Un hôpital de Gaza, bombardé jeudi 9 novembre au soir, abritait-il des combattants du Hamas? C’est ce qu’a déclaré l’Etat d’Israël sur X dans un message publié vendredi matin. «Images de terroristes du Hamas à l’intérieur de l’hôpital indonésien à Gaza», écrit le compte @Israel. Suivi de: «Le Hamas met en danger les malades, les personnes âgées, les enfants, les civils innocents».
Pour appuyer son affirmation, le compte officiel de l’Etat hébreu relaye une vidéo de la chaîne Al-Jazeera, où l’on peut voir une foule amassée dans le couloir d’entrée de l’établissement. Dans le fond de l’image, encadrée par un rectangle rouge sur la vidéo, on aperçoit à plusieurs reprises, dressé au-dessus des gens, ce que le compte de l’Etat d’Israël semble considérer comme une arme à feu.
Le compte de l’Etat hébreu reprend en fait une vidéo largement diffusée sur des comptes pro-israéliens, où les internautes suggèrent que l’objet brandi est une arme, et que la chaîne qatarie a diffusé les images «par erreur».
Trois jours plus tôt, un porte-parole de l’armée israélienne avait accusé l’hôpital indonésien de dissimuler des infrastructures du Hamas. «Je vais vous montrer la raison pour laquelle ils ont construit l’hôpital là-bas. Sans surprise, le Hamas a construit l’hôpital au-dessus de ses infrastructures terroristes», déclarait sur YouTube le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari. Une déclaration vivement réfutée par le gouvernement indonésien dans un communiqué, qui affirmait que cet établissement, «construit par le peuple indonésien», était «entièrement [dédié] à des fins humanitaires et pour répondre aux besoins médicaux du peuple palestinien à Gaza».
Objet brandi à plusieurs reprises
S’il est impossible de confirmer ou d’infirmer la déclaration de Tsahal selon laquelle cet établissement abrite des infrastructures du Hamas, il apparaît délicat, en revanche, de s’appuyer sur cette vidéo pour en faire la démonstration.
CheckNews a pu consulter une dizaine de vidéos prises pendant et après l’impressionnant pilonnage (filmé par différentes personnes présentes) qui a rasé plusieurs bâtiments à quelques dizaines de mètres de l’hôpital indonésien, jeudi soir vers 18h30 heure locale (17h30 heure française). Ce bombardement, dont le bilan n’est pas connu, fait partie de différentes frappes ayant au lieu autour des infrastructures de santé à Gaza ces dernières vingt-quatre heures. En plus de l’hôpital indonésien, situé à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, ont également été touchés l’hôpital al-Shifa (quartier de Rimal) et al-Rantisi (Rimal), selon le ministère de la Santé palestinien.
La vidéo relayée par l’Etat hébreu se déroule juste après les frappes. Prise dans le hall d’entrée de l’hôpital, on y voit des dizaines de personnes entrer pour se réfugier dans le centre de santé, tandis que d’autres essayent de sortir. Dans cette cohue, un objet est brandi à plusieurs reprises au-dessus de la foule à côté de cet accès.
Un tonfa pour guider la foule ?
Mais sur des images de meilleure qualité diffusées sur la chaîne YouTube d’Al-Jazeera, rien ne laisse penser qu’il s’agit d’une arme à feu. Aucune arme n’est d’ailleurs visible dans les différentes vidéos (de sources variées) consultées par CheckNews.
La forme de l’objet pointé par le compte Twitter d’Israël correspond davantage à un tonfa (matraque), comme on peut le voir sur cet arrêt sur images réalisé par CheckNews.
Une piste corroborée par d’autres images. En effet, deux hommes sont visibles dans une autre vidéo avec un tonfa devant l’hôpital, quelques instants après la frappe, quand les premiers brancards commencent à arriver. Ces derniers, tous deux affublés de casquettes, semblent donner des instructions aux passants et aux secours, sans que leur fonction ne soit clairement identifiable.
On retrouve d’ailleurs l’un d’eux (avec le pull à rayure) dans une autre vidéo prise plus tôt, à l’intérieur, accélérant l’entrée des personnes au niveau de la porte au moment du mouvement de panique, juste avant la vidéo d’Al-Jazeera.
Sans pouvoir être affirmatif, les mouvements de l’homme filmé dans le hall, brandissant ce qui semble être un tonfa, s’apparentent également, dans le contexte de panique consécutif au bombardement, à des gestes destinés à guider la foule.