L’annonce a été faite par le ministre de l’Economie dans le Parisien : les retraites de base «seront revalorisées de 5,2 % au 1er janvier prochain». L’objectif, selon Bruno Le Maire, étant «de protéger tous les retraités contre l’inflation». Concernant les minima sociaux, ils seront augmentés, au 1er avril, «de l’ordre de 4,6 % environ».
Dès ces chiffres rendus publics, certains internautes se sont étonnés de cette revalorisation importante des pensions. Tel David Cayla, professeur d’économie à l’université d’Angers, qui a fait remarquer sur Twitter (renommé X) que les retraités seront particulièrement bien traités l’année prochaine par rapport à d’autres catégories.
L'inflation pour les retraités: +5,2%
— David Cayla (@dav_cayla) September 27, 2023
L'inflation pour les contribuables: + 4,8%
L'inflation pour les épargnants (livret A): +3%
L'inflation pour les fonctionnaires: + 1,5%
Moralité. Plus on est productif, moins on est protégé de la hausse des prix. pic.twitter.com/h8X4L2qmut
Plusieurs éditorialistes de droite, telle Eugénie Bastié, ont également déploré un «coup de pouce» aux retraités, ironisant sur une France devenue «Boomerland».
Prévisions
Les retraités, qui représentant un électorat important pour la macronie, ont-ils été particulièrement chouchoutés par l’exécutif ? Cette prévision de hausse des pensions correspond en réalité à l’application de la loi. Et notamment à l’article L161-25 du code de la Sécurité sociale, qui dispose, de façon un peu obscure, que «la revalorisation annuelle [des pensions] est effectuée sur la base d’un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Insee l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées».
Traduction : la hausse des retraites correspond à l’évolution de la moyenne des indices mensuels des prix – hors tabac donc – de novembre 2022 à octobre 2023, par rapport à la même période un an avant. Or l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) n’est connu que jusqu’en août 2023. Pour septembre et octobre, il faut s’appuyer sur des prévisions. Celles du gouvernement conduisent, in fine, à une évolution des retraites de 5,2 %. En prenant les prévisions de l’Insee pour septembre et octobre, CheckNews parvient à un résultat similaire (5,23 %). La loi est donc ici respectée.
A noter, surtout, qu’il ne s’agit là que de prévisions. Ce n’est qu’en novembre, à la suite de la publication de l’IPCHT d’octobre par l’Insee, que les caisses de retraites pourront calculer la véritable hausse devant s’appliquer aux pensions au 1er janvier 2024.
Même formule appliquée
Concernant les minima sociaux, qui ne progresseraient que de 4,6 % au 1er avril, le cabinet de Bruno Le Maire précise que cette moindre hausse est liée au fait que le taux n’est pas calculé sur la même période. En effet, la revalorisation, qui dépend de la même formule, étant fixée au 1er avril, ce sont les IPCHT de février 2022 à janvier 2023 qui sont pris en compte. Soit une période plus récente où l’inflation commence à ralentir. Avec ses prévisions d’inflation, le gouvernement table ainsi sur 4,6 % de hausse des minima sociaux, pour ce qui n’est – là encore – qu’une prévision. Mais c’est bien la même formule, collée à l’inflation, qui sera appliquée.
Contacté par CheckNews, David Cayla évoque un message «humoristique». Mais précise néanmoins que sur le fond, «le gouvernement joue un peu avec l’inflation, en l’appliquant strictement pour les retraités, mais pas vraiment pour les contribuables par exemple, puisque l’inflation moyenne en 2023 est attendue à 5 % et que le barème de l’impôt sur le revenu n’a été relevé que de 4,8 %».
Ce qui est vrai également, c’est que l’exécutif, s’il en avait fait le choix, aurait pu déroger au code de la Sécurité sociale et sous-indexer la revalorisation des pensions par rapport à l’inflation. En 2020, il avait même différencié la hausse en fonction du montant des pensions (1 % en dessous de 2 000 euros de pensions tous régimes et 0,3 % pour les pensions au-dessus de 2 000 euros).