Après deux jours de protestations tendues contre les services de l’immigration à Los Angeles, la Maison Blanche a annoncé samedi 7 juin à 18 h 49 (heure locale) le déploiement de 2 000 gardes nationaux, en invoquant la nécessité de répondre à des attaques présumées contre des agents fédéraux. Dans la foulée, Donald Trump s’en est pris au gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, et à la maire de Los Angeles, Karen Bass, accusés de «ne pas faire leur boulot, ce que tout le monde sait».
Gavin Newsom a qualifié cette décision de «délibérément incendiaire», affirmant sur X que Trump déployait la garde nationale «non pas par manque de forces de l’ordre, mais parce qu’ils veulent du spectacle», et ajoutant : «Ne leur en donnez pas. N’utilisez jamais la violence. Exprimez-vous pacifiquement.»
Donald Trump a mobilisé les troupes de la garde nationale en invoquant le titre 10 du code des forces armées, un dispositif normalement réservé à des situations extrêmes : invasion, rébellion ou incapacité des forces régulières à faire respecter la loi. Cette décision soulève des questions juridiques, notamment sur la possibilité d’un tel déploiement sans l’accord de l’Etat de Californie. Des experts en droit et l’American Civil Liberties Union, une organisation de défense des droits civiques, interrogés par le Los Angeles Times, dénoncent une dérive autoritaire et l’usage inédit de pouvoirs d’exception pour réprimer des manifestations.
C’est la première fois depuis 1965 qu’un président active la Garde nationale d’un État sans la demande du gouverneur de cet État, selon Elizabeth Goitein, directrice du programme Liberté et sécurité nationale du Brennan Center for Justice, une organisation juridique et politique indépendante, citée par le New York Times. A l’époque, affirme la spécialiste, le président Lyndon B. Johnson avait envoyé des troupes en Alabama pour protéger les manifestants pour les droits civiques.
Dans les heures suivant l’annonce présidentielle, un certain flou régnait sur le déploiement effectif des soldats. Sur les réseaux sociaux, nombreux commentateurs, parfois image à l’appui, affirmaient que la garde nationale était en action dans la cité californienne. Une confusion entretenue par le Président. Dès samedi soir, à 23 h 41, dans une publication partagée sur son réseau social Truth Social, il saluait l’«excellent travail de la garde nationale à Los Angeles après deux jours de violence, d’affrontements et de troubles». Le tout accompagné de nouvelles piques soulignant l’incompétence du gouverneur et de la maire, opposés à l’intervention de ces troupes militaires.
«Au moins dans le centre-ville»
Un propos démenti rapidement par la maire de Los Angeles : «Pour être clair, la garde nationale n’a pas été déployée dans la ville de Los Angeles» a signalé Karen Bass dans une publication partagée sur X, à 00 h 22, où elle remerciait uniquement la police de Los Angeles, les forces de l’ordre locales et le gouverneur Newsom.
En images
De fait, comme le rapportait le Washington Post, la garde nationale n’était toujours pas déployée dans les rues de Los Angeles samedi soir, lors des félicitations du Président. «On nous a dit que la garde nationale avait été déployée, mais elle n’est pas encore sur les lieux ni sur le terrain», a déclaré le shérif adjoint Tracy Koerner vers 1 h 45, heure locale. Cette absence sur le terrain a également été confirmée la chaîne NBC dans son direct, vers 1 heure du matin, heure locale.
Interrogé par le New York Times, Bilal A. «Bill» Essayli, le procureur intérimaire du district central de Californie, a indiqué que les 2 000 troupes de la garde nationale seraient déployées dans les vingt-quatre heures, et sont donc attendues ce dimanche «au moins dans le centre-ville de Los Angeles» pour «se concentrer principalement sur la protection des propriétés fédérales».
Des images des émeutes et de l’intervention des forces de l’ordre, parfois lourdement équipées, ont pu semer la confusion sur l’intervention supposée des troupes de la garde nationale.
Dimanche matin, la chaîne d’information ABC 7 Eyewitness News a filmé la présence des premières troupes de la garde nationale déployées dans le quartier de Downtown Los Angeles, ainsi que des vidéos montrant l’arrivée des soldats durant la nuit de samedi à dimanche.
Une information confirmée à 8 heures (heure locale) par le commandement Nord des États-Unis sur les réseaux sociaux, affirmant que des éléments de la 79e Brigade d’infanterie de la Garde nationale de Californie avaient commencé à se déployer dans la région de Los Angeles, certains étant déjà sur le terrain.
Une heure plus tard, cette même source indiquait que 300 membres de la Garde nationale de Californie avaient été déployés dans un premier temps, dans trois points de la zone de Los Angeles.
Selon le New York Times, les soldats ont pour mission de défendre les biens fédéraux et le personnel fédéral dans la zone opérationnelle de Los Angeles et de ses environs, et ont été informés de leurs règles d’engagement, notamment concernant le recours à la force contre les manifestants. Mais les responsables du Pentagone n’ont pas précisé publiquement quelles étaient ces règles d’engagement.
Peu après 16 heures (heure locale), et alors que les troupes étaient déployées depuis plusieurs heures, le gouverneur démocrate de Californie Gavin Newsom a réitéré son opposition, affirmant dans un message posté sur X avoir «officiellement demandé à l’administration Trump d’annuler son déploiement illégal de troupes dans le comté de Los Angeles et de les renvoyer sous mon commandement.» Et de conclure : «Nous n’avions pas de problème avant l’intervention de Trump. Il s’agit d’une grave atteinte à la souveraineté des États : elle exacerbe les tensions tout en détournant les ressources là où elles sont réellement nécessaires.»
Mise à jour à 17h30 avec l’annonce par ABC 7de l’arrivée de la Garde nationale. Puis avec la mention des 300 soldats sur le terrain.