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Gouvernement Bayrou : que sait-on de la liste classée «très confidentiel» circulant sur les réseaux sociaux ?

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Une liste de personnalités supposément pressenties pour entrer au gouvernement a été largement diffusée, mardi 17 décembre. Mais son origine est inconnue, et son contenu très douteux.
L'hôtel Matignon à Paris, le 13 décembre. (Albert Facelly/Libération)
publié le 18 décembre 2024 à 19h22
Question reçue le 17 décembre 2024

Bruno Retailleau reste à Beauvau, Gérald Darmanin hérite du Quai d’Orsay, Elisabeth Borne s’empare des Armées, et Xavier Bertrand est propulsé à la Santé. A en croire une liste qui circule en ligne depuis mardi 17 décembre, les jeux sont déjà faits pour le futur gouvernement de François Bayrou. Pourtant, le Premier ministre assure que rien n’a encore été décidé et poursuit ses consultations.

«Voici la liste des membres du nouveau gouvernement Bayrou», annonce ainsi un article publié mardi par le site d’information Economie Matin, un média dont la fiabilité a déjà été mise en cause (pour avoir publié de faux contenus au profit de l’agence Avisa Partners). L’article explique qu’il ne s’agit rien de moins que de «la liste des ministres proposée par François Bayrou à Emmanuel Macron». On y «apprend» ensuite que «Rachida Dati garde sa place à la Culture. Même chose pour Marc Ferracci, qui reste en poste au ministère de l’Energie et de l’Industrie […], Roland Lescure hérite de la patate chaude en décrochant le ministère de l’Economie […]. La chaise musicale continue pour Catherine Vautrin, puisqu’elle remplace Anne Genetet à l’Education nationale […]. Jean-Noël Barrot devrait lui aussi changer de portefeuille, passant ainsi du ministère des Affaires de l’Europe et des Affaires étrangères à celui de la Justice.» Dans la foulée, Politique Matin, autre média du même groupe, s’est empressé de mettre en ligne un article à partir des mêmes éléments, également titré «Voici la composition du premier gouvernement de François Bayrou».

Dans leurs articles, Economie Matin et Politique Matin affirment se baser sur «une source parlementaire». Mais, auprès de CheckNews, Axelle Ker, la rédactrice d’Economie Matin, évoque «un collaborateur ministériel du camp macroniste» qui lui a fait passer la liste. Selon elle, le document contient «l’hypothèse de travail qui circule dans les formations centristes», et qui est utilisée dans le cadre des «tractations politiques».

«Nostradamus du mercato»

Les médias d’extrême droite se sont aussi mêlés à la partie. «D’après nos informations, Gérald Darmanin et Elisabeth Borne devraient faire leur retour au sein du gouvernement Bayrou», écrit Radio Courtoisie sur le réseau social X. A l’antenne d’Europe 1, le journaliste Gauthier Le Bret, téléphone en main, précise quand même que «c’est à prendre avec d’énormes pincettes». Et l’animateur Cyril Hanouna de commenter : «Gérald Darmanin, j’y crois. Il a remis une cravate à l’Assemblée aujourd’hui. C’est un signe.»

Enfin, des articles ont été dédiés spécifiquement à des personnalités dont les noms figurent dans la liste. Le Bien public, journal régional diffusé en Côte-d’Or, souligne ainsi que deux élus locaux hériteraient d’un ministère. La présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, serait nommée à la Transition écologique. Et le président de Dijon Métropole, François Rebsamen, serait chargé des Territoires et Collectivités territoriales. Quant à Patrick Bayeux, auteur du blog «Décideurs du sport», il s’épanche sur le profil de Violette Spillebout, députée macroniste qui deviendrait secrétaire d’Etat chargé des Sports et de la Jeunesse.

En parallèle, des photos d’un document imprimé, surmonté de la mention «très confidentiel», intitulé «architecture gouvernementale au 17.12.2024», et contenant exactement la même liste, ont été relayées sur les réseaux sociaux. Toute la journée de mardi, ces images sont, de fait, passées de téléphone en téléphone, entre conseillers ministériels, collaborateurs parlementaires et journalistes – y compris ceux de Libération. Mais aucun des journalistes politiques consultés par CheckNews ne revendique prendre au sérieux son contenu.

Pour cause, chaque remaniement ministériel s’accompagne de son lot de noms, même s’il est plus inhabituel qu’une liste circule de manière aussi formelle, imprimée sur papier avant d’être photographiée. Les rédacteurs de la newsletter Playbook Paris de Politico glissent ainsi qu’ils ont, «comme d’habitude, adoré recevoir ce document – ainsi que la moitié de Paris – lequel, de source inconnue, était évidemment classé “très confidentiel”, et sera sans doute le premier d’une longue série». Et de renvoyer vers une précédente édition de la newsletter. Datant de mai 2022, elle rendait déjà «hommage aux Nostradamus du mercato, esprits malicieux et souvent inventifs à l’origine de listes de ministres parfois farfelues. Pas moins de quatre, toutes différentes, nous sont parvenues par SMS ou autres messageries cryptées, circulant de smartphone en smartphone, de cabinets en rédactions».

«L’intox circule à chaque remaniement»

Sur les réseaux, où il rapporte avoir été destinataire de cette liste, le journaliste Nils Wilcke insiste lui aussi sur la récurrence de ces listes. Un document «censé révéler la liste du futur gouvernement de Bayrou a été envoyé aux journalistes (dont votre serviteur), fait-il savoir sur X. C’est le cas à chaque remaniement». Sur Mastodon et Bluesky, il ajoute : «L’intox circule à chaque remaniement ou changement de gouvernement, souvent lancé par des ministrables en mal de soutien, sans aucune réalité.»

Interrogé par CheckNews, Nils Wilcke évoque «une liste fantaisiste», qui lui aurait été transmise par «un conseiller ministériel». Mais ne précise ni quel cabinet ni s’il appartient au «camp macroniste», comme la source présumée d’Axelle Ker. Ce conseiller voulait «juste savoir si je l’avais vu tourner, avoir mon avis et rigoler un peu. Rien de plus», indique-t-il.

Parmi les «fantaisies» qui n’ont pas échappé à CheckNews, l’une des personnes supposément pressenties voit son nom mal orthographié. Président de l’Université Paris-Saclay, Camille Galap est devenu dans la liste «Camille Gallape». Et le journaliste de Politique Matin, visiblement troublé par son prénom mixte, le prend pour une femme : «Universitaire reconnue, elle pilotera les réformes pour l’enseignement supérieur et la recherche.» Rien de très sérieux, donc.