Coupable et relaxée ? Ce mardi 22 novembre, l’infectiologue Karine Lacombe a été relaxée par le tribunal correctionnel de Marseille, alors qu’elle était poursuivie en diffamation par l’ancien directeur de l’IHU de Marseille Didier Raoult. En cause, des propos qu’elle avait tenus sur Europe 1 en 2020, où elle avait déclaré que «des actions en justice [contre Didier Raoult] pour mensonge devant la commission parlementaire [étaient] en cours».
Sur Twitter, l’ancien patron de l’IHU de Marseille a donné une version toute personnelle du jugement : «Karine Lacombe jugée coupable de diffamation à mon encontre, mais relaxée pour une bonne foi dont je doute et je fais appel.» Une version déjà scandée en amont sur le réseau social par de nombreux comptes de soutien à Didier Raoult. L’avocat du professeur avait en effet déjà déclaré, le jour de la décision, que Karine Lacombe était «reconnue coupable de diffamation» mais qu’elle avait «[bénéficié] de l’excuse de bonne foi qui l’empêche d’être condamnée».
K.Lacombe jugée coupable de diffamation à mon encontre, mais relaxée pour une bonne foi dont je doute et je fais appel.
— Didier Raoult (@raoult_didier) November 24, 2022
La formulation est erronée. Par définition, Karine Lacombe n’a pas été «jugée coupable» de diffamation… puisqu’elle a été relaxée par le tribunal correctionnel de Marseille. Pour autant, il est exact que le caractère diffamatoire de ses propos a été reconnu, d’où la confusion.
Dans la loi, la diffamation est définie comme «une allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne». Dans le cas de Karine Lacombe, le caractère diffamatoire de ses propos a bien été reconnu par le tribunal, dans le sens où ils portent donc atteinte à l’honneur et à la considération de Didier Raoult. Mais le tribunal correctionnel de Marseille a estimé que les éléments constitutifs du délit de diffamation n’étaient pas caractérisés, retenant l’excuse de bonne foi.
Portrait
Pour que la bonne foi de l’auteur des propos soit retenue, il faut que quatre éléments soient réunis, comme l’explique l’avocat spécialisé en droit de la presse (et conseil de Libération) Emmanuel Soussen : «Tout d’abord, il faut démontrer qu’il était légitime d’aborder le sujet.» Ensuite, la personne mise en cause doit montrer qu’elle n’avait pas d’animosité personnelle antérieure à l’encontre de la personne visée. Par ailleurs, «l’accusé ne doit pas avoir fait preuve d’outrage de langage», poursuit maître Soussen. «Enfin, il faut prouver que la personne avait fait une enquête suffisante pour dire ce qu’elle a dit.»
Dans le cas de Karine Lacombe, les juges ont notamment estimé qu’elle s’appuyait sur «une base factuelle suffisante avec deux signalements contestant les déclarations de M. Raoult devant la commission parlementaire, dont celle de Martin Hirsch», alors à la tête des Hôpitaux de Paris. Ce dernier avait adressé un courrier au président de l’Assemblée nationale le 26 juin contre les déclarations du chercheur marseillais, dans lequel il considérait que les propos de Didier Raoult «[semblaient] s’apparenter à un faux témoignage».
Comme le résume l’avocat Maître Eolas sur Twitter, «la diffamation consiste à imputer à quelqu’un des faits contraires à l’honneur et à la considération» mais «toute diffamation n’est pas punissable». En l’espèce, «le tribunal a estimé que ce qu’elle a affirmé reposait sur une enquête sérieuse, prudemment exprimée sans animosité personnelle, et portait sur un sujet d’intérêt général» et qu’il n’y a donc «pas diffamation punissable.» Et ce, même si «Karine Lacombe a imputé des faits contraires à l’honneur et à la considération» de Didier Raoult.