaliste du média spécialisé dans l’information et les services dédiés aux acteurs publics Bastien Scordia avait indiqué que le gouvernement a déposé un amendement pour «maintenir la baisse (de 100 à 90 %) du “taux de remplacement” de la rémunération des agents publics durant leurs arrêts maladie», pendant les trois premiers mois. Le texte défendu par le ministre de l’Action publique, Laurent Marcangeli, a été examiné et adopté au Sénat samedi après-midi.

Concessions de François Bayrou

En citant le post du journaliste Bastien Scordia, le député LFI Hadrien Clouet a ironisé sur la naïveté des socialistes, dupés par François Bayrou, dont les promesses «auront duré vingt-quatre heures».

Dimanche, Jean-Luc Mélenchon a également visé les socialistes sur RTL, les accusant d’avoir «trompé tout le monde» : «Le gouvernement […] vient de proposer vient de proposer au Sénat : “Ok je renonce aux trois jours de carences mais je diminue le remboursement de 10 %”. Si bien que la nouvelle mesure qui est prise au nom du fait qu’on renonce aux trois jours de carence rapporte au gouvernement trois fois plus d’économie que la précédente mesure. Voilà ce qu’a obtenu le parti socialiste : des mensonges, de la fumée».

Qu’avait promis François Bayrou aux socialistes ? Jeudi 16 janvier, jour de motion de censure, les présidents des groupes socialistes à l’Assemblée nationale et au Sénat ont reçu une lettre du Premier ministre faisant état de ses concessions. Il y assurait que «dans la partie dépenses du projet de loi de finances, le gouvernement confirmera […] l’abandon de deux jours de carences pour les agents publics».

Alors que cette mesure faisait partie des économies prévues par le gouvernement Barnier avant sa chute, son abandon a suscité la satisfaction des syndicats. Le PS, dans un communiqué publié le 16 janvier, a vanté «une opposition qui arrache des victoires pour les Françaises et les Français» et a également mentionné, dans la liste des «victoires» : «Le passage d’un à trois jours de carence dans la fonction publique a été abandonné.»

En revanche, comme l’avait remarqué Libération, l’abandon du projet de baisse du taux d’indemnisation des arrêts maladie des agents publics, autre mesure prévue par le gouvernement Barnier, n’était lui pas mentionné dans le courrier listant les concessions de Bayrou au PS. Pas plus qu’il ne l’était dans le communiqué du PS recensant les «victoires» arrachées. Dans une dépêche AFP publiée jeudi, quelques minutes avant le vote de la motion de censure, le secrétaire général de l’Unsa fonction publique, Luc Farré, déplorait de son côté que «la suppression de cette mesure ne semble pas être à l’ordre du jour».

Le maintien de cette mesure n’est pas vraiment une surprise. Le 15 janvier, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, avait annoncé la couleur sur TF1 : «Sur les jours de carence, il a été discuté par le ministre de la Fonction publique et les syndicats de ne pas forcément aller sur deux jours de suppression, mais de conserver la mesure qui fait qu’on n’est indemnisé qu’à 90 % de son salaire. Ça sera discuté au Sénat». Difficile, dans ses conditions, d’affirmer comme Hadrien Clouet que Bayrou a trahi une promesse. Puisqu’il ne l’a jamais formulée.

Une demande du PS

Pour autant, l’amendement du gouvernement abaissant le taux de remplacement de la rémunération des agents publics durant leurs arrêts maladie affaiblit quelque peu la concession que le PS s’est targué d’obtenir concernant le retour sur la suppression des jours de carence. Auprès de l’AFP, le secrétaire général de FO fonction publique, Christian Grolier, insistait jeudi sur le fait que la baisse d’un taux d’indemnisation représentait une économie plus importante pour l’Etat, et donc une perte plus importante pour les fonctionnaires : «Si le ministre garde les 10 % de réduction de l’indemnisation des journées d’arrêt de travail, c’est là que ça tape le plus durement sur le porte-monnaie des agents.»

En septembre 2024, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, commandé par Gabriel Attal, estimait de fait que la suppression des trois jours de carences pourrait permettre d’économiser 289 millions d’euros par an. Tandis que celle visant à baisser l’indemnisation de 10 % des congés maladies était chiffrée à 900 millions d’euros.

Contacté par CheckNews, le député socialiste Jérôme Guedj assure que le PS a fait connaître son opposition à la mesure : «Nous avons exprimé de manière constante notre opposition à la mesure “arrêt maladie des fonctionnaires”, sur le volet jours de carence comme sur le volet baisse du plafond.» Ce que le député de l’Essonne a répété sur X, écrivant : «“Toucher” à l’aide médicale d’Etat, baisser l’indemnisation des arrêts maladie des fonctionnaires, imposer un jour de travail gratuit (sept heures) pour financer la sécu : c’était non avant. C’est toujours non.» De fait, et comme l’avait révélé Libé, la liste des 37 demandes du PS au gouvernement pour ne pas voter la censure comprenait bien le passage d’un à trois jours de carence dans la fonction publique mais aussi la réduction de leur prise en charge.

Mais l’échec des socialistes à obtenir gain de cause sur ce second point ne les a donc pas empêchés de valider le compromis. Interrogés à ce sujet, Jérôme Guedj et Olivier Faure n’ont pas répondu à notre demande.