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JO 2024 : est-il «scientifiquement prouvé» qu’on peut se prémunir d’une infection à l’E. coli en ne se lavant pas les mains, comme l’avance un triathlète ?

JO Paris 2024dossier
Pour se prémunir d’une infection à la bactérie Eschericha coli, présente dans la Seine, Seth Rider a décidé de s’y accoutumer en cessant de se laver les mains. Une technique inefficace et dangereuse que n’approuvent pas les autorités sanitaires.
L'athlète américain Seth Rider a terminé 29e au triathlon ce mercredi 31 juillet. (Lisa Leutner/REUTERS)
publié le 31 juillet 2024 à 21h28

Le sportif américain Seth Rider était prêt à tout pour participer à l’épreuve olympique de triathlon même en cas de forte pollution de la Seine. «Nous savons qu’il y aura une exposition à l’Escherichia coli [dans la Seine, ndlr], alors j’essaie d’augmenter mon seuil d’E. coli en m’exposant à un peu d’E. coli dans la vie de tous les jours. Il s’agit de petites choses au cours de la journée, comme ne pas se laver les mains après être allé aux toilettes», explique-t-il à la BBC. Et d’ajouter que cette méthode est «scientifiquement prouvée». Vraiment ?

Le triathlète suggère donc qu’une exposition régulière à la bactérie, par ingestion ou par contact, empêcherait qu’il ne souffre de symptômes trop sévères s’il venait à être infecté après une course dans la Seine – dont les niveaux de baignabilité ont largement fait débat cette semaine, entraînant même un report des épreuves. Celles-ci, féminines et masculines, se sont finalement tenues mercredi matin. Seth Rider y a terminé 29e.

Pour les autorités sanitaires, la pratique qu’il dit avoir mis en place est non seulement inefficace pour se prémunir d’une contamination ou du développement de symptômes sévères. Mais elle est aussi dangereuse pour les personnes susceptibles d’entrer en contact avec l’athlète aux mains sales.

«Sa théorie est fumeuse»

L’Escherichia coli, dite E. coli, désigne en fait une large famille de bactéries. Si certaines variétés peuvent provoquer des intoxications mortelles, comme celles qui ont tué deux enfants après l’ingestion de pizzas de la marque Buitoni, la grande majorité de ces bactéries sont bénignes. Présentes en grande quantité dans les tubes digestifs, elles sont même bénéfiques pour empêcher certains pathogènes de se fixer, comme la salmonelle par exemple.

Parce qu’on la retrouve dans le tube digestif, le taux de concentration d’E. coli est mesuré pour déterminer de manière indirecte le niveau de pollution fécale d’un cours d’eau. En calculant ce niveau, on ne cherche pas seulement à se prémunir d’une variété nocive de E. coli, mais aussi d’autres agents pathogènes (virus et bactéries) dangereux, présents lorsqu’un important niveau de pollution fécale est observé.

Pour François-Xavier Weill, directeur du centre national de référence des E. coli à l’Institut Pasteur, le raisonnement du triathlète ne tient donc pas. «Sa théorie est fumeuse car en s’exposant à ses propres E. coli il ne va pas se protéger contre les autres pathogènes dangereux [potentiellement présents dans la Seine en cas de forte pollution fécale, ndlr] alors que le E. coli n’est qu’un marqueur de cette pollution fécale», argumente-t-il. De plus, en ne se lavant pas les mains après un passage aux toilettes il ne se prémunit pas non plus contre les E. coli nocifs. «Nous avons tous de grandes quantités de E. coli dans nos tubes digestifs et ce n’est pas en absorbant de nouveau de petites quantités de ces E. coli bénins qu’il va s’immuniser contre des types plus rares de E. coli nocifs», déroule-t-il.

Hygiène

Le chercheur rappelle aussi que l’éradication de la plupart des maladies infectieuses est due à l’hygiène et au principe de base de se laver les mains, a fortiori après avoir été en contact avec des matières fécales. «C’est dangereux pour les autres car nous ne savons pas de quoi il est peut-être porteur. Il a pu avoir une gastro il y a quelque temps et être toujours porteur du germe. S’il ne se lave pas les mains il peut contaminer les personnes autour de lui», poursuit-il.

En réaction aux déclarations du triathlète à la BBC, l’Institut Pasteur rappelle «qu’il est impératif de se laver les mains et de respecter les règles d’hygiène - notamment lorsqu’on réside en communauté (dans le village olympique)». Des recommandations analogues à celles de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui appelle à «se laver soigneusement les mains après être allé aux toilettes, mais aussi avant la préparation et la prise des repas».