Question posée sur Twitter
Ce 13 avril, une vidéo aux couleurs de la BBC sur la frappe de la gare de Kramatorsk a commencé à circuler massivement dans les sphères pro-Kremlin. Cette dernière affirme que les missiles qui ont tué 52 civils vendredi 8 avril dans la ville de l’est de l’Ukraine sont en fait des missiles ukrainiens. Problème : la BBC n’a jamais publié une telle vidéo.
#Russian propagandists faked a video and overlaid it with @BBCNews-style credits to blame #Ukraine for the rocket attacks on civilians in #Kramatorsk. Now this video is being actively rebroadcast by pro-Kremlin propagandists.
— NEXTA (@nexta_tv) April 13, 2022
There is no such video on the official BBC website. pic.twitter.com/R8cdKubC8O
En apparence, il est quasiment impossible de distinguer la séquence d’une minute et trente seconde des formats que le média britannique diffuse régulièrement : du logo animé à la police d’écriture en passant par l’habillage du texte en anglais, tout est similaire.
La teneur des propos interroge néanmoins. Le texte embraye dès les premières secondes sur le narratif prorusse, à savoir que le numéro de série retrouvé sur le missile balistique Tochka-U à côté de la gare est similaire à ceux retrouvés sur des lieux frappés par l’Ukraine. Contrairement à ce que prétend la Russie, ces systèmes de missiles balistiques soviétiques sont aussi bien utilisés par Moscou que par Kyiv. Mais bien que la propagande russe se soit d’abord emmêlé les pinceaux en parlant dans un premier temps d’une frappe sur des cibles militaires ukrainiennes, Moscou attribue maintenant très officiellement cette frappe à l’Ukraine (comme elle le fait quasi systématiquement).
La vidéo continue dans ce sens et étaye son propos avec les éléments qui circulent depuis plusieurs jours dans les canaux prorusses : la correspondance des numéros de série des missiles, le silence des médias ukrainiens et la culpabilité ukrainienne sur cette frappe. «Des experts militaires affirment que l’Ukraine a souvent commencé à utiliser des fausses informations pour promouvoir sa position», est-il mentionné dans la séquence. Aucune mention n’est faite de la campagne de désinformation menée par la Russie. La vidéo aborde ensuite des déclarations du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui se serait «plaint qu’on lui demande des preuves de l’implication russe dans le “massacre de Boutcha” [entre guillemets dans le texte, ndlr]». Mardi 12 avril, le Président russe a qualifié ces exactions de «Fake».
Autre élément qui vient fragiliser la véracité de la vidéo, on n’en retrouve aucune trace sur le site de la BBC ou sur ses réseaux sociaux. Plusieurs journalistes du média britannique comme Marianna Spring, ou Shayan Sardarizadeh, spécialisés dans la désinformation, ont confirmé sur Twitter que la vidéo en question est un faux.
There’s a fake video with BBC News branding circulating online - which suggests Ukraine was responsible for last week’s missile attack on Kramatorsk train station. Be wary of posts you’re sharing.
— Marianna Spring (@mariannaspring) April 13, 2022
Listen to the war on truth pod - and here’s top tips for spotting disinfo. https://t.co/bmQYs6Yrb9
Notons que contrairement à ce que prétend la vidéo, les numéros de série retrouvés sur les reste du missile Tochka-U de Kramatorsk ne permettent pas d’attribuer cette frappe à Kyiv. Analyste spécialisé en armement qui suit avec attention l’arsenal déployé, Neil Gibson explique à CheckNews : «Sans accès aux données classifiées sur les munitions et les tables d’exportations, le numéro de série ne signifie rien quant à savoir qui est ou n’est pas responsable.»
Il n’est donc pour l’instant pas possible d’affirmer avec certitude à qui appartient ce missile. Parce que les deux camps utilisent les mêmes armements, l’attribution d’une frappe nécessite un travail complexe. CheckNews, comme plusieurs équipes d’investigation de médias et d’ONG, travaille sur le sujet. La BBC a publié un article (bien réel, celui-là) ce mercredi matin qui analyse le type de munitions utilisées dans la frappe de Kramatorsk, mais sans attribuer la frappe.