Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

Jean Castex peut-il rester Premier ministre jusqu’aux législatives ?

Election Présidentielle 2022dossier
Si rien ne l’y oblige, il est d’usage que le chef du gouvernement présente sa démission après des élections présidentielle ou législatives.
Jean Castex à l'Elysée, le 6 avril. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 2 mai 2022 à 10h16
Question posée par Alleno, Bastien et Elliot, les 28 et 29 avril

Fraîchement réélu, Emmanuel Macron dispose d’un gouvernement et d’une majorité parlementaire conforme à sa famille politique. Jean Castex annonçait pourtant, le 19 avril, soit pendant l’entre-deux-tours, qu’il démissionnerait «dans les jours qui suivent» si le Président était reconduit à l’Elysée. Interrogé au micro de France Inter, le Premier ministre voyait dans cette décision le respect d’une «tradition républicaine». Chose dite mais pas encore chose faite, plus d’une semaine après le résultat des urnes.

Cette situation politique, sous la Ve République, est inédite depuis plusieurs décennies. Pour trouver un Président réélu avec un gouvernement et une majorité à l’Assemblée de la même couleur politique, il faut remonter à l’élection présidentielle de 1965. Le chef d’Etat en exercice, Charles de Gaulle, sort en tête des urnes avec 55,2 % des suffrages, devant François Mitterrand (44,8 %). Quelques jours après sa réélection, son Premier ministre depuis 1962, Georges Pompidou, lui présente alors sa démission et celle de son gouvernement. Pourtant, rien, en droit, ne l’y obligeait.

«Démission de courtoisie»

Dans la Constitution de 1958, il est seulement précisé, à l’article 8 (al. 1er) : «Le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement». Et à l’article 50 : «lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement».

En pratique, tous les Premiers ministres de la Ve République en exercice au moment de l’élection présidentielle ont toutefois présenté leur démission dans les jours suivant le second tour, sans même être désapprouvés par l’Assemblée nationale (donc hors du cadre de l’article 50).

«Il est d’usage que le Premier ministre présente sa démission à la fin d’un mandat présidentiel ou législatif», résume ainsi Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Panthéon-Assas. «Il n’y a rien dans la Constitution ni dans les lois organiques indiquant qu’il doit présenter sa démission. C’est un usage conventionnel de la Ve République», complète l’enseignant chercheur. On parle alors de «démission de courtoisie».

Cette tradition permet au président élu de tenir compte des résultats électoraux, en faisant le choix de reconduire son Premier ministre ou d’en désigner un nouveau. En 1965, Charles de Gaulle décidait ainsi de renommer Georges Pompidou à Matignon.

Ces dernières décennies, François Mitterrand (en 1988), puis Jacques Chirac (en 2002), ont également effectué deux mandats consécutifs. Mais avec une particularité : la cohabitation. Le Premier ministre sortant, issu de la majorité à l’Assemblée nationale, était d’une couleur politique opposée à celle du Président réélu. Dans ces deux cas, Michel Rocard et Jean-Pierre Raffarin étaient alors entrés à Matignon quelques jours après le second tour de la présidentielle, actant une nouvelle situation politique.

Deux usages

Les échéances du 13 mai, date à laquelle le premier mandat d’Emmanuel Macron prend fin, et du 12 juin, premier tour des législatives, rendent «relativement logique une démission du Premier ministre», selon Benjamin Morel. Cependant, «rien n’oblige Jean Castex à présenter sa démission».

Au-delà du respect de la «tradition républicaine», Jean Castex évoquait au micro de France Inter sa volonté de donner une «impulsion nouvelle» avant les élections législatives des 12 et 19 juin. Emmanuel Macron reste néanmoins libre de renommer tout ou partie de son gouvernement.

S’il est nommé avant l’élection des députés, le nouveau gouvernement pourrait être de courte durée. Car un autre usage prévoit que le Premier ministre présente sa démission et celle de ses ministres après les législatives. En 2017, Emmanuel Macron avait ainsi formé un gouvernement trois jours après son investiture, le 17 mai 2017, puis un nouveau en juin. Edouard Philippe, qui lui avait remis sa démission après le renouvellement de l’hémicycle, avait été immédiatement reconduit au poste de Premier ministre, donnant lieu à un remaniement.