La situation est devenue très difficile, lundi, dans plusieurs hôpitaux de Gaza, dont le plus important d’entre eux, Al-Shifa, situé dans le nord-ouest du territoire. Depuis samedi, l’absence d’électricité, couplée au manque de fuel pour faire fonctionner les générateurs, aurait conduit, dans cet établissement, au décès de 27 patients en soins intensifs et de 7 bébés prématurés, selon le vice-ministre de la Santé dépendant du Hamas, Youssef Abou Rich, cité par l’AFP. Un bilan que CheckNews n’est pas en mesure de confirmer.
Contactée, l’organisation Médecins sans frontières (MSF) nous indiquait, de son côté, que deux bébés qui étaient en couveuse étaient morts samedi, selon l’un de leurs chirurgiens présents sur place, joint lundi matin par l’ONG. «La même source nous disait qu’il y avait encore 37 bébés [sur les 39 à l’origine, ndlr], alors que les couveuses ne fonctionnent plus», rapporte MSF.
Il y aurait également encore 600 patients dans l’établissement. «Des gens vont mourir dans quelques heures sans respirateurs en état de fonctionner», selon le chirurgien de l’organisation cité par MSF.
Le New York Times, pour sa part, faisait état, lundi, de trois bébés décédés à Al-Shifa depuis samedi, selon un infirmier de l’établissement joint par le quotidien américain.
Du carburant déposé par Tsahal
Dimanche soir, l’armée israélienne a diffusé sur X une vidéo montrant des soldats déposer une dizaine de jerricans aux côtés de blindés. Avec ce commentaire : «Nos troupes ont risqué leurs vies pour délivrer à la main 300 litres de carburant à l’hôpital Al-Shifa pour les besoins médicaux urgents.» Et de poursuivre : «Le Hamas a interdit à l’hôpital de le prendre. Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, avertit depuis des semaines que ses hôpitaux manquent de carburant. Dans ce cas, pourquoi empêcher l’hôpital d’en recevoir ?»
La scène a été géolocalisée à près de 400 mètres de l’hôpital Al-Shifa par le groupe d’Osint Geoconfirmed (l’armée israélienne a reconnu dans son briefing avoir déposé le carburant à quelques centaines de mètres).
GeoConfirmed ISR-PAL.
— GeoConfirmed (@GeoConfirmed) November 13, 2023
"IDF soldiers placing jerrycans with fuel at the crossroad of Al-Naser and Omar Al Mukhtar Street, next to the Palestinian Legislative Council."
31.520432, 34.443504
note: Less than 300m from the hospital.
GeoLocated by @hugeglassofmilk https://t.co/KbKtc4FKbv
Le contexte et l’issue de cette livraison restent cependant flous. L’armée israélienne affirme que le ministère de la Santé, dirigé par le Hamas, a empêché l’hôpital de prendre possession du carburant. Une version contestée par le Dr Ashraf Al-Qudra, porte-parole du ministère de la Santé de Gaza. Selon le New York Times, ce dernier aurait déclaré qu’une offre aurait été faite par téléphone pour 200 litres – et non 300 – et que cette proposition aurait été rejetée par le directeur de l’hôpital, car jugée insuffisante pour les besoins de la structure (10 000 litres de fuel par jour pour trois générateurs lorsque l’hôpital fonctionnait à plein régime, selon MSF).
Enregistrement sans contexte
Le New York Times rapporte également cette citation du porte-parole du ministère de la Santé : «Prendre ce carburant donnerait à Israël le mérite d’autoriser l’entrée de carburant à Gaza», alors qu’Israël interdit l’importation de carburant dans l’enclave depuis le 7 octobre. De son côté, Reuters cite un communiqué du Hamas qui nie être à l’origine du refus, tout en dénonçant «cette offre [qui] minimise la douleur et la souffrance des patients qui sont piégés à l’intérieur, sans eau, sans nourriture et sans électricité. Cette quantité n’est pas suffisante pour faire fonctionner les générateurs de l’hôpital pendant plus de trente minutes».
Ce à quoi l’armée israélienne a répondu en brandissant un enregistrement de neuf secondes (court et sans contexte) en arabe, dans lequel un membre du système de santé expliquerait que ce serait bien le sous-secrétaire du ministère palestinien de la Santé qui aurait obligé l’hôpital Al-Shifa à refuser le précieux carburant.
Enfin, dans une interview avec Al-Jazeera, le directeur de l’hôpital, de son côté, a expliqué avoir décidé de ne pas aller chercher le carburant de son propre chef pour des raisons de sécurité : «J’ai honnêtement refusé, car il est très dangereux pour quiconque d’aller le prendre à un endroit où il y a constamment des tirs, des affrontements et des bombardements.»
CheckNews n’est pas en mesure, à cette heure, de corroborer les différentes versions brandies par les deux camps.
Alors qu’un journaliste de l’AFP a rapporté que «des chars, des blindés et des véhicules de transport de troupes israéliens encerclent les abords» de l’hôpital, Tsahal assurait lundi qu’un «couloir» d’évacuation resterait en place pour permettre aux civils de quitter l’établissement, tout en admettant que ce secteur était en proie à «d’intenses combats».