Médaille d’or ou médaille d’argent ? Vendredi soir, l’Algérienne Imane Khelif et la Taïwanaise Lin Yu Ting sont en finale dans leur catégorie de boxe respective. Et ce, malgré les diverses critiques qui leur sont adressées depuis plus d’une semaine. Certains les accusent d’être des hommes transgenres, d’autres encore qu’elles auraient un taux de testostérone supérieur à la moyenne des femmes. Certains suggèrent aussi qu’elles auraient un chromosome XY, comme la majorité des hommes.
Dans ce brouhaha, certains médias synthétisent leur cas en les définissant comme des «hyperandrogènes» ou «atteintes d’hyperandrogénie». Soit «la manifestation clinique d’un excès d’androgènes [les hormones responsables des signes extérieurs de virilité, ndlr]» selon la Dr Clémence Delcour, spécialisée en gynécologie endocrinienne. Une synthèse, qui apparaît dans les titres des articles notamment, mais qui ne repose, en réalité, sur aucune source fiable.
Omniprésence
Ainsi, dans un article publié jeudi par le Figaro, avec ce titre : «Battue par une Taïwanaise hyperandrogène, une athlète turque réalise un geste polémique». Dans la première phrase, Imane Khelif et Lin Yu Ting sont toutes les deux présentées comme «deux boxeuses hyperandrogènes». Le journaliste explique plus loin qu’elles auraient échoué à un «test de genre» et qu’en conséquence, «les deux hyperandrogènes avaient été exclues par la Fédération internationale de boxe (IBA) estimant que c’étaient des hommes». Le corps de l’article n’explique pas précisément les résultats de ce test de genre. Lundi, le Figaro donnait les détails, selon lui, du motif de l’exclusion d’Imane Khelif dans un nouvel article. Le journaliste y explique que «née femme, la boxeuse présente en réalité un taux élevé d’hormones mâles», sans donner la source de cette affirmation. Contactés par CheckNews, les deux auteurs n’ont pas répondu à nos sollicitations.
Un article du 8 août du Parisien qualifie aussi d’«hyperandrogène» la boxeuse Lin Yu Ting dans un article. La suite de papier explique que «Lin Yu-Ting a beaucoup fait parler depuis le début de ces Jeux olympiques à cause de son hyperandrogénie, et des fausses allégations affirmant qu’il s’agit d’un “homme”». Puis de l’expliquer par le fait «qu’elles avaient soi-disant échoué à un test destiné à établir leur genre». Malgré la prudence abordée pour désigner ce test, le journaliste définit pourtant comme «hyperandrogène» l’athlète tout au long de l’article. Interrogé par CheckNews sur la source qui permet de justifier l’utilisation de ce terme, le journaliste n’a pas répondu.
Même prudence dans une chronique de France Inter, où il est précisé que «les détails du “test de féminité” ne sont pas connus» tout en expliquant plus haut qu’Imane Khelif est critiquée sur les réseaux sociaux en raison «d’un dysfonctionnement biologique qui lui confère une surproduction de testostérone».
Ces articles semblent définir les deux boxeuses comme «hyperandrogènes» sur la seule base de ce «test de genre» auquel elles auraient échoué. Les articles retiennent sur la base de ce test, qu’elles auraient un taux de testostérone plus élevé que la moyenne.
Des tests restés confidentiels
Pourtant, personne n’a eu accès aux résultats du test de la controversée Fédération de boxe (IBA), qui en est à l’origine, et qui souhaite les garder secrets. Par ailleurs, dans plusieurs articles, il est mentionné que les athlètes auraient un taux de testostérone élevé. Pourtant, l’IBA a bien détaillé dans un communiqué qu’elles «n’ont pas subi de test de testostérone». Impossible de conclure, donc, à un taux de testostérone élevé. Par ailleurs, le communiqué ne remet pas en cause que ces deux athlètes sont des femmes et avance seulement qu’elles bénéficient «d’avantages compétitifs par rapport aux autres concurrentes féminines».
Dans une déclaration tirée de son compte Telegram, le président de l’IBA, le Russe Umar Kremlev, avançait en mars 2023 ce qui serait la teneur des tests et leurs résultats. «Sur la base des résultats d’un certain nombre de tests ADN, des athlètes ont été identifiés qui tentaient de tromper leurs collègues et se faisaient passer pour des femmes. Sur la base des résultats de tests génétiques, il a été prouvé qu’ils possédaient des chromosomes XY et ont ensuite été exclus des compétitions sportives», avançait-il. Selon cette déclaration, l’IBA ne désigne pas seulement ces femmes comme hyperandrogènes mais comme étant des hommes. Des allégations qui sont donc contradictoires avec le communiqué de l’IBA cité plus haut et qu’il est impossible de vérifier tant que la méthodologie du test demeure secrète.
Le dernier élément à prendre en compte pour évaluer la crédibilité du test est le caractère sulfureux de l’IBA dont Umar Kremlev, un proche de Vladimir Poutine, est président. Cette fédération a d’ailleurs été exclue de l’organisation de ces Jeux olympiques, après plusieurs scandales dont des soupçons de corruption des arbitres lors des Jeux de Rio de Janeiro en 2016.
Ces différents articles qualifient donc les deux boxeuses «d’hyperandrogènes» sur les seules bases d’un test dont les résultats et la méthodologie n’ont pas été publiés, produit par une fédération de boxe à la réputation désastreuse. Pour l’heure, aucune source sérieuse ne nous permet donc d’affirmer que les deux femmes sont sujettes d’hyperandrogénie.