A l’heure du bilan des Jeux olympiques de Paris 2024, de nombreux commentateurs s’amusent à réagencer le classement des médailles. Alors que les Etats-Unis sont arrivés en tête en remportant 126 médailles dont 40 en or, devant la Chine (91 médailles, 40 en or), plusieurs europhiles arguent (avec plus ou moins de sérieux) qu’en additionnant le nombre des médailles glanées par ses membres, c’est l’Union européenne qui arrive en première place, avec un total de 309 médailles, dont 97 en or.
Et pourquoi on ne compte pas les médailles comme cela ? 🇪🇺🥇🥈🥉
— Antoine Schibler (@AntoineSchibler) August 11, 2024
L'Union fait la force !#Paris2024 #CeremonieDecloture pic.twitter.com/Ep0k9OcKaC
Lors de la compétition, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe, s’était déjà félicité de voir l’Union européenne en tête du classement.
Avec 189 médailles, l’Union européenne est en tête du classement aux Jeux de #Paris2024!
— Jean-Noël Barrot (@jnbarrot) August 7, 2024
C’était la journée dédiée à l’Europe au Club France : merci à tous les ministres et ambassadeurs européens présents pour nos échanges. pic.twitter.com/dEgGDlG9rT
Un satisfecit qui comporte d’évidentes limites. Et qui s’explique (en bonne partie) par le nombre d’athlètes européens s’étant présentés aux épreuves olympiques. Aux JO, plus de 10 000 athlètes venus de plus de 200 pays ont concouru dans 329 épreuves. Selon un décompte du site d’information Toute l’Europe, 3911 athlètes étaient issus d’Etats membres de l’UE. A titre de comparaison, les Etats-Unis, pourtant le pays avec la plus importante délégation, ne présentaient «que» 592 athlètes, soit 6,6 fois moins que tous les pays de l’UE. Ce qui rend la comparaison quelque peu inégale.
Nombre de médailles inévitablement revu à la baisse
Si l’UE concourait comme une seule nation, le nombre de sportifs qu’elle présenterait serait évidemment fortement réduit. Selon le Comité national olympique français, « au maximum, un pays pouvait engager 769 athlètes sur les Jeux de Paris 2024. Cela signifierait d’avoir obtenu tous les quotas disponibles au sein de toutes les épreuves ainsi que d’avoir obtenu toutes les qualifications possibles via les Tournois de Qualification Olympique (TQO) ». Le nombre de médailles glanées par l’UE serait alors inévitablement revu à la baisse. D’abord, mécaniquement, parce que le nombre de médailles potentiellement accessible serait limité.
S’il est théoriquement possible pour un pays de gagner toutes les médailles d’or, il est en revanche impossible pour un pays de gagner… toutes les médailles. Dans de nombreuses épreuves, un pays ne peut pas présenter trois concurrents (et donc rafler les trois places sur le podium). Exemples les plus évidents : les sports collectifs, les relais en athlétisme ou en natation. Chaque nation ne peut présenter y qu’une équipe, et donc espérer au maximum une médaille. Prenons le hand-ball, sport ultra-dominé par les Européens : l’UE, si elle devait concourir comme un seul pays, ne pourrait remporter que deux médailles (une dans l’épreuve féminine et une dans l’épreuve masculine). Lors des JO parisiens, les pays membres de l’UE ont glané cinq des six médailles distribuées. Puisque dans les podiums masculins (Danemark, Allemagne, Espagne) et féminin (Norvège, France, Danemark), seul l’or du tournoi féminin (remporté par la Norvège) a échappé à l’UE.
Même chose en boxe, par exemple, où chaque pays ne peut espérer envoyer qu’un athlète par catégorie de poids. L’UE, elle, est représentée dans chacune des catégories de poids par plusieurs athlètes, même si un système de quotas continental restreint de fait le nombre d’athlètes issus de l’UE pouvant concourir au tournoi olympique dans chaque catégorie. Dans celui des poids légers chez les hommes, où le Français Sofiane Oumiha a remporté l’argent, il y avait ainsi quatre boxeurs issus des pays de l’UE sur vingt participants.
Limitations du nombre d’athlètes par épreuve et par nation
Dans certaines épreuves, chaque pays peut envoyer au maximum deux athlètes. En natation par exemple, chaque comité national olympique ne pouvait inscrire que deux athlètes dans les épreuves individuelles (à condition qu’ils aient effectué les «minima», soit les performances requises pour la qualification). Impossible, là aussi, de rafler les trois médailles. Même chose en plongeon, par exemple. En raison de ces limitations du nombre d’engagés par épreuve et par nation, et d’après les calculs de CheckNews, un pays pouvait en théorie (s’il parvenait à qualifier le maximum d’athlètes dans chacune des épreuves, et si tous ces athlètes obtenaient le meilleur résultat possible) décrocher 516 médailles (or, argent et bronze confondus) sur les quelque 1039 breloques distribuées lors des Jeux de Paris. A l’inverse, forte de ses 27 pays et autant de délégations, l’UE avait, elle, la possibilité théorique de décrocher la totalité de ce gros millier de médailles.
Dans certaines disciplines, un comité national olympique pouvait qualifier trois athlètes (comme en athlétisme ou en BMX par exemple), voire quatre (au tennis) par épreuve individuelle, et donc espérer remporter la totalité des médailles (ce que la France a fait en BMX racing). Mais si un seul pays peut, en théorie, réaliser un triplé dans certaines disciplines, cela ne fait pas disparaître cette évidence : les chances de décrocher une ou plusieurs breloques augmentent forcément en fonction du nombre de représentants engagés. Avec presque sept fois plus d’athlètes que les Etats-Unis, et environ 40 % du total des athlètes participants aux JO, les pays de l’UE partaient avec un avantage compétitif certain.
Article mis à jour le 19 août 2024: Correction des nombre de médailles qu’un pays pouvait espérer remporter et du nombre maximum d’athlètes qu’un pays pouvait envoyer aux JO de Paris 2024. La version précédente de l’article indiquait un maximum de 720 athlètes, alors que le comité national olympique français avance le nombre de 769 athlètes. Nous avions calculé 545 médailles au lieu de 516 avancées par le comité français.