Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

Gaza : ce que l’on sait de la distribution d’aide alimentaire qui a tourné au drame

Alors que le Hamas accuse l’armée israélienne d’avoir tué une centaine de Palestiniens, jeudi matin, près d’un convoi humanitaire, Tsahal reconnaît, après un «mouvement de foule», des tirs de soldats se sentant «menacés» lors d’un incident distinct ayant lieu à proximité.
Après le drame, jeudi 29 février. (Reuters)
publié le 1er mars 2024 à 19h42

Jeudi 29 février, 112 Palestiniens ont été tués et plusieurs centaines ont été blessés alors qu’ils tentaient de récupérer de la nourriture transportée dans des camions humanitaires à Gaza. Le décompte provient du ministère de la Santé de la bande de Gaza, contrôlé par le Hamas, qui met en cause l’armée israélienne. Tsahal, qui dénombre pour sa part des «dizaines d’habitants tués et blessés», affirme être intervenue pour sécuriser un convoi humanitaire, menacé par des mouvements de foule. Selon les images diffusées par Al-Jazeera et par Tsahal, les faits se sont déroulés vers 4 heures et demie du matin, le long de la route Al-Rashid, au niveau du rond-point Al Nabulsi, dans l’ouest de Gaza.

Plusieurs témoignages de journalistes et de civils palestiniens recueillis par des médias internationaux indiquent que des soldats israéliens auraient tiré sur la foule venue chercher de la nourriture sur les camions humanitaires. «Nous sommes allés chercher de la farine. L’armée israélienne nous a tiré dessus», raconte ainsi un témoin à Al-Jazeera. Sur des images filmées de nuit par la chaîne qatarie, on entend plusieurs tirs puis on aperçoit des Palestiniens fuir en courant.

A l’hôpital Al-Shifa, l’agence de presse américaine AP a, de son côté, rencontré un homme blessé à la jambe. Il raconte s’être rendu au point de distribution au milieu de la nuit après avoir entendu parler d’une livraison de nourriture. Selon son récit, les troupes israéliennes auraient ouvert le feu sur la foule alors que les gens récupéraient des sacs de farine et des conserves des camions humanitaires. Selon lui, les tirs ont provoqué la dispersion des Palestiniens. Puis lorsque les coups de feu se sont éteints, la foule s’est approchée à nouveau des camions. Il assure avoir alors été blessé par un tir à la jambe, sur laquelle a ensuite roulé un camion.

Selon les témoignages de ces Palestiniens, les mouvements de panique auraient eu lieu après les tirs des soldats israéliens, causant le décès de personnes écrasées par la foule mais aussi par les véhicules du convoi. «La plupart des personnes tuées ont été fauchées par les camions d’aide pendant le chaos et alors qu’elles tentaient d’échapper aux tirs israéliens», indique à CNN le journaliste palestinien Khader al-Za’anoun, présent sur place.

Mise en cause, l’armée israélienne a réagi tout au long de la journée de jeudi. D’abord en évoquant la responsabilité des Palestiniens, qui ont «encerclé les camions» et «pillé les fournitures». Dans un message publié à la mi-journée, Tsahal note ainsi que «des dizaines de Gazaouis ont été tués et blessés car piétinés ou écrasés par des camions». Sans développer sur les raisons de ce mouvement de foule.

Tsahal joint alors des vidéos de surveillance aérienne, captées par ses drones. Sur ces images en noir et blanc, on distingue des centaines de personnes se dirigeant vers des camions, qui se retrouvent à l’arrêt. Sur d’autres extraits, les camions continuent d’avancer malgré la foule dense qui les entoure.

Il faut attendre la soirée de jeudi pour que le porte-parole anglophone de Tsahal, Daniel Hagari, reconnaisse que des chars qui assuraient la sécurité du corridor humanitaire ont «dispersé la foule avec quelques tirs d’avertissement» en l’air. Mais seulement, selon lui, parce qu’ils ont vu des Gazaouis «se faire piétiner» à proximité du convoi. Daniel Hagari assure que les faits se sont déroulés à 4 h 45 du matin. Lors de cette intervention, le porte-parole affirme avec insistance «qu’aucune frappe des forces israélienne n’a été menée en direction du convoi d’aide».

Plus tard, d’autres porte-parole de Tsahal reconnaissent que l’armée israélienne a tiré sur des Palestiniens, à l’occasion d’un deuxième incident (le premier correspondant au mouvement de foule mortel et les camions qui auraient roulé sur des Gazaouis). Le francophone Olivier Rafowicz décrit sur France Info l’intervention «d’éléments militaires» de Tsahal : «Pas beaucoup plus tard, à quelques centaines de mètres, il y a un autre mouvement. Mais là, il y a les forces de Tsahal qui assurent la jonction entre le sud et le nord de la bande Gaza, qui est, à ce niveau, divisée en deux parties. Et là, il y a des tirs [palestiniens] vers les forces de Tsahal. Et des mouvements d’hommes qui veulent menacer, tuer les forces de Tsahal. Je vous rappelle qu’il y a une guerre avec des éléments du Hamas dans la bande de Gaza.» Comme Daniel Hagari, il affirme que «ce n’est pas le convoi qui a été attaqué», mais les Palestiniens qui s’approchaient des soldats israéliens, qui ont donc tiré car ils se sentaient menacés.

Son collègue, Avi Hyman, a également admis auprès de CNN des tirs de soldats israéliens. Expliquant que «la foule s’approchait des forces [israéliennes] d’une manière qui constituait une menace pour les troupes, qui ont répondu à la menace par des tirs réels». Selon les quotidiens israéliens Haaretz et The Times of Israel, des soldats israéliens auraient fini par viser les jambes de ceux qui continuaient à avancer vers eux. Citant les éléments de l’enquête de l’armée israélienne, Times Of Israel précise que les tirs auraient eu lieu alors que des Palestiniens se dirigeaient vers un char et un point de contrôle israélien. Tsahal affirme que ses tirs n’ont pas fait plus de dix victimes.